lundi 24 décembre 2007

Anticipation intimiste et truffes chocolathé(es)

Alors que les cadeaux pour nos proches ne sont pas encore tous emballés (et certains mêmes restent à acheter... Ce n'est pas par négligence, mais suite à diverses hésitations, ruminations, manque de temps-tation), nous avons, comme il se doit, fêté samedi soir notre noël à deux, une anticipation intimiste du noël en famille qui nous attend. En préparant ensemble un dîner entièrement composé de mets préférés, on se souvient des noëls précédents ainsi célébrés, du poulet rôti et des pâtes au beaufort du tout premier, de la canette rôtie aux fruits (sobrement baptisée "La Daisy"), des homards comme dans Annie Hall, d'un gâteau chocolat blanc et fruits rouges que j'avais massacré... On s'amuse bien.
Alors samedi soir, on a beaucoup ri (effet conjugué de mes plaisanteries toujours très spirituelles et des coupes de champagne) en préparant et en dégustant du concombre farci au crabe et au gingembre mariné (un plat très frais et délicat dont la recette provient -encore!- du dernier livre de Sophie Brissaud, d'énormes langoustines trouvées samedi matin au marché et qui m'ont suppliée jusqu'à l'ultime seconde en frétillant d'angoisse de ne pas les immerger dans la marmite rouge remplie d'eau bouillante (mais dans ces cas-là, je suis sans pitié. Il y en a une, la pauvre, dont seule la tête a d'abord plongé dans la piscine bouillonnante, son pauvre corps a eu un dernier sursaut qui m'a serré le coeur mais bon, c'était son destin de grosse langoustine), et puis une apple pie que notre amie Nigella prétendait être pour deux personnes mais qui bien sûr aurait pû nourrir une petite famille. Je vous en reparlerai.
Et puis dimanche matin, pendant le petit déjeuner, ouverture de paquets colorés et sourires de ravissement sans fin. Et plein de nouveaux livres qu'on peut feuilleter tout le dimanche durant! (en voyant par la fenêtre des tas de gens aller et venir avec de la tartiflette en barquette, des pommes d'amour, des cadeaux de dernière minute, des enfants emmitouflés qui geignent -ou qui n'arrêtent pas de rigoler selon qu'ils ont eu ou non un bonnet de père noël avec des lumières qui clignotent, hum-)
Bien au chaud, en buvant un thé préparé dans une nouvelle théière à la fois japonaise et cheshirienne, on peut préparer quelques truffes parfumées au thé pour sa petite famille qu'on s'apprête à rejoindre lundi (avec des cadeaux emballés, ça va sans dire).


Les truffes chocolathé(es)

J'ai divisé les proportions suivantes par trois pour faire des truffes au thé aux agrumes, au sencha et des natures, enrobées de noix de coco, pour mes parents et ma soeur qui sont particulièrement friands de cette association.

-340g de chocolat
-20cL de crème fleurette
-35g de beurre doux

Pour les truffes au thé aux agrumes, une grosse cuillérée à café de thé idoine (ici du Summer blend Betjeman et Barton, le même que pour la mousse au chocolat) et du cacao pour enrober.
Pour les truffes au sencha, une grosse cuillérée à café de sencha et un mélange de cacao et de thé matcha pour enrober.
Pour les autres, de la noix de coco râpée (que je n'ai pas pensé à légèrement torréfier, argh).

Faire fondre le chocolat au bain marie.
Faire bouillir la crème et y faire infuser, s'il y a lieu, le thé pendant un bon quart d'heure. Filtrer ensuite avec une petite passoire.
Verser la crème sur le chocolat, fouetter énergiquement.
Ajouter le beurre en petits morceaux et lisser le mélange.
Le laisser reposer à température ambiante puis l'oublier au réfrigérateur pendant une nuit.
Le lendemain, former les truffes à l'aide de deux cuillères à café et les enrober de la poudre qui leur va bien.
Faire goûter à son goûteur préféré avant de ranger dans des petites boîtes bien hermétiques.

Joyeux noël à tous, avec une pensée particulière pour ceux qui sont loin de ceux qu'ils aiment, et tout ceux qui, comme la dame agenouillée sur le pavé froid et trempé du marché, le monsieur qui dort dans un demi sac de couchage en bas de la rue et qui a disparu, sont dans l'attente cruelle de jours meilleurs.

vendredi 21 décembre 2007

Un okonomiyaki de dessin animé

Quand j'y repense, quand même, quand j'étais petite, je regardais pas mal la télé. Et pas que des trucs intelligents (mais y-a-t-il seulement eu des émissions intelligentes à la télé après les années quatre vingt? Je ne me souviens plus. Je ne la regarde plus depuis l'élection de Chirac, en 2002, sauf si c'est le palmarès du festival de Cannes, et encore, je crois que je préfère l'entendre à la radio: comme on ne voit aucun visage, on est suspendu aux voix et le suspense est insoutenable. J'aime bien. La télé ne me manque jamais. En fait, c'est comme si elle n'existait pas. Je trouve que tout y est dilué et inconsistant, sauf peut-être quelques compétitions sportives. Et bizarrement, moi qui ai une certaine aversion pour la transpiration collective, j'ai plusieurs souvenirs de finales de Roland Garros et aussi de quelques 100 mètres) ou qui sont censés muscler les neurones, au contraire. Vraiment, j'avais une appétence particulière pour les jeux sans conséquence: si Des chiffres et des lettres m'inspiraient un ennui sans nom (probablement dû au rythme des évènements et du peu de suspense ménagé), je me souviens du Juste Prix et notamment d'un jeu de mini golf, je me souviens de la Roue de la Fortune et de sa potiche, je me souviens du Jeopardy et de mon émerveillement naïf devant le concept même qui requérait de trouver la question et non une réponse, je me souviens (même si je ne l'ai pas vu très longtemps) de l'Académie des neuf et de l'écran divisé en neuf cases avec des gens dedans. Rien de tout cela n'est très stimulant intellectuellement mais bon, on ne lit pas Kant à cinq ans (et parfois, à vingt cinq ans, on ne l'a toujours pas lu. A trente ans peut-être?) Et même que dans le genre pas très stimulant, je regardais beaucoup de dessins animés. Ma maman travaillait la nuit et les mercredis matins, je devais m'occuper seule au quatrième étage d'un immeuble dans un quartier qui craignait un peu. Elle me préparait un sandwich soigneusement emballé dans du film étirable qu'elle entreposait au frigo (et que je convoitais dès le petit déjeuner) et il y avait aussi du chocolat blanc à la noix de coco en carrés prédécoupés par ses soins (oui, car un jour, infâme et ingrate petite fille, je l'avais réveillée parce que je n'arrivais pas à casser du chocolat. Ou peut-être voulais-je juste vérifier que même si elle dormait, je n'étais pas toute seule dans l'appartement dont la cuisine bleue nous a fait détester cette couleur pendant plusieurs années). Toujours est-il que pour m'occuper, je n'avais aucun scrupule à passer la moitié de la journée devant la télé, l'éteignant seulement au moment du documentaire animalier qui m'inspirait un ennui profond (la vie des lions dans la savane m'a longtemps dégoûtée) et en profitant pour goûter mon beau sandwich (il n'était alors que dix heures et demi du matin mais bon). Entre les mercredis et les fins d'après-midis, je me souviens avoir versé toutes les larmes de mon corps devant la terrible histoire de Bouba le petit ourson, sans parler de Rémi sans famille et cet épisode vraiment intolérable de cruauté où Vitalie succombe sans aucun ménagement. Je me souviens de l'anniversaire de Princesse Sarah, de l'arrachage de dent de Tom Sawyer par son petit frère, du bal où sont invitées les deux filles aînées du Docteur March (Meg et Jo), des Cités d'or, de Clémentine/Quand tu fermes les yeux/Tu devines/Le merveilleux, des aventures de Nils Olgerson... Il y en a trop.
Et puis, il y avait un dessin animé japonais que je trouvais un peu sulfureux bien que franchement dégoulinant, dont je ne me souviens plus du titre mais où il s'agissait d'une jeune fille avec une queue de cheval, élevée par son père qui tient un restaurant, et qui fréquente -de très près- les membres d'un groupe de rock dont le chanteur avait non seulement les cheveux roses coiffés en pseudo banane mais aussi un petit frère aux cheveux bleus et bouclés qui ne sortait jamais sans son chat dodu qui s'appelait, et ça j'en suis certaine, Roméo. Il se trouve que ce chat était particulièrement friand de crêpes que préparait le papa de la jeune fille sur la plaque chauffante du comptoir de son restaurant or, la ressemblance de ces crêpes avec les okonomyaki goûtés pour la premières fois lors de londoniennes vacances, ne fait aucun doute. J'ai percé le mystère des crêpes dont rêvait Roméo!
L'okonomiyaki (qui signifie littéralement "ce que vous voulez, grillé") est une sorte de crêpe japonaise assez épaisse que l'on peut garnir selon son envie (et ses placards). C'est un plat très régressif, sucré, doux, croustillant dehors et très moelleux dedans. Grâce à la farine toute prête à okonomiyaki (que l'on peut trouver à Paris à l'étage de Kioko), la préparation est très rapide et le rapport temps passé à cuisine/satisfaction des papilles est à son comble! (et bien, vous allez finir par croire que je suis vraiment obsessionnelle...)


Un okonomiyaki de dessin animé
Pour deux personnes


-100g de farine à okonomiyaki
-100mL d'eau
-un oeuf
-un tout petit morceau de saumon frais coupé en dés
-3 tranches très fines de poitrine fumée
-quelques feuilles de chou émincées
-un peu de comté râpé (typiquement japonais je sais)
Et pour garnir: de la bonite séchée, de l'algue en poudre, de la sauce okonomi (en flacon souple, la même que pour les yakisoba, avec le visage jovial et dodu d'une dame à cheveux qui rebiquent sur l'emballage) et, pour ceux qui l'aiment, de la mayonnaise surtout pas maison.

C'est d'une simplicité déconcertante. On mélange tous les ingrédients, sauf la poitrine que l'on aligne dans une poêle très légèrement huilée, on verse la pâte dessus et on fait cuire à feu moyen/vif. Quand on sent que le dessous est doré, on retourne prestement l'okonomiyaki et on fait cuire l'autre côté sur feu plus doux, jusqu'à ce que la consitance nous plaise, je ne sais pas comment expliquer mieux (surtout que c'est G. qui les a faits et qu'il ne peut pas répondre parce qu'il est plongé dans une lecture passionnante dans une autre pièce). Pour servir, il faut d'abord faire une spirale de sauce okonomi (et de mayonnaise si l'on veut), puis on saupoudre d'algues en poudre et enfin de copeaux de bonite sèchée qui ondulent alors avec la même grâce que celle adoptée par les méduses dans le profondeurs marines (enfin, ça me fait penser à ça. Il y en a que ça dégoûte, ils ont l'impression que c'est encore vivant).
Délicieux très chaud avec une salade de concombre et de jeunes pousses assaisonnée avec une vinaigrette à l'huile de sésame.


Pour goûter un vrai okonomiyaki si vous êtes à Paris, vous pouvez aller à Aki, 11 rue Sainte Anne, où tout est frais et délicieux ou à Azabu, où l'ambiance est jolie et chic (et où les prix sont en conséquence, mais la salle du bas est très belle et le service délicat et attentionné). Et si vous voulez avoir l'impression d'être dans un manga, vous pouvez aller déguster un bon bol de udon brûlant en faisant, comme il se doit plein de bruit, juste à côté, à Kunitoraya, au 39 de la même rue.


Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de recevoir votre goûter par la Poste avec une carte rose et plein de mots gentils? Grâce à une fée, j'ai eu droit à ce petit bonheur, plein de bredele et du bon thé... Merci. Vivement que l'on se voie en vrai autour d'un goûter!

jeudi 13 décembre 2007

Thinking of a mad tea-party -une tarte à l'orange (presque) comme au Loir dans la théière-

La première fois que je suis allée au Loir dans la théière, c'était il y a presque dix ans maintenant. J'avais lu une interview d'une jeune actrice française qui avait très bien commencé sa carrière par un rôle d'adolescente voleuse et fugueuse dans un film d'Olivier Assayas et qui l'a très mal poursuivie en faisant de la pub pour L'Oréal et un cosmétique un peu stupide censé rendre heureuses vos cellules cutanées. A cette époque, je ne pouvais pas encore prévoir ce revirement de situation et j'avais éprouvé beaucoup de curiosité quant à son évocation de ce salon de thé parisien où elle aimait donner ses rendez-vous. Elle avait vanté les mérites de leur tarte au citron méringuée et expliqué que côtoyer Alice au pays des merveilles le temps d'un thé n'était pas déplaisant.
Vouant une affection immodérée pour la petite Alice, j'avais profité d'une escapade parisienne avec E. pour voir un peu de quoi il s'agissait exactement. J'avoue que je me souviens mal de cette première fois-là (alors que ma mémoire est pourtant d'une vivacité qui peut parfois être très pénible quand elle se souvient avec une extrême acuité de moments blessants ou douloureux. Le problème est que ma mémoire n'est pas très sélective, je retiens beaucoup de choses sans effort -malheureusement la médecine fait exception à ce processus mais j'y travaille, et dur en plus-, que ce soit des imprimés de doublure de manteau vus sur une très belle fille brune à Londres ou un mot malheureux du coiffeur juste après une coupe dramatique pour l'estime de soi la veille d'un départ pour un voyage en Toscane avec ma classe de latin du lycée. Parfois j'aimerais que ma mémoire parte en vacances elle aussi -mais pas pour la médecine, donc-), je crois que nous avions eu une petite table dans la salle haute, près d'une fenêtre; j'avais choisi une assiette du Loir (qui mêlait, si je me souviens bien, de la coppa, des tomates marinées, du parmesan et peut-être de la ratatouille froide. J'avais eu, a posteriori, la honte de ma vie: il y avait des linguine au menu, je ne savais pas ce que c'était et, curieuse de choses toujours nouvelles, j'avais posé la question à la gentille serveuse, une grande fille très simple qui portait un débardeur gris chiné ce jour-là (ah, en fait je me souviens quand même de pas mal de choses) et elle a eu le tact de ne pas me donner la réponse avec ce ton suffisant qu'affectent parfois certaines personnes dans ce genre de situations. Je me souviens très bien par contre du comptoir à gâteaux, qui m'avait vraiment épatée (à vrai dire, je n'avais jamais vu ça, mais il faut dire qu'à l'époque je n'avais pas vu grand chose. Je n'avais pas encore lu Proust par exemple. Je n'avais jamais vu de films de Tarkovski. Je n'avais jamais bu de mojito. Je ne savais pas faire la pâte brisée) mais je ne sais plus si j'avais choisi une tarte aux fraises ou un crumble aux pommes. Je me souviens juste que ça m'avait plu et que j'avais bien aimé l'ambiance, un truc à la fois intellectuel et charnel, comme un garçon parfait.
La dernière fois (mais pas l'ultime fois) que je suis allée au Loir dans la théière, c'était après l'exposition Giacometti à Beaubourg lors d'un court séjour parisien avec G. (mais nous avons quand même eu le temps d'aller chez S.Aoki pour une tarte au yuzu et un éclair au matcha. L'hôtel était cette fois-là dans une très jolie rue, il y avait une boulangerie où nous allions chercher des croissants chauds pour le petit déjeuner que nous prenions dans le café juste à côté). J'avais été très émue par certaines silhouettes giacomettiennes, fines, élancées et volontaires. Toutes ces statues qui avancent seules avec grâce et détermination vers un ailleurs connu d'elles seules me laissent sans voix. Il y avait aussi un petit chat qui avait beaucoup d'allure. Les photos de Giacometti dans son atelier étaient très touchantes aussi. C'était bien.
Pour déjeuner au Loir un dimanche en début d'après-midi, il faut quand même faire un peu la queue. Devant nous, un groupe de filles très maquillées qui me rappellent que la mini jupe peut encore être de rigueur et pas forcément sur des jambes précisément giacomettiennes. Derrière nous, un groupe de garçons avec de jolies voix qui discutent de la pertinence de faire intervenir la chirurgie sur les myopies, tout en ponctuant leur discours de petites remarques bien senties sur les gens qui passent (et qui expriment à voix haute leur avis sur le fait qu'il faut quand même être un peu borné pour faire la queue devant un salon de thé "comme s'il n'y avait pas d'autres endroits où déjeuner le dimanche à Paris". Il se trouve que parfois, avant de reprendre un train, on a des envies très précises que l'on n'a pas envie de différer.
Nous n'avons pas attendu très longtemps finalement. J'ai bien aimé la place que nous avions cette fois-ci, toujours dans la salle haute. Il y avait une affiche de Clean sur le mur (décidément Assayas... Et dans Fin août début septembre, on peut voir Jeanne B. se brûler la bouche avec un ravioli chinois bouillant tout en conservant une certaine classe). A la table d'à côté, il y a une jeune fille et sa maman, qui au moment du café, a demandé ce que c'était qu'un expresso. Je me suis sentie moins seule avec le coup des linguine. De l'autre côté, trois amis anglo saxons sont en train de bruncher et même si le contenu de leurs assiettes fait très envie, je ne peux renoncer à mon éternel club sandwich (très bon vraiment, le pain vient d'être toasté, pas trop de mayonnaise, de la tomate, de la salade très fraîche... Le plus compliqué est de manger proprement) et ma tasse de sencha. C'est un rituel (mais je ne suis pas obsessionnelle).
Le moment du dessert est crucial. C'est G. qui va examiner le comptoir à gâteaux et qui fait le compte-rendu. Mais là encore, à moins d'une envie urgente d'imprévu, c'est souvent sur la tarte à l'orange que nous jetons notre dévolu. Je crois que je l'aime bien aussi parce que l'un des serveurs avait dit à G., un jour où j'avais choisi la tarte aux fraises, "C'est aussi celle que je préfère" avec un sourire plein de gourmandise. G. peut évoquer longtemps le gôut de cette tarte à l'orange qui représente à ses yeux la perfection faite pâtisserie. Il parlera de la crème, un peu grumeleuse, pas trop sucrée, au bon goût d'orange, il parlera aussi de la surface de la tarte, caramélisée comme celle d'une crème brûlée. Il avait très envie de retrouver ce plaisir-là à la maison.


Alors dimanche, en écoutant en boucle trois chansons de l'album de duos de Vincent D. (il y a Quoi, cette chanson de Jane Birkin que j'avais oubliée, triste et entêtante, et puis Les cerf volants avec Biolay, qui transforme un tour de barque ou un déjeuner au parc ou un baiser dans le cou en eden absolu et accessible, enfin un tube tout mou de Laurent Voulzy qui me fait sourire et bouger la tête en rythme comme devant le top cinquante de mon enfance), après avoir compulsé plusieurs recettes parfois contradictoires, je me suis lancée dans une tarte à l'orange que j'aurais voulu -perfectionnisme maladif oblige- meilleure que celle du Loir dans la théière. Las! D'après mon goûteur préféré, elle était juste aussi bonne (ce qui me fait déjà très plaisir) mais il ne s'agissait de toute façon pas du tout de la même pâtisserie: ma crème n'était pas granuleuse, le dessus n'était pas caramélisé (mais ça, c'était impossible dans un four à gaz et sans chalumeau). Mais quand même, elle était super bonne! Pas trop sucrée, un chouette contraste entre la pâte croquante et la crème onctueuse, un parfum d'orange très délicat... Elle valait bien des baisers dans le cou.


Ma tarte à l'orange
Pour un moule de 20cm de diamètre et 4 cm de hauteur


La pâte (mon éternelle pâte à demi oeuf)
-125g de farine T80
-75g de beurre salé bien froid coupé en petits morceaux
-15g de poudre d'amandes
-45g de sucre glace
-un demi oeuf (garder l'autre moitié pour imperméabiliser la pâte)

La crème à l'orange
-250mL de jus d'orange (environ trois oranges)
-1 cuillère à soupe rase de maïzena
-3 oeufs bio battus
-100g de sucre en poudre
-100g de crème fraîche
-le zeste très finement râpé de deux oranges bio et les zestes taillés en fines lamelles d'une autre orange bio

Pour la pâte, mélanger la farine, la poudre d'amande et le sucre.
Ajouter le beurre et mélanger du bout des doigts pour obtenir un mélange sablonneux.
Faire un puits, verser le demi oeuf battu et l'incorporer rapidement au reste pour former une boule de pâte à laisser au moins deux heures au réfrigérateur dans du film étirable.
Pour la crème, délayer la maïzena avec le jus d'orange et faire chauffer à feu doux. Rajouter le sucre et quand il est fondu, verser les oeufs battus. Remuer constamment jusqu'à ce que le mélange épaisisse (ça prend un peu de temps, si vous avez des cours de pédia à réviser en même temps, c'est le moment. Bien sûr, arrêter la musique)
Quand la crème a épaissi, arrêter le feu, ajouter la crème fraîche, bien mélanger puis ajouter les zestes très fins. Réserver.
Remettre la musique. Foncer un moule à tarte, la faire cuire à blanc jusqu'à ce que les bords soient à peine dorés (environ 1O minutes à 180°), retirer l'attirail (haricots secs, papier sulfurisé...), recouvrir le fond d'une très légère couche d'oeuf battu (l'autre demi oeuf!) et remettre 5 minutes au four.
Verser la crème sur la pâte, saupoudrer d'un peu de cassonade et parsemer de zestes d'oranges en lamelles. Enfourner environ 40 minutes à 160/180°.
Laisser refroidir avant de déguster et de recueillir des petits soupirs de satisfaction.

Si jamais vous manquiez encore d'idées pour combler les booklovers de votre entourage, deux jolis livres, précieux, abordables et gourmands.


D'abord Des tripes et des lettres de Yves Camdeborde et Sébastien Lapaque, un très bel objet sur du beau papier avec une typo classe, aux éditions de l'Epure. Huit recettes de Camdeborde (un peu intimidantes, j'avoue que je n'oserai pas me lancer dans la salade de croustillants de tétine, bulots et poireaux mais toutes les recettes sont ponctuées de petites remarques qui font sourire) et huit pastiches de Lapaque, celui de Marcel Proust étant très réussi (et la lecture à haute voix de celui de Marguerite Duras a beaucoup fait rire G.) Sont aussi conviés la marquise de Sévigné, Hemingway, Rabelais, Céline, Blake et Simenon.


Et puis, Gourmandine et le monde des gâteaux de Amandine Giraudo aux éditions de la pastèque. L'histoire est un peu convenue mais les dessins sont irrésistibles entre visages de gourmands épanouis, poules facétieuses, coupes de glaces, gâteaux à étages, religieuses, éclairs, sucettes, charlottes, petits choux et entremets. Si vous êtes rennais, sachez que j'ai trouvé ce livre à Alphagraph, la librairie indépendante et décalée de la rue d'Echange, tenue par Jérôme qui est très agréable quand il est de bonne humeur (et dont la librairie regorge de petits trésors à (s') offrir! )

D'autres tartes sans en avoir l'air:
La tarte abricot, amande et chocolat des cinéphiles
La tarte chocolat et bananes flambées pour rêver à des vacances au soleil
La tarte aux pommes qui n'aurait pas plu à VGE
Les petites tartes orange et chocolat pour marathoniennes en détresse
La tarte fraise-chocolat blanc pour l'année prochaine

vendredi 7 décembre 2007

Les vies secrètes et le risotto à la pomme et au Stilton

Dans le métro le matin il y a:
-le garçon aux cheveux gras, blouson orange et barbe taillée à la serpe qui révise ses cours de chinois. Ce matin, leçon quatorze, où l'on apprend à dire entre autres (je ne voulais pas non plus que mon regard soit trop insistant) pain, riz et concombre salé.
-trois filles voilées comme dans les pires heures de Persépolis mais leur visage d'une fascinante pureté est d'une déconcertante beauté.
-une fille aux cheveux ondulés avec un gros serre-tête à pois rouges qui raconte à sa copine que je ne vois pas, ses dernières prouesses en italien, et le soir où horrifiée, elle a découvert un rat sur son parking (ce qui est bien pire, assure-t-elle, que les cris de la voisine du dessus régulièrement battue par son mari). Brrr.
-deux modeuses en uniforme (jean slim, ballerines et maxi bag porté à la saignée du coude. C'est sport!) qui n'ont rien à se dire.
-une jeune femme avec un bonnet orange en grosse maille et des chaussures vertes qui a un très joli MP3 minuscule et transparent.
-plus d'une vingtaine de paires de Converse, j'ai compté. Trouées, en tweed, en velours côtelé, comme des drapeaux étatsuniens, fleuries, pailletées... J'en ai aussi mais je ne les mets plus, je ne trouve pas ça très confortable. Je préfère les Veja, qui sont jolies et équitables. [Il y a quelques années, j'allais de temps en temps boire un verre avec J., une très grande et très mince fille blonde qui avait des lunettes à épaisses montures noires avec des petites couronnes de princesse sur les branches. J. avait un sac à main en laine bouillie gris chiné décoré d'un disque bordeaux, son porte-monnaie, c'était un mini sac congélation en plastique transparent. Elle avait aussi un très bel étui à cigarettes. J. portait une jupe plissée écossaise rouge qu'elle était ravie de présenter comme un modèle datant de son CM2. Perchée sur des talons aiguille, J. promenait ses longues jambes trop maigres pour être honnêtes dans des collants colorés. Je n'avais jamais vu J. manger. J. aimait bien les garçons, qui le lui rendaient souvent mal. Un jour, elle était sortie avec un type qu'elle trouvait gentil mais dont les chaussures la désespéraient, des chaussures de prof de musique de collège à la retraite, des chaussures sans âme. Un jour pourtant, elle était toute contente, il lui avait dit au téléphone, à quelques heures d'un rendez-vous, "J'ai acheté de nouvelles chaussures!" Mais force lui fut de constater avec consternation que c'était exactement les mêmes, peut-être que seule la longueur des lacets avait changé. Parfois, j'aimerais bien revoir J. ]
-deux filles polonaises qui ont l'air super gentilles. Il y en a une avec un manteau pied de poule très classe.
-un couple de lesbiennes qui m'émeut beaucoup.
Souvent je voudrais en savoir plus sur tous ces gens; ce qu'ils mangent au petit-déjeuner, leurs rêves de la nuit dernière, leurs pires ennemis, leur meilleur souvenir de vacances, s'ils s'entendent bien avec leur famille, leur petit vice secret. J'aurais adoré, à l'instar de la fille de Woody Allen dans Everyone says I love you, avoir une amie dont la maman serait psychanalyste et faire un minuscule trou dans le mur du cabinet pour écouter les séances de divan d'inconnus. Ou alors il s'agirait de devenir psychanalyste. La route est longue Patoumi.
Je n'ai pas vu un seul patient depuis un mois et demi maintenant et ils me manquent.
Il paraît que monsieur C. ne va pas trop mal, je suis contente.
En repensant aux gens qu'on croise et qu'on ne revoit pas, un risotto sucré salé, doux et affirmé, comme le regard qu'on voudrait avoir dans les petites épreuves du quotidien.

Le risotto à la pomme et au Stilton
Pour une personne


-60g de riz arborio
-1 petite pomme acidulée (ici une rubinette) et ferme, épluchée, épépinée et coupée en petits dés
-2 tranches très fines de pancetta coupées en lanières
-1 petit oignon rouge émincé
-4 louches de bouillon de légumes bien chaud
-1 morceau de stilton (environ 20g je dirais)
-un peu de parmesan fraîchement râpé
-un peu d'huile d'olive
-un peu de beurre

Dans une petite poêle faire revenir les dés de pommes avec la pancetta et un peu d'huile d'olive. Arrêter quand la pomme est dorée.
Pendant le même temps, faire revenir l'oignon dans un peu de beurre et d'huile d'olive. Quand il est tendre, ajouter le riz et bien l'enrober du mélange beurre-huile. Quand le riz est nacré, verser la première louche de bouillon.
Ajouter du bouillon chaque fois que la louche précédenta a été absorbée, quand le risotto est presque prêt, ajouter les dés de pomme dorés et les lanières de pancetta puis le stilton émietté à laisser fondre tout doucement.
Arrêter le feu, râper un peu de parmesan, mélanger, servir dans une assiette bien chaude et déguster en écoutant à la radio, quelqu'un parler de Marivaux et d'amours adolescentes.

A propos de la photo:
-le numéro des Inrocks passait par là, j'ai toujours aimé ce profil de Jeanne Balibar (et sa bague avec une turquoise qu'on ne voit pas)
-les dix façons de préparer la pomme aux Editions de l'Epure, c'est un peu bête mais le petit dessin de la couverture me touche beaucoup. Si vous hésitez encore à compléter votre collection ou si vous voulez faire un cadeau qui sera très apprécié par les bibliophiles gourmands, sachez que les frais de port sont à un euro jusqu'au 18 décembre sur le site (et je n'ai pas d'actions chez eux!)
-la petite boîte japonaise avec une feuille de gingko dessus est taillée dans une belle pierre noire, brillante et lisse. C'est le dernier cadeau de G., pour me porter chance (alors aujourd'hui, il a trouvé un petit paquet avec à l'intérieur de la confiture Carla aux abricots et aux fruits confits et une autre, à la fraise et au champagne)
-la dame japonaise sur papier doré vient du Bon Marché où de jolies filles vantaient l'efficacité d'un petit papier dont les geishas sont fans et qui appliqué sur votre teint sale, terne et gras, le rendrait resplendissant par absorption de toutes les impuretés.
-le petit autocollant est un cadeau de quelqu'un que j'aime beaucoup, mais je ne sais pas toujours comment le lui dire.

samedi 1 décembre 2007

Les garçons et les filles, les tartes aux myrtilles et le flan au fromage frais de Sophie B.

Ce midi-là, quand j'ai allumé la radio avant de préparer un oeuf à la coque destiné à accompagner une soupe brocoli/stilton (c'est mal, je l'achète toute prête mais elle est délicieuse et conditionnée dans une boîte en carton si jolie que même quand il y a de belles têtes de brocolis qui me font de l'oeil, je craque pour la petite brique britannique -il s'agit de soupes bio d'Outre Manche- mais, après avoir fait un délicieux velouté au potimarron en ajoutant une croûte de parmesan dans le bouillon sur le judicieux conseil de Gracianne, j'ai pris de bonnes résolutions et je saurai désormais résister aux appels des jolies boîtes en carton. Malheureusement, la rechute, même si elle concerne un autre domaine, fut rapide: je viens d'acheter des banofees , alors que c'est si simple de les faire soi-même. Du coup, je culpabilise à mort, d'autant plus que ces petites choses ne sont pas un modèle de légèreté, ce qui fait que je n'ose pas les manger. Vous comprenez pourquoi je suis une canditate à la pitanalyse), ils étaient en train de dire que le dernier film de Wong Kar Waï était un sombre navet, un auto plagiat émétisant, une accumulation de fautes de goût et ils ont fini par conclure que ceux qui apprécient Friends apprécieraient My Blueberry nights, pâle bluette sans consistance sur fond de chansons pop acidulées. Aucune des personnes s'exprimant ainsi n'avait jamais fait de films mais bon.
Il se trouve que je garde un très bon souvenir de Friends, je crois même que j'étais capable d'enchaîner une demi douzaine d'épisodes avec un plaisir intact. Je me souviens de l'affront fait à Rachel en faisant remarquer le diamètre de ses mollets, je me souviens de son triffle aux petits pois et au boeuf haché, je me souviens des lasagnes de Monica, je me souviens du smelly cat, je me souviens du pictionnary et de "Bye bye birdy", je me souviens qu'il faut éviter d'offrir à Noël des serre-livres en forme de A et de Z, je me souviens des ongles de Janice, des dents trop blanches de Ross, du sourcil épilé de Joey... C'était chouette.
Alors hier soir, après avoir mangé les meilleurs croque-monsieur du monde préparés par G, on est allé à la séance de vingt heures voir My blueberry nights. La fille qui nous précédait dans la file d'attente avait une tresse, des lunettes et un manteau rouge. La salle était comble et nos voisins s'étaient visiblement arrêtés dans un kébab avant de venir, vue l'odeur environnante. Il y avait une bande d'annonce pour le dernier film d'Emmanuel Mouret, qui se prend un peu trop pour Rohmer je trouve.
Et puis My blueberry nights a commencé.
Je crois qu'il n'y a pas besoin d'apprécier Friends pour aimer ce film (et d'ailleurs G. est très hermétique à Friends mais il n'est pas resté de marbre devant le Wong Kar Waï, et pas seulement grâce à l'actrice qui joue la petite amie russe de Jude Law, ahem), il faut juste aimer les histoires de gens, aimer se perdre dans le labyrinthe d'existences sans cesse en mouvement de filles et de garçons qui croient en ce qu'ils n'ont plus et qui se heurtent à leur propre lucidité, ce qui peut parfois devenir salutaire pour peu que l'on soit patient, confiant et courageux. Alors oui, il y a quelques scènes très maniérées, le thème principal de In the mood for love est recyclé, les couleurs sont parfois un peu trop colorées mais bon, cela n'est rien en comparaison du plaisir que l'on a à suivre les aventures de Elizabeth, jeune fille insomniaque qui ne sait pas encore comme le goût de la tarte aux myrtilles servie par Jeremy (Jude Law, que je trouve bien plus interessant que sa petite amie russe, et qui fume ses clopes avec presque autant de classe que Tony Leung) a quelque chose de décisif. Ce film rend heureux.
Peut-être que dans son café new yorkais Jude Law aurait pu servir le flan au fromage frais de Sophie Brissaud, un dessert très simple où la cuillère s'enfonce avec la même volupté que celle des baiser volés de Jude dans My blueberry nights. La recette est issue du dernier livre de Sophie B., qui s'avère être une valeur de plus en plus sûre!

Le flan au fromage frais de Sophie Brissaud
Pour 4-6 personnes (j'ai divisé par deux et cela donne le ramequin de la photo, ce qui constitue un dessert pour deux après un repas léger. Sophie B. utilise pour sa part un moule à cake de 22/24cm de longueur)

-60g de sucre
-20cL de lait concentré sucré
-20cL de lait entier
-2 gros oeufs
-6 carrés de Kiri
-1 cuillère à café d'extrait naturel de vanille

Mélanger les deux laits, ajouter le fromage prélablement écrasé et bien amalgamer le tout.
Ajouter les oeufs puis l'extrait de vanille. Le mélange doit être bien homogène. Réserver.
Dans une petite casserole à fond épais, préparer un caramel avec le sucre et un peu d'eau (environ deux cuillères à soupe). Quand il est brun, le verser dans le moule en veillant à bien en napper les parois et le fond.
Verser la crème dans le moule et faire cuire au four au bain-marie pendant 10 minutes dans un four préchauffé à 200° puis environ une heure à 160° (les bords sont à peine dorés).
Laisser refroidir à température ambiante avant d'entreposer au réfrigérateur pour quatre bonnes heures.
A déguster, sur les conseils avisés de Sophie B., avec un thé rouge chinois à la rose.