jeudi 22 novembre 2007

Chicken pie for booklovers

Si vous avez déjà offert un coquetier en plastique rose, du produit vaisselle parfumé au gingembre, un tablier fleuri, une écharpe framboise écrasée, des dizaines de carnets, une radio vintage, un abat-jour en forme de moule à charlotte, un seau à glaçons en mélamine laquée noire en forme de poire, un citronnier, une bouillotte recouverte de laine bouillie, un dictionnaire de philosophie, des boîtes de sardines millésimées, des piles de macarons Ladurée, une petite bourse brodée, Gilles Deleuze en dvd, voici quelques petits livres pour le plaisir d'offrir.

Pour la nouvelle amie de votre oncle qui s'est inscrite à des cours du soir d'oenologie


(Petits) plats (di)Vins de Caroline Gomez et Alice Quillet
Pour faire du gâteau au chocolat avec un fond de bouteille ou un délicieux risotto de l'entre deux mers. Photos gaies et colorées qui donnent l'impression d'être en vacances

Pour la copine de votre frère qui fait des études de cinéma et qui essaie toujours de vous moucher en ne s'exprimant qu'avec des répliques de films (hongrois de préférence)


Son mari de Diane Middlebrook
Parce qu'elle se souvient sûrement que Annie Hall et Alvy Singer évoquent Sylvia Plath et qu'elle ne sait pas de qui il s'agit. Ce livre, qui peut paraître agaçant parfois dans son style, raconte la terrible histoire d'amour qui lia Ted Hughes et Sylvia Plath, deux poètes américains qui aimaient le civet de lapin et les aubergines. La jalousie maladive de l'une n'avait d'égale que l'étrangeté et l'ambition de l'autre, le livre se lit d'une traite avec un effroi croissant.

Pour votre amie d'enfance qui ne s'en remet pas de sa rupture


Douleur exquise
de Sophie Calle
Un livre exquis et précieux qui parfois serre le coeur mais donne plein de force pour aider le temps à consoler le chagrin. On a envie de prendre l'appareil photo, et de raconter sa propre histoire.

Pour votre maman qui déplore que le temps passe trop vite


Les années douces
de Hiromi Kawakami
L'histoire de Tsukiko qui croise un soir par hasard son ancien professeur de japonais et se retrouve à l'accompagner à la cueillette des champignons. Léger comme le vent dans les branches de cerisier, délicat comme une pâtisserie japonaise.

Pour votre neveu de trois ans qui voudrait aller au zoo alors que vous ne supportez pas la vue des éléphants en cage


Popov et Samothrace de Janik Coat
Dans ce joli bestiaire, j'ai une préférence pour Poppée la méduse mais Ava le poulpe rose et Josépha la tortue ne sont pas mal non plus.

Pour votre soeur qui fait un mémoire sur la représentation de la jeunesse dans l'oeuvre de Jane Austen


Femmes et filles de Elizabeth Gaskell, la meilleure amie de Charlotte Brönte
Un pavé de 650 pages où l'on suit les aventures de Molly dans la campagne anglaise du dix neuvième siècle entre pique nique, rivalités, mesquinerie et robes de soie.

Pour votre petite cousine qui trouve que Blanche Neige est un peu niaise


Allez raconte une histoire et Allez raconte plein d'histoires de Lewis Trondheim et José Parrondo
Pour découvrir les irrésistibles péripéties de la princesse Kipu qui faillit épouser un marchand de glaces au chariot qui grince mais qui croisa sur sa route le fils de la sorcière. Et ce n'est pas fini! Roue de la fortune, combat de lanceur de caca, boutons et kilos en trop, prince charmant ingrat... J'aime bien les relire quand il n'y a plus de chocolat par exemple.

Pour quelqu'un que vous aimez beaucoup


Alice's adventures under ground
de Lewis Caroll
Une version noir et blanc très classe qui mélange le manuscrit de Caroll et les illustrations tendrement fines et subtilement drôles de Sir John Tenniel.

Pour une fille qui prend chaque matin le métro la mort dans l'âme, le coeur lourd et le visage collé contre la vitre de l'engin, préférant encore être absorbée sans fin par les entrailles du tunnel plutôt que d'aller à son bureau où l'activité à laquelle elle s'emploie est sordide


Jeune fille de Anne Wiazemsky
Pour battre par procuration le pavé de Saint-Germain avec Antoine Gallimard, alors âgé de 18 ans, et faire une rencontre décisive avec Robert Bresson alors que plusieurs membres de votre famille vous trouvent moche et sans intérêt.

Il y a quelques années, j'ai rencontré une fille qui était hôtesse de l'air pendant les vacances scolaires, qui faisait un gâteau au chocolat qu'elle appelait "Le gâteau de Nancy", qui ne se lassait pas de La leçon de piano et qui portait des chaussons autrichiens. Pour mon anniversaire, elle m'avait offert toute une série de petits livres de cuisine. Comme notre amitié a rapidement avorté suite à de quelques incompréhensions mutuelles (dont l'épicentre était un garçon m'a-t-on dit), je peux à présent avouer que les-dits livres sont horriblement moches mais celui sur la cuisine irlandaise, écrit par la mystérieuse et prolixe Anne Wilson, est terriblement fiable: j'ai fait presque toutes les recettes salées et elles sont délicieuses.
Ce soir-là, chicken pie, sur fond de Edward Gorey, dont chaque petit album constitue une très bonne idée de cadeau pour un copain à lunettes et à redingote noire que vos copines surnomment "Le brun ténébreux".


Une chicken pie
Pour deux personnes

La pâte
-200g de farine complète
-140g de beurre demi sel bien froid en petits morceaux
-un peu d'eau glacée

La garniture
-2 blancs de poulet bien élevés coupés en dés
-2 tranches de jambon coupées en lamelles
-1 oignon émincé
-2 poireaux émincés
-1 cuillère à soupe de farine tamisée
-du poivre
-un peu de muscade
-20g de beurre fondu
-125mL de bouillon de volaille
-un peu de crème fraîche
-un jaune d'oeuf battu

Pour la pâte, amalgamer rapidement le beurre et la farine. Ajouter un peu d'eau pour obtenir une pâte que vous pouvez rouler en boule. L'entreposer au réfrigérateur le temps de préparer la garniture.
Mélanger la farine, le poivre et la muscade dans un bol, enrober le poulet de ce mélange et réserver.
Dans un plat un peu profond, mélanger les poireaux, l'oignon, le jambon et le poulet.
Verser le beurre fondu et le bouillon.
Etaler la pâte, prévoir une surface suffisante pour couvrir entièrement le plat et bien faire adhérer les bords de la pie aux bords du plat à l'aide du jaune d'oeuf battu.
Faire un joli dessin si vous voulez sur le dessus (je voulais faire une petite poule avec les chutes de pâte mais je suis aussi manuelle que sportive) mais surtout ménager une petite ouverture pour que la vapeur puisse s'échapper.
Dorer au jaune d'oeuf et faire cuire environ une heure dans un four précchauffé à 180°.
Dix minutes avant la fin de la cuisson, sortir la pie du four et verser dans l'ouverture que vous aviez menagée environ 7,5cL de crème fraîche. Remettre au four pour terminer la cuisson.
Délicieux brûlant avec une salade et une vinaigrette au jus d'orange.

vendredi 16 novembre 2007

Du vide, des vies, du thé et petit cochon à la sauce prune

Je le sais bien, on ne fait pas toujours ce qu'on veut. Il y a des après-midis où l'on aurait encore préféré calculer la quantité de savon utilisée dans tous les services de l'hôpital plutôt que d'être invitée (avec obligation de présence) à un cocktail suivi d'une série de mini conférences destinées à accueillir comme il se doit les nouveaux internes. J'ai séché le cocktail (qui consistait en réalité en divers douteux biscuits secs dans des assiettes en carton -mais l'on nous expliquera un peu plus tard que l'hôpital doit faire des restrictions budgétaires-) et j'ai veillé à arriver un peu en retard pour m'installer au fond de l'amphi et n'avoir pas à converser avec des gens à qui je n'aurais au mieux rien à dire. Je les ai bien observés quand même, cherchant désespérément un visage ouvert et curieux, ou au moins quelque peu intimidé, mais je n'ai vu que des mines satisfaites. Et puis, la série de pontes pléthoriques qui a pris la parole a parlé de compétences, d'être le meilleur, de prescription raisonnée, de Top 10, de prestataires de santé, d'évaluation des pratiques, de coût... Je n'ai pas beaucoup entendu parler de patients ou de soins. On aurait dit que la médecine était juste mercantile et déshumanisée. C'est un peu déprimant. Heureusement, un autre G. (qui aime 2001, les cakes à la banane, la cuisine indienne et les marbrés au chocolat) est arrivé, fidèle à lui-même, très en retard et nous avons pu converser tranquillement jusqu'à ce que la décision de partir avant la fin s'est imposée d'elle-même. Ca m'a un peu épuisée ce truc; et puis une demi-heure plus tard, pour la première fois de ma vie, j'avais rendez-vous avec mon banquier qui m'a appris que j'étais dans la catégorie "Jeune en phase d'équipement". C'est quand même super naze de mettre les gens dans des cases.
Quand je suis rentrée, j'étais dans l'absolue incapacité de me remettre à travailler (ouh! c'est mal). J'ai fait un délicieux thé et allongée sur le canapé gris-bleu, j'ai feuilleté un hors-série des Inrockuptibles, un vrai trésor. Il s'agit d'une compilation d'interviews de personnalités que la rédaction a jugées emblématiques du magazine et j'avoue qu'un peu comme j'aime beaucoup écouter les gens me raconter leur vie par le détail, je reste absolument fascinée par tous ces récits où des gens venus d'horizons aussi variés que PJ Harvey, Wong Kar Waï ou Catherine Deneuve exposent à la fois avec pudeur et détermination, leur conception du travail artistique, l'enfance et l'adolescence qu'ils ont eues, les concours de circonstances ou les combats acharnés menés pour obtenir ce qu'ils voulaient. C'est drôle, touchant et parfois terrifiant. J'adore les anecdotes livrées sans économies, j'ai appris que Melvil Poupaud allait dévorer d'énormes assiettes de spaghetti dans la maison normande de Marguerite Duras, qu'Alain Bashung a faillit être comptable, que Jérôme Lindon a su dire à Marie Darrieussecq la phrase qui a fait d'elle un écrivain (et elle raconte très bien aussi comment on tue le cochon chaque année dans son sud ouest natal), et puis il y a Arnaud Desplechin qui raconte que ses parents l'appelaient Tulius Détritus, le personnage d'Astérix qui sème la zizanie dans l'album consacré à cela (il expose aussi une théorie originale sur les gorges du Verdon et avoue sa fascination pour les appareils génitaux féminins; cette interview est très riche, j'ai beaucoup aimé) et Abbas Kiarostami (dont vous pouvez voir en ce moment les sublimes et introspectifs paysages enneigés au centre Georges Pompidou) qui raconte comment Soren Kierkegaard a faillit être marchand de glaces et puis finalement pas. Et pour Gracianne, un très beau mais terriblement triste entretien avec Morrisey!










Alors on peut discuter de tout ça (et de la pertinence de Trish Deseine à concocter des menus de Noël pour des magazines de cuisine où elle suggère de servir des fraises en dessert) en dégustant du petit cochon à la sauce prune, une recette issue du très beau livre de Sophie Brissaud, érudit, décalé et infiniment appétissant (comme dit quelqu'un d'avisé concernant les livres de cuisine :"Il est parfait pour être lu au lit!"). Elle utilise pour ce plat des travers de jeune cochon mais c'est bon aussi avec du petit cochon sans os.


Petit cochon à la sauce prune
Pour deux personnes

-250g de petit cochon coupé en petits morceaux
-2 gousses d'ail écrasées
-un pouce de gingembre râpé
-un piment rouge émincé
-1/4 de cuillère à café de sel
-1/2 cuillère à café de poivre blanc
-1 cuillère à café de maïzena
-1/2 bocal de sauce prune

La marinade
-1 cuillère à café de sauce soja légère
-1 cuillère à café de vin de riz de Shaoxing
-1 cuillère à café d'huile de sésame
-2 cuillère à café de sucre

Mélanger tous les ingrédients de la marinade et réserver.
Dans un grand bol, rassembler le petit cochon, l'ail, le gingembre, le chili, le sel, le poivre et la maïzena, bien mélanger.
Ajouter la marinade, laisser reposer une bonne demie heure puis incorporer la sauce prune. Bien mélanger à nouveau.
Faire cuire le mélange à la vapeur jusqu'à ce que le petit cochon soit bien cuit (ici ça a pris une heure avec un montage un peu spécial de bols et de panier vapeur en bambou).
Déguster en buvant un pu-ehr ou un oolong fermenté.


Pour goûter à la cuisine au thé préparée par un autre (à savoir un jeune homme brun extrêment concentré pour ce que j'ai pu apercevoir), si jamais vous arrivez un soir à Sarlat quand la nuit est depuis longtemps tombée, vous pouvez choisir de vous installer dans la salle très cosy framboise écrasée et vert tilleul des Jardins d'harmonie. Une charmante jeune fille (qui lira au comptoir une revue littéraire entre deux assiettes à servir) vous apportera du pain grillé tout chaud avec des rillettes de canard et du fromage frais aux herbes avant de prendre votre commande qui pourrait consister en:

*un carpaccio de foie gras au thé Chandernagor avec une gelée parfum figue/bergamote

*un magret de canard au grand Yunnan, sauce au Porto, riz thaï au pavot et légumes croquants


* un moelleux tiède à la figue
Un très bon moment aux Jardins d'harmonie, place André Malraux à Sarlat, O5 53 31 06 69.

Et puis un grand merci à Charline dont chaque recette est un voyage, Stef qui n'a pas peur des forêts noires, Patatafrita dont on attend un reportage complet et captivant sur Rome et Vert soleil qui aime la vie au vert d'avoir gentiment distingué L'alibi. C'est très touchant et encourageant. Je ne me sens pas très à l'aise pour décerner des récompenses mais je vous invite à lire Stéphanie qui, entre mille autre choses enthousiasmantes, participe à des cours de cuisine végétarienne à Philadelphie et puis Rose, dont chaque repas dominical est guetté avec fébrilité et enfin Gourmeline qui pour vous vide son sac. Bonne lecture!

vendredi 9 novembre 2007

Ce qui ne se dit pas -poires poêlées, crème au matcha-

A l'école maternelle, c'était un petit garçon discret aux cheveux roux, aux yeux clairs et au sourire doux. Je n'attendais rien d'autre que des réponses positives à quelques questions d'ordre pratique: faire le noeud final de l'oiseau pompon que je venais d'achever, m'aider à creuser un petit trou dans la terre pour y enfouir l'un des pépins de ma collection de pépins... Je l'aimais bien, il ne me faisait pas peur (sentiment que m'inspiraient alors la plupart de mes petits camarades).
A l'école primaire, ce fut T., un garçon aux cheveux châtains qui avaient des lunettes à monture en plastique noir. Il venait d'une ville du sud et en avait gardé un léger accent. Sa maman était une petite femme blonde extrêmement douce qui avait fait un délicieux gâteau au chocolat pour son anniversaire. On se prêtait des Picsou magazines. Mais je crois qu'il préférait A., une chipie blonde dont les joues se creusaient de deux jolies fossettes quand elle souriait.
A cette époque-là, j'avais aussi un faible pour le personnage du Roi Arthur dans un dessin animé qui n'a pas été rediffusé depuis. J'aimais bien sa mèche romantique.
Au collège, il y a eu un autre G., que j'ai dû faire souffrir. Je détestais mon corps, je détestais mon visage, je me trouvais joufflue, grosse et sans grâce, je ne comprenais pas très bien comment on pouvait m'aimer (et avoir envie d'embrasser un sourire métallique -merci cher orthodontiste-) alors j'avais des réactions un peu brutales et certainement incompréhensible. Et puis il y avait dans ma tête le visage de Marcello Mastroianni dans La dolce vita et celui de Jean Louis Trintignant dans Un homme et une femme.
Au lycée, j'ai bien aimé S. d'abord mais il était évident que nous ne pouvions pas nous entendre. Il avait dit avec ironie "Elle parle comme un livre" ce qui avait fait son petit effet sur la future Vexoumi. C'est bizarre d'être attiré par des gens qui ne vous conviennent pas. Je l'avais tout de suite repéré le jour de la rentrée parce qu'il avait de grands yeux verts qui défiaient le monde mais il fut rapidement évident que nous n'avions pas la même conception du monde.
Et puis il y a eu cette relation très étrange avec R., un garçon vraiment chouette dont le principal défaut est d'avoir voulu me montrer 2001 L'odyssée de l'espace sur un écran minuscule (il se trouve que trois garçons ont tenté de me montrer ce film et mon attitude n'a pas varié malgré tous mes efforts pour avoir l'air concernée: je m'endors systématiquement -et piteusement-. Mais Barry Lindon, j'adore). On faisait de grandes ballades qui tournaient un peu en rond mais pendant lesquelles étaient évoquées diverses préoccupations métaphysiques qui empêchent déjà de dormir quand on a seize ans mais il était aussi question de gaufrettes à la noisette, du sourire de Kristin Scott Thomas et du pronostic du prochain Rolland Garros. La dernière fois que j'ai vu R. c'était lors d' un Noël, dans un café un peu froid. Il était super content: J. avait accepté de vivre avec lui.
Je crois que je voulais rencontrer un garçon qui ressemble à Melvil Poupaud dans Conte d'été, et puis à Mathieu Amalric dans Comment je me suis disputé..., et puis à Antoine Doinel et puis il aurait fallu qu'il ait un peu aussi le regard torturé de Thom Yorke et la voix sexy de Jarvis Cocker. Et j'avoue, j'aimais bien la moue boudeuse de Jude Law (je suis très midinette si je veux).
Au début des études de médecine, j'ai eu une terrible erreur d'appréciation en jetant mon dévolu sur B. juste parce qu'il m'avait envoyé une lettre avec un petit bouquet de fleurs (qui quand j'y repense était absolument ridicule de mocheté). C'était un type qui avait un poster de Wonder Woman dans son salon, qui aimait les ravioli mous et douteux des boîtes de conserve et les curry insipides de bocaux en verre, qui appréciait d'un peu trop près ma copine L., et qui m'abandonnait des journées entières dans des endroits où je ne connaissais personne pour aller faire de la planche à voile. J'ai jeté à la poubelle toutes les lettres de B., sans un seul moment d'hésitation ou d'émotion.
Et puis, à une époque durant laquelle je m'étais un peu coupée du monde, écrivant et lisant beaucoup dans un petit appartement presque sans fenêtre, G. a fait une apparition remarquée et je me souviens avoir pris mon courage à eux mains un certain vendredi soir de juin pour demander "Et si on partait en weekend?"
Merci G. d'être toujours là, quand je trébuche sur une racine dans des forêts hostiles et que je m'étale lamentablement de tout mon petit long, pour sècher les larmes de colère et de regret avec patience et affection, pour gratter les bouts brûlés de certains gâteaux en affirmant qu'ils ont l'air délicieux. Merci pour tout ce qui ne peut être dit ici. (Enfin, merci de prendre les photos quand je n'y arrive pas, merci de me préparer mon chocolat certains matins, merci de penser à mettre le plaid rouge en plus les soirs où il fait froid, merci de m'appeler en sortant du travail, merci pour tout ca aussi et tout ce que j'oublie).
Même si je sais que je n'ai pas à m'en faire quant à certaines rousses en imper qui hantent mes rêves et d'autres jeunes filles brunes aux lunettes Gucci qui portent d'insolites prénoms, je crois que je n'en reviens tellement pas d'avoir rencontré G. et qu'il soit tel qu'il est que j'ai toujours cette petite peur qu'il disparaisse (et bien sûr, avec une autre fille... je n'ai pas fini de faire ma pitanalyse!) alors j'essaie de me rassurer en lui préparant des douceurs!
La recette des Poires poêlées et crème au matcha est extraite du livre de l'Epure consacré à cette étonnante poudre que certains assimilent à "du dégueulis de martiens". C'est un dessert très léger auquel on peut apporter un peu de croquant en proposant quelques biscuits à grignoter avec.


Poires poêlées et crème matcha
Pour quatre personnes

La crème
-2 cuillères à soupe de matcha
-15 cL de lait
-5 jaunes d'oeufs
-80g de sucre
-Une feuille de gélatine
-5cL de crème fleurette bien froide fouettée en chantilly
-le jus d'un petit citron

Les poires
-4 poires mûres mais fermes
-un gros morceau de beurre salé
-8 cuillères à soupe de rapadura
-de l'eau et du jus d'orange

Délayer le thé dans 4 cuillères à soupe d'eau froide.
Faire chauffer le lait, y ajouter le thé.
Mettre la gélatine à tremper dans un peu d'eau froide.
Fouettre les jaunes d'oeufs avec le sucre jusqu'à ce que le mélange blanchisse.
Verser dessus le lait chaud au thé et remuer très vite.
Verser la préparation dans une casserole et faire cuire à feu doux jusqu'à épaississement.
Hors du feu, ajouter la gélatine et bien mélanger.
Laisser un peu refroidir avant d'incorporer le jus de citron puis la chantilly.
Mettre au frais pendant au moins quatre heures.
Au moment de sevir, émincer les poires et les faire revenir avec le beurre, le sucre et le jus d'orange jusqu'à ce qu'elles soient dorées et caramélisées.
Servir les poires tièdes avec la crème bien froide.

dimanche 4 novembre 2007

La sérénité de certains dimanches

Demain, la vraie rentrée. Je suis allée repérer ce matin où était le labo. C'est dans une petite maison glauque près d'une station de métro et d'un restaurant universitaire où j'ai dû aller deux fois en première année et qui me laisse un souvenir de courgettes mollasses et de pamplemousses tièdes. Les volets roulants étaient baissés alors je n'ai pas pu voir comment c'était dedans. Léger haut le coeur en y pensant. Avant de partir là-bas en voiture avec G. et de la musique plein les oreilles pour oublier que c'est dimanche et qu'on va à l'hôpital, j'avais enfourné tout un plat de tomates farcies préparées avec délicatesse et concentration en écoutant à la radio Gisèle Halimi raconter comment elle s'était battue pour que les femmes ayant avorté soient considérées comme des victimes et non comme des coupables, pour que le viol soit jugé comme un crime et non plus un délit "traité en vitesse entre un vol de mobylette et un différend entre deux chauffards" et puis tous ses combats courageux contre la torture, pour l'homosexualité, le pacs, la parité, malgré les insultes et les menaces de mort. On se sent tout petit en farcissant ses tomates quand on entend un récit comme celui-là.



Les tomates farcies de Patoumamie
Pour neuf tomates de taille très moyenne

-9 tomates
-3 saucisses de Trigavou (ce sont de grosses saucisses très goûteuses)
-4 gousses d'ail passées au presse ail
-une quinzaine de brins de persil plat haché
-2 petits oeufs
-une tranche de pain réduite en chapelure
-un morceau de parmesan râpé
-du sel, du poivre, un peu de sirop d'érable
-un peu d'huile d'olive

Extraire de leur boyeau le contenu des saucisses et l'écraser à la fourchette. Le faire revenir avec l'ail et un peu d'huile d'olive dans une grande poêle. Réserver.
Couper le chapeau des tomates, les vider, garder les chairs, le jus, les pépins.
Mélanger dans une petite coupelle un peu de sirop d'érable et un peu de sel, plonger l'index dans ce mélange et faire le tour intérieur de chaque tomate.
Dans un saladier, amalgamer la chair des saucisses aillée avec le persil, les miettes de chapelure, les oeufs, le parmesan râpé.
Farcir les tomates avec cette préparation.
Mélanger chairs, jus et pépins avec du sirop d'érable, du sel et du poivre. Verser le tout dans le plat de cuisson.
Déposer précautionneusement les tomates et enfourner une bonne heure à 180° (les tomates sont un peu flétries, bien dorées sur le dessus et le jus bouillonne).

Il y a une semaine, il a fallu dire au revoir au service de l'hôpital psychiatrique où j'ai travaillé les quatre derniers mois (on a le droit d'être faisant fonction d'interne dès lors qu'on a passé l'internat en attendant la rentrée officielle de novembre). J'avais fait un brownie cheesecake qui a eu son petit succès et un gâteau au double yaourt aux pommes caramélisées qui en a intimidé plus d'un mais qui a convaincu tout le monde. Il y avait aussi du bon thé et des carambars. Ils ont dit: "Ah, c'est nul que tu partes"


Le gâteau aux deux yaourts et aux pommes caramélisées

Le gâteau
-2 pots de yaourts nature
-2 pots de rapadura
-3 pots de farine T110
-3 oeufs bio
-un quart de pot d'huile
-un sachet de levure

Les pommes
-7 pommes plutôt acides pelées, épépinées et coupées en morceaux
-30g de beurre salé
-4 cuillères à soupe de rapadura
-4 cuillères à soupe de jus d'orange

Faire cuire les pommes pendant la préparation du gâteau.
Mettre les fruits, le beurre, le sucre et le jus d'orange dans une grande poêle et laisser cuire à feu doux jusqu'à ce que les pommes soient tendres et s'enrobent d'un beau caramel doré.
Pour le gâteau, mélanger dans l'odre tous les ingrédients.
Ajouter les pommes et verser le tout dans un moule beurré.
Faire cuire environ 45 minutes à 180° (vérifier avec un cure dent).

Alors j'ai dit au revoir à une jeune fille qui avait arrêté de manger jusqu'à ce qu'on l'emmène de force au marché et qu'on l'inscrive à l'atelier cuisine du service (oui parfaitement, dans ce service-là, que certains surnomment sournoisement "Le club-med" , les patients font la cuisine -du gâteau à l'orange, du crumble aux pommes, des tartes aux poireaux, des pâtes aux crevettes, du tiramisu et que sais-je encore- et s'ils veulent, ils peuvent aussi faire de l'équitation, de la musique, de la sculpture, de la peinture...), j'ai dit au revoir au monsieur qui ne voulait pas vivre ailleurs que chez sa mère, j'ai dit au revoir à la dame de cinquante ans qui voulait apprendre l'anglais et la latin et quand monsieur C. a faillit me broyer la main en la serrant avant de partir, j'avais le même regard que celui de Hannah Schneider dans La physique des catastrophes (je vous le recommande, passées les cinquante premières pages, on ne peut plus le lâcher): "Ses yeux étaient comme des flaques troubles qui abritent des êtres luisants et pourtant invisibles". Il a dit: "Merci de ce que vous avez fait pour moi". Je crois bien que c'était la première fois qu'on me disait ça à l'hôpital.
Alors les temps derniers furent difficiles, pleins de tristesse, d'appréhension et de regrets. Le froid mordant, qui gèle aussi parfois les sentiments, m'a finalement conduit à céder à la futilité et je n'ai pas résisté à une tentation complètement déraisonnable: j'ai acheté un manteau.
Et puis, et puis, il y eut une semaine de vacances passées d'abord en bord de mer, à déguster de la tarte aux framboises et des éclairs à la crème et puis quelques grottes et autres gouffres, lumière noire, petit train, ravissement, ors et rouges des forêts, châteaux et lit à baldaquin...
Je voulais ce dimanche aussi long que possible, à lire, flâner, rêver. Après une ballade citadine à contempler des vitrines de librairies, d'épicerie sud américaine et de magasins d'antiquités, il y eut un thé et des madeleines même pas maison mais super bonnes, des baisers et de la musique pour avoir confiance en nos lendemains.