mercredi 6 février 2008

Les nuits américaines -des pancakes comme à RB-

La vie est parfois comme un rêve qui ne craint pas d'être interrompu par le réveil tant il s'y passe peu de choses. Le travail, quand il n'est pas un minutieux exercice de mémoire, consiste à faire des listes de produits dont on ne soupçonnait même pas l'existence ou d'établir une infinité de graphiques dont on voudrait que les lignes qui se croisent deviennent des rails et nous emmènent loin, bien loin de ce bureau de sous sol, poussiéreux et inondé les jours de pluie. On a envie de rentrer à la maison, d'enfiler le pantalon tout mou à rayures roses et de se mettre au lit.
Oh mais non! Patoumi ne se laisse pas abattre de la sorte (et surtout pas par une blonde binoclarde qui porte des mini jupes en jean à surpiqûres marron!). Pour tenir bon, outre le fait de rêver derrière son bureau à des vacances qu'elle imagine à la fois ensoleillées, brumeuses, citadines et pleines de verdure (comment ça c'est impossible? C'est pas grave parce que de toute façon les prochaines vacances sont si lointaines que l'on peut espérer ce qui nous chante), on peut se griser de plaisirs minuscules et précieux: goûter un nouveau thé, participer à des concours où l'on peut gagner des objets en série limitée, écrire à des gens qu'on ne connaît pas et découvrir avec ravissement des vies qu'on ne soupçonnait pas, essayer avec G. de nouveaux restaurants (à nos risques et périls mais bon, ça fait des souvenirs!), faire des canelonis, commander les dernières nouveautés aux éditions de L'Epure, observer dans les vitrines ce qui pourraient être de futures chaussures, acheter du kouign amann aux pommes, et puis aller au cinéma.
Jadis, autrefois, naguère, les salles obscures remplissaient des offices très différents selon les circonstances: un refuge où l'on peut pleurer tranquillement en cas de chagrin qui rend l'appartement insupportable -et on peut dire que les larmes, c'est à cause du film, comme avec les oignons- ou bien, comme lors de l'après midi qui précédait la première soirée que je devais passer avec G., un lieu de spectacle qui occupe l'esprit quand celui-ci est absolument indomptable vu l'excitation générée par la situation. Maintenant, les chagrins se font plus rares et se noient s'ils adviennent dans la réalisation d'un cake aux fruits confits, ou des baisers, un livre et des litres de thé; les phases de surexcitation n'ont plus besoin de se dissimuler, ni d'être canalisées, elles se contentent d'être vécues, et peuvent être partagées.
Quatre propositions de films outre atlantiques, très loin des histoires d'appartements, d'amours adolescentes et de bus qui passent à minuit quatre comme j'ai l'habitude d'aimer mais qui m'ont bien plu. Faites votre choix!
Un tout petit film passé inaperçu, Shotgun stories, pour lequel je traînais un peu les pieds parce que l'Arkansas me paraissait moins glamour que Paris (alors, ce que j'espère aussi, c'est que cette petite sélection vous évitera, si l'envie vous en prend, d'aller voir le prochain Klapisch. Je sais, je sais, il a fait un film pour les sans-papiers et il a écrit une lettre à NS, il n'en reste pas moins que son film est rempli de clichés populistes en plus d'être moche -comme la bande annonce passe systématiquement, j'ai eu le temps d'observer-. J'ai par ailleurs déjà entendu M. Klapisch a la radio et je n'ai pas du tout du tout aimé son ton très suffisant, ce truc à la fois "je-suis-proche-du-peuple" et "je-vais-vous-apprendre-ce qu'est-le cinéma". Bon ok, c'est subjectif mais j'ai besoin de le dire: je ne le supporte pas!). En fait, même au fin fond de l'Arkansas, on se demande de façon plutôt touchante si l'on est prêt à épouser une femme qui vous aime quand on n'en a jamais aimé aucune autre et que l'on n'a rien d'autre à lui offrir pour l'instant qu'une toile de tente. Tendue et limpide à la fois, violente sans surenchère, l'histoire se déploie vers un dénouement qu'on n'avait pas imaginé. Et quel plaisir de discuter de tout cela devant le feu de cheminée de votre crêperie préférée. Chouette soirée.
Un dimanche soir, j'ai faillit improviser malgré moi une oeuvre abstraite sur les murs de la cuisine en mixant une soupe carottes/patates douces/pecorino alors que j'écoutais, une fois n'est pas coutume, Le masque et la plume, cette émission de France Inter où il s'agit plus de faire un bon mot qu'une critique constructive (j'ai été très longtemps fidèle à ce rendez vous du dimanche soir jusqu'au jour où ils ont parlé de Three times de Hou Hsiao Hsien. Ils en ont beaucoup ri, tournant le film en ridicule, et Emmanuel Burdeau, qui avait écrit un très bel article sur le sujet dans les Cahiers, s'est retrouvé étouffé par une bande de personnes ricanante et méprisante. Il n'a même pas eu le courage (ou l'opportunité) de les contredire ou de se défendre. Au décours d'un mail, je lui expliquais que je n'écouterai plus jamais Le masque, tant j'avais trouvé cela déplaisant et il avait de lui-même avoué qu'il s'agit plus pour les protagonistes de se mettre en scène que de donner un avis éclairé sur les films. Bref.). Ce dimanche-là, mon mixeur girafe a dangereusement valsé quand Pierre Murat expliquait qu'Into the wild ne lui avait pas déplu mais que bon quand même, il fallait vraiment être "un petit con" pour décider de tout plaquer comme ça pour aller faire le malin tout seul en Alaska. Cher Pierre Murat, je tenais à vous dire que si petit con il y a, il n'est peut-être pas dans le film. Il est des troubles de la personnalité, qui ne relèvent pas de la connerie, et qui font que vous n'envisagez ni le monde ni les relations aux autres sous le même angle que nous, pauvres névrosés, et vous, qui pour faire un bon mot n'hésitez même pas à raconter l'issue du film dans le détail. Alors c'est vrai que j'ai trouvé les scènes de canoë kayak un peu longues mais cela n'est rien à côté du plaisir, non dénué de tristesse, que j'ai éprouvé. J'ai eu peur, j'ai eu froid, j'ai eu faim, et le lendemain, j'y ai tout de suite repensé en me réveillant, ce qui est pour moi un critère de qualité.
De Tim Burton, on n'aime pas dire du mal. De toute façon, j'ai bien aimé tous ceux que j'ai vus (peut-être que les autres sont nuls?) avec un gros faible pour ses Noces funèbres. Il y a à nouveau une jeune fille très douce qui est abusée, un affreux méchant libidineux dont il faut se venger, un mariage qui a du mal à se concrétiser mais, et ce n'est pas ce que j'ai préféré, cette fois-ci sur fond de comédie musicale. J'ai trouvé qu'ils s'époumonnaient beaucoup et que parfois, ils étaient même un peu niais mais Helena Bonham Carter fait les pies les plus dégueulasses du monde avec une classe folle. L'histoire est un peu dure mais je mentirais si je disais que je n'ai pas eu de plaisir devant ce film. Parfait après un dîner à Zenzoo pendant lequel on déguste du porc croustillant aux kumquats confits en sirotant un thé aux perles à la noix de coco.
Et puis il y eut No country for old men, sa bonbonne de gaz, son psychopathe à perruque (et oui Aurélie, un mythe s'effondre!), ses courses poursuites, ses pile ou face, ses fractures ouvertes, ses gros billets, ses chemises à carreaux et ses motels crasseux... On a la bouche sèche et le coeur qui bat à cent cinquante mais bizarrement, ce n'est pas déplaisant.
Bon, après ces films pleins de sang, de vomis et de coups de fusils, j'avoue que quand même, j'ai une petite préférence pour ceux qui se passent dans des appartements ou en bord de mer avec, par exemple, un type qui aime une fille qui aime un type qui aime le type qui aime la fille. Et s'il y a des tartines de pain beurré, ça n'en est que mieux! Bien sûr, vous pouvez préférer (re)voir La nuit américaine...
Pour ne pas contenter que l'esprit, des pancakes prêts en un rien de temps, qui n'ont rien à envier à ceux qui sont servis dans les dinners américains (avec leurs serveuses à badge, le café à volonté et les oeufs frits très frits). Si vous ne les sucrez pas, ils peuvent même faire office de blinis pour accompagner le saumon fumé que vous avez acheté samedi matin au marché à un très gentil poissonnier moustachu.


Les pancakes de Rose Bakery
Pour une quinzaine de pancakes

-2 oeufs
-220mL de lait ribot
-75g de beurre fondu et refroidi
-190g de farine, semi complète si vous voulez
-un sachet de levure
-une cuillère à soupe de sucre

Mélanger d'une part les oeufs, le lait et le beurre; d'autre part la farine, la levure et le sucre.
Amalgamer sans insister ces deux préparations.
Laisser reposer le temps de vider le lave vaisselle.
Dans une poêle beurré, faire cuire vos pancakes à feu doux, les retourner quand des petites bulles apparaissent à leur surface.
Si vous avez des myrtilles ou de fines tranches de banane, vous pouvez en disperser quelques unes juste avant de retourner le pancake.
Déguster chaud et profiter de ce dimanche après-midi qui commence.

D'autres recettes façon Rose Bakery
Un cheesecake épuré
Une tarte aux abricots et au chocolat
Des shortbreads à la farine de riz
Un risotto aux légumes rôtis
Des scones vraiment très simples

15 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Des bons pancakes....je prends!!

06 février, 2008 12:57  
Blogger Flo Bretzel said...

Avec un peu de mapple syrup, on s'y croirait!

06 février, 2008 13:06  
Anonymous Anonyme said...

J'ai pensé exactement la même chose au moment où P. Murat a prononcé le mot "petit con", j'ai sans doute éteint la radio, peu après, jurant que je n'écouterai plus jamais, pour la énième fois... Mais les habitudes ont la vie dure, et j'étais fidèle au poste le dimanche suivant.
Joli blog...

06 février, 2008 13:28  
Anonymous Anonyme said...

Patoumi,

pour moi "le masque et la plume" c'était Georges Charensol, les dimanches soirs d'étudiante, quand j'étais à Nantes toute seule devant mes bolinos, avant de commencer une semaine studieuse. C'est vrai que le ton a changé. J'ai trouvé "Into the wild" beau et poignant, mais je n'étais pas du tout attirée par "No country for old men" car la bande annonce me paraissait trop sanguignolante : je vais peut-être reconsidérer la chose.
Bises.

06 février, 2008 16:38  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

Bon, je sais depuis longtemps que tu ne supportes pas Klapisch, mais "Chacun cherche son chat" est un de mes films préférés, alors je peux tout lui pardonner. D'ailleurs, il paraît que son nouveau film est bien. Je te trouve très dure avec lui.
Sinon, on est d'accord sur ces émissions (télé ou radio, c'est pareil) où les critiques font leur numéro, ça, pour le coup, c'est insupportable.
Et puis, en septembre dernier, je suis allée voir Waitress un jour où j'étais au fond du trou, et c'est sans doute pour ça que j'ai versé "toutes les larmes de mon corps" comme tu le dis si bien.
Bon, c'est pas tout, mais il en reste, des pancakes...?

06 février, 2008 23:47  
Blogger Gracianne said...

Je ne suis pas cinephile - enfants obligent, peut-etre, ou bien la vie a la campagne, pas envie de ressortir - ce qui fait que je ne vois les films que plusieurs annees apres leur sortie. Du coup les critiques ont peu d'effet sur moi, et pourtant je ne loupe pas le Masque et La Plume, tout simplement parce que ce sont des personnages, et qu'ils me font rire. le reste, ils peuvent dire ce qu'ils veulent, les critiques on se les fait nous memes, comme les pancakes.

07 février, 2008 10:58  
Anonymous Anonyme said...

Un petit commentaire qui s'excuse de ne pas être en rapport direct avec le sujet, mais juste pour dire que vous lire est toujours un ravissement ;)

07 février, 2008 13:25  
Anonymous Anonyme said...

Hello Patoumi, j'aime bien écouter d'une oreille "le masque" le dimanche soir, même si effectivement je n'en attends aucune critique constructive, c'est plutôt une joute pleine de rhétorique et de mauvaise foi... et je crois que les émissions sur les livres sont encore pires question fumisterie ! Après, comme gracianne, les films arrivent avec un bon mois (au moins) de retard dans mon cinéma, donc je ne suis "synchronisée" avec aucune critique... Le pire est quand même quand ils passent vingt bonnes minutes à descendre un film genre grosse production sans intérêt et du coup ne parlent pas du tout de films plus modestes qui eux étaient réussis et auraient bien mérité un peu de pub !

07 février, 2008 14:18  
Anonymous Anonyme said...

De cette patoumi là, on en mangerait par brassées ;-)

07 février, 2008 21:24  
Blogger Natalia Kriskova said...

Suis tout à fait d'accord avec ce que tu dis sur le Masque et la plume, et avec le commentaire de Rose. Le critique ne peut pas s'empêcher d'être de mauvaise foi, ça lui permet de se mettre en valeur au dépens des autres : bref, il soigne ainsi ses névroses ! Qu'en penses-tu, docteur Patoupsy ? ;-)

08 février, 2008 18:13  
Blogger Sunny said...

J'ai trouvé "Into the Wild" magnifique, émouvant, poignant et ça m'a donné une folle envie de tout plaquer pour vivre une vie de solitaire... Je suis fan de Tim Burton, et je vais de ce pas savourer son dernier film. Et voila! tu nous parles de "no country for old men" dont la bande annonce me fait frissonner et qui me déplaisait au premier abord: je change de point de vue, et je vais courir dès demain pour le voir! Merci de la façon dont tu écris, je suis fan de ton blog...

09 février, 2008 19:22  
Anonymous Anonyme said...

Dire que je n'ai jamais fait de pancakes!
J'aurai beaucoup de choses à dire suite à ce riche billet... j'écoute le masque, pas très régulièrement, mais je l'écoute, pas pour leurs "critiques" mais plus pour les écouter se chamailler. Cependant, il est vrai que certains films n'en sortent pas idem.

10 février, 2008 10:14  
Blogger Saperlipopote ! said...

j'avoue qu'une fille qui aime le cinéma,les éditions de l'épure, lire, keren ann et cuisiner nepeut qu'avoir grâce à mes yeux ! un autre film que je te conseille : "Capitaine Achab", vu en avant première à Tours (les studios) et rencontre avec le réalisateur, Philippe RAMOS, un artisan qui parle du fond de son coeur. très bon moment et magnifique traitement de l'aspect photographique. des bises

10 février, 2008 20:44  
Blogger gwenzardin said...

ah Patoumi, le lait ribot c'est un souvenir d'enfance, on n'en trouve guère sous mes latitudes...
N'empêche pancakes et ciné rien de tel pour résister aux binoclardes en tout genre , miam, quel bonheur vos billets!

10 février, 2008 21:03  
Blogger Clairechen said...

Récemment j'ai fait des Pancakes pour la première fois et j'ai adoré. Je n'imagine plus de petit déjeuner aux pancakes!!! Il faut que j'essaye les tiens!

11 février, 2008 15:01  

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