mardi 10 novembre 2009

Il aurait fallu qu'il fallait

Il a presque quinze jours, j'ai posté une enveloppe vert tilleul à la salle de spectacle d'une ville un peu douteuse (entendez par là un nom pas très joli). J'ai sacrifié l'un des trois adorables timbres Georges Perec* envoyés par ma Bruxelloise préférée, j'espère qu'elle ne m'en voudra pas. J'ai rempli trois grandes feuilles d'une écriture serrée, fébrile. J'avais fait un brouillon mais je ne l'ai pas utilisé. Je n'ai pas osé me relire, j'avais peur que cela me retienne d'expédier le tout. Je voulais imprimer des petites photos en noir et blanc de films que nous aimons bien mais je n'ai pas eu le temps.
Mercredi dernier, je passe la nuit à l'hôpital et, suite à des recherches capillaires sophistiquées, je m'applique à dormir les cheveux mouillés.
Jeudi matin, pour ne pas réveiller G. j'entre sur la pointe des pieds dans l'appartement tout silencieux, j'essaie de ne pas tâcher mon manteau avec le sac en papier des croissants frais.
Jeudi midi, je déjeune dans une vieille fringue parce que je ne veux pas risquer de tâcher la chemise rose A.P.C. achetée un soir d'hiver l'année dernière dans une boutique qui porte un nom de fleur.
Jeudi après-midi, dans la voiture je dors un peu. Il y a beaucoup de monde sur les routes.
Pour patienter dans la ville la nuit tombée, nous achetons des chocolats et des livres mais je ne trouve désespérément pas le modèle Beauty couleur star de Repetto (pour tout vous dire, j'ai essayé des bottes et j'avais l'air déguisée).
E. nous rejoint dans une librairie et j'aime beaucoup l'imprimé de sa chemise dont le col dépasse de son pull en V.
Autour d'une petite table en bois, nous buvons ensuite chacun un liquide différent (un Syrah, un Montlouis-sur-Loire, un... J'ai oublié. J'ai faillit choisir le jus de tomate rose mais en fait non) et un serveur fort gentil apporte une planche débordante de fromages (du Selles-sur-Cher, un Roquefort, du Reblochon peut-être) et puis des petits toasts de rillettes, du chorizo, du jambon cru aussi épais que du papier-cigarette.
Nous manquons de nous perdre une demi-douzaine de fois sur le périphérique nantais.
J'ai découvert avec horreur l'architecture abominable de la salle du concert, qui avoisinait directement un supermarché dont le nom reste pour moi une énigme.
La moyenne d'âge du public m'a un peu inquiétée.
J'aime beaucoup la façon qu'a Vincent Delerm de prononcer les chiffres et notamment l'histoire du peignoir bleu trois mille deux cent fois dans la chanson qui ouvre le concert.
J'étais ravie (de le voir, de l'entendre, du moment Jacques Tati, de L'amour en fuite) et triste (le public était très froid, les gens ne reprenaient pas les chansons, j'en ai vus qui baîllaient et ma voisine visiblement coincée se demandait pourquoi Rouen).
Il y a juste eu un rappel (alors que j'avais un souvenir ému du caractère interminable du Bataclan début juillet), il est réapparu et il a dit quelque chose comme "Ce qui est bien en tournée, c'est qu'il arrive qu'on reçoive du courrier, il y a des gens qui écrivent et puis qui viennent vous voir le soir. Et là j'étais super content, j'ai reçu une lettre d'une fille, elle me parle de sa chanson préférée, que je ne chante pas souvent sur scène alors voilà, je vais la chanter ce soir"
J'ai arrêté de respirer.
Un quart d'heure plus tard, j'étais face à Vincent Delerm, devant sa loge. Il portait un pull bleu marine avec des boutons à l'épaule gauche.
"Tu m'avais déjà écrit, non? Comme je n'avais plus de nouvelles, je croyais que tu avais décroché..."
Comment lui dire? Que lui dire?
J'ai plein de regrets: ne pas avoir fait une photo floue de lui, ne pas lui avoir dit... je ne sais pas comment dire en fait.
Heureusement, il y a la lettre de trois pages.

*Rapport à cet instant-là.

32 Comments:

Anonymous rose said...

Je suis sûre que ta lettre "le disait" parfaitement, bien qu'indirectement. Une chanson pour toi, voilà un bel instant...

10 novembre, 2009 11:15  
Blogger Emily said...

Avant de rentrer tout à l'heure, j'avais tant éspéré avoir un nouveau billet de toi et le voilà! C'est si beau Patoumi et je n'arrive pas à décrire l'effet que tes mots me font. Vers la fin, mon coeur commençait à battre plus vite et je imaginais si bien l'émotion que tu as dû ressentir. Et puis comme Rose, je suis sûre qu'il a compris et quand on écrit de si belles lettres, on n'a pas besoin de le dire haut. Bises, Vanessa x

10 novembre, 2009 13:26  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

La Vincentdelermite est une maladie incurable, j'ai l'impression ;-)

10 novembre, 2009 14:38  
Anonymous bergeou said...

Toi décrocher il est fou ce vincent...en tout cas c'était très émouvant de te lire.

10 novembre, 2009 14:41  
Blogger L'oeuf qui chante said...

J'ai trouvé ce billet très beau. Je t'imaginais parfaitement (même je ne t'ai jamais vu !) le cœur battant, les jambes flageolantes, les joues empourprées au moment où tu as compris que Vincent allait chanter rien que pour toi. Quel beau cadeau ! Ça fait plaisir de voir des artistes qui pensent vraiment à leur public (ce n'est pas toujours le cas). Il va vraiment falloir que je trouve un moyen de l'écouter ! J'espère que Nantes ne t'a pas trop déçue quand même, ça serait dommage, c'est une si jolie ville (si si, je suis objective !).

10 novembre, 2009 15:43  
Blogger Nawal said...

- : "C'est peu d'aimer, il faut aimer toujours : on n'est heureux qu'à force de constance."
[Fabre d'Eglantine]


...
Parce que j'aime ta "Constance" :-)

10 novembre, 2009 17:32  
Anonymous A/C said...

Patoumi, je peux vous renvoyer d'autres timbres si vous voulez, j'en ai une plaque entière. J'ai eu peur par contre que vous n'ayez oublié de rajouter un supplément (car ce sont de vieux timbres, plus au tarif donc), mais évidemment vous y aviez pensé puisque la lettre est arrivée. Ouf.

Dommage pour l'ambiance tristounette, mais chouette pour la "spéciale dédicace". Même si j'avoue ne pas être très sensible aux chansons de VD (mauvais rapport à la culture française), j'imagine bien que cela devait être un moment charmant et émotionnel.

10 novembre, 2009 18:54  
Anonymous rennette said...

cette passion... c'est joli et cet hommage rendu à ton admiration : un très beau cadeau....
ne passe-t-il pas prochainement à Fougères ?
quant à dormir avec mes cheveux mouillés : certainement pas !
je serai toute crépue au réveil ...
au fait Patoumi le ménage est fait... si tu veux...

10 novembre, 2009 19:47  
Blogger Marie said...

je t'ai envoyé un mail mais je ne sais pas si çà a marché....
:-(

10 novembre, 2009 20:32  
Blogger patoumi said...

Rose: j'ai pu vérifier au bac de français que j'étais meilleure à l'écrit qu'à l'oral.
Vanessa: merci, et à bientôt!
Mingou: j'ai pas envie de me soigner je crois!
Bergeou: merci!
L'oeuf qui chante: en fait c'était dans une petite ville à côté de Nantes, et elle était vraiment moche! Alors que j'aime bien Nantes...
Nawal: quelle plaisir de te savoir ici! Tu es l'un des premiers blogs que j'ai découverts...
A/C: j'étais allée exprès chercher un timbre à 10cts pour complèter!
Rennette: j'ai été très occupée les temps derniers mais... je crois que vous serez mon invitée pour que moi aussi je fasse le ménage! (mais pas les vitres, ça tout le monde l'aura compris)
Marie B.: je n'ai rien reçu:-( Tu me racontes?

11 novembre, 2009 01:28  
Blogger croukougnouche said...

Patoumi, c'est vraiment un cadeau cette soirée !! et justement , que l'endroit soit moche ,ça a rendu cette rencontre encore plus exceptionnelle... moi, franchement V Delerm ne me donne pas le frisson , mais je peux comprendre car ,il y a plusieurs années , au moins 10, j'avais attendu avec émotion la sortie de sa loge d'Alain Bashung après son concert au théâtre de Nimes,j'avais emporté une grande enveloppe avec une petite nouvelle faite avec des passages de ses chansons et des gouaches de ma main.., et puis rien ....c'est pas grave ..
au fait ,moi aussi , j'ai un problème avec les bottes , ça fait trop "dame " ( j'ai plus-plus que l'âge mais c'est pas mon genre), mais j'en ai enfin trouvées,( en peau , foncées pas trop hautes ,un peu comme des clarcks , mais en bottes )peut-être que toi aussi ,un jour tu trouveras "la" botte patoumesque!!

11 novembre, 2009 08:07  
Anonymous arrosoir said...

je crois que tu lui as tout dit et très bien écrit...merci de partager cette émotion !

11 novembre, 2009 08:48  
Anonymous Lullaby said...

Waaah!!! Tu devais être toute émue!

Je lis ton blog depuis peu et j'aime beaucoup ce que tu y racontes et la manière dont tu le fais.

Tes anecdotes sur ta psy m'ont parlé, et je suis rennaise également, je reconnais donc "ma" ville dans tes descriptions.

Bonne semaine.

11 novembre, 2009 10:41  
Blogger Marie said...

J'ai ré envoyé... J'espère que çà va marcher !

11 novembre, 2009 17:36  
Blogger reinette said...

je n'ai jamais osé écrire à mes artistes préférés, encore moins les rencontrer en vrai...j'ai trop peur d'être déçue. Rien que pour laisser un commentaire sur un joli blog j'hésite parfois longtemps^^
Tu as dû faire preuve de beaucoup de courage pour sauter le pas la première fois surtout que j'ai cru comprendre que tu es très timide.

11 novembre, 2009 19:37  
Blogger Edda said...

C'est magnifique ce que tu raccontes ici, je sens presque de l'emotion. La vie nous fait de belles surprises :-)

11 novembre, 2009 23:49  
Blogger patoumi said...

Croukougnouche: la botte patoumesque ne me semble pourtant pas très compliquée: un modèle tout simple, en cuir, pas de talon ou presque pas, pas de fioritures et hautes comme les bottes en caoutchouc que je mets pour aller en forêt l'automne. Couleur noir ou mieux, gris-noir!
Arrosoir: merci!
Lullaby: ah, une lectrice rennaise! Bientôt, je ferai un billet sur tous les endroits que j'aime bien à Rennes...
Marie B.: ça a marché!
Reinette: je suis timide sauf avec les gens que j'aime vraiment bien!
Dada: j'ai mis quelques jours à m'en remettre, et le fait d'en avoir parlé sur le blog y a pas mal contribué.

12 novembre, 2009 09:25  
Blogger Marmitedecathy said...

J'en suis toute retournée, superbe ! comme quoi les lettres arrivent parfois jusqu'à leur destinataire.
Je t'embrasse

12 novembre, 2009 14:48  
Blogger Gracianne said...

Effectivement, ca a l'air totalement incurable. Tant mieux sans doute, reste comme tu es.

12 novembre, 2009 16:46  
Anonymous Natalia said...

Si j'étais G., je serais jaloux de Vincent. Mais je ne suis pas G. Et à ta place, je me serais peut-être évanouie, qui sait ;-))

12 novembre, 2009 22:20  
Blogger the_young_dude said...

J'essaie toujours de crier ^plus fort lors des rappels (dans toutes sortes de concerts...) pour qu'on joue ma chanson... quand ça marche, c'est toujours émouvant, on croit avoir été entendue.. dans ton cas, tu en étais sûre, et ça c'est très précieux...

13 novembre, 2009 10:32  
Anonymous nat@cha said...

Moi aussi j'ai senti mon coeur prendre plus de place dans ma poitrine de lire qu'il avait eu ta lettre ... tu le racontes tellement bien et ce doit être un moment si fort ...
Hélas j'ai beau y réfléchir , cela fait des lustres que je n'ai plus eu une idole.

13 novembre, 2009 12:57  
Blogger patoumi said...

Bon, je m'apprête à faire l'un des trucs que je déteste le plus (après repasser, mais ça je ne le fais jamais, je porte toujours des trucs froissés): vider le lave-vaisselle et le remplir avec toutes les choses très sales qui s'accumulent dans l'évier. Vous savez bien sûr ce que je vais écouter pour me donner du courage...
Cathy: j'ai toujours eu cette lubie d'écrire aux gens que j'aimais bien et j'ai toujours eu une réponse!
Gracianne: alors ça, c'est vraiment gentil, merci!
Natalia: c'est vrai que c'est bizarre, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Genre il m'encourage plutôt à écrire, m'aide à récupérer l'affiche du concert... Il faut croire que ce sont les résultats d'une pitanalyse réussie.
Pia: la prochaine fois, j'essaierai ta méthode!
Natacha: c'est pas vraiment une idole, je ne sais pas comment expliquer.

13 novembre, 2009 23:45  
Anonymous Grand chef said...

oh la classe, ça me donne une idée de billet! (quand même il grisonne diablement)

14 novembre, 2009 19:58  
Anonymous Camille said...

La vidéo est exquise (comme chacune de celles que tu mets en lien), et tant pis pour la monomanie delermienne (ou la vincentdelermite), on dirait presque un concept tellement c'est beau.

16 novembre, 2009 22:12  
Anonymous rennette said...

patoumi, pareil pour mon Y. avec ma passion pour la danse orientale, sauf que parfois avec mes amies danseuses il se met à fredonner "salma y salama" avec l'accent de Dalida... pitanalyse à faire peut-être...

17 novembre, 2009 16:14  
Blogger betterave.urbaine said...

évidemment je suis très jalouse - et à la fois très heureuse de lire ce joli billet, et de savoir que ce cher VD a été touché, charmant, et surtout, qu'il portait un pull marine avec trois boutons ce qui doit lui aller particulièrement bien...

17 novembre, 2009 20:52  
Blogger patoumi said...

GC: j'attends le billet! (et j'aime bien le petit côté gris. Il est très mince en tout cas)
Camille: bon ben alors j'ai le droit de continuer?^^
Rennette: la pita, ça aurait soigné Dalida! (pardon)
Betterave: j'avoue que je le trouve absolument très beau...

18 novembre, 2009 04:12  
Blogger Estelle Tracy said...

Ma parole, Patoumi, c'est vraiment la classe cette histoire !! Tu me donnes vraiment envie de re-sortir mon Vincent Delerm !

20 novembre, 2009 21:47  
Blogger patoumi said...

Estelle: et oui, Vincent Delerm est indispensable cet automne!

23 novembre, 2009 00:43  
Blogger Unknown said...

voilà donc d'où venaient les feuillets sur l'HP scotchés à l'internat ! je me trompe ?

23 novembre, 2009 21:18  
Blogger patoumi said...

Bérénice: je suis démasquée:-) Tu le répètes pas, promis?

24 novembre, 2009 00:09  

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