mardi 18 septembre 2007

Dans la mesure où il pleut -un risotto aux légumes rôtis-

Chez mes parents, on a attendu un peu avant d'avoir la télé mais le tourne-disque, lui, a très vite fait son apparition, posé à même le sol. Aussi étrange que cela puisse paraître, dans les grands cartons donnés par diverses associations, il y avait au milieu des sous-pulls en acrylique orange et de la vaisselle inspiration toile de Jouy, quelques quarante-cinq et trente-trois tours qui faisaient la joie de ma maman. Nous parlions encore mal le français et les paroles étaient parfois obscures mais ce petit côté mystérieux et musical n'était pas pour nous déplaire, bien au contraire. Ma maman était très fan d'une compil de tubes des années soixante et je me souviens l'avoir entendue fredonner doucement Retiens la nuit en préparant son fameux Baï moine (ce en quoi cela consiste: il faut faire cuire un poulet entier dans une énorme cocotte remplie d'eau avec, je crois entre autres choses que j'ai oubliées, deux oignons en quartiers et une carotte en tronçons. Quand le poulet est cuit, on le laisse reposer sur un grand plat et on fait cuire du riz avec le bouillon filtré. On dépèce le poulet -et une petite fille qui passe par là vient chiper un morceau de blanc, ou pire, elle verse un peu de sauce maggi dans une petite soucoupe bleue et elle y trempe sans scrupules les morceaux patiemment déchiquetés par sa maman jusqu'à ce que celle-ci lui dise que bon là quand même ça suffit tu n'auras plus faim au dîner. De toute façon, il n'y avait plus de maggi dans la petite soucoupe. Dans les assiettes, on met un peu de riz au bouillon (il est un peu gras et plein de goût: c'est trop bon!), par-dessus le poulet effiloché, de la salade ciselée, plein de menthe fraîche, du concombre râpé, des cacahuètes pilées et de la sauce spéciale maman).
Par contre chez papy et mamie, chez qui on allait dîner le samedi soir (papa jouait aux échecs avec l'un des frères de maman; l'échiquier, par je ne sais quel miracle, venait du Cambodge, les pièces, très grosses, étaient en plastique gras), la petite Patoumi bougeait la tête en rythme en regardant le Top cinquante (et se demandait souvent ce que voulait dire exactement "Salut les p'tits clous!")
Je me souviens ainsi de:
*Tout doucement/Envie de changer d'atmosphère, d'attitude
*De toutes les matières/C'est la ouate qu'elle préfère
*Un peu spéciale elle est célibataire/Le visage pâle, les cheveux en arrière/Et j'aime ça
*Mais toutes les chansons/racontent la même histoire/Il y a toujours un garçon/et une fille au désespoir
*Weekend à Rome/Tous les deux sans personne/Florence, Milan/S'il y a le temps/Weekend rital
*C'est l'amour à la plage/Et mes yeux dans tes yeux/Baisers et coquillages/Entre toi et l'eau bleue
*Comme elle est partie/Jim a les nerfs/Jimmy boit du gin/Dans sa chrysler

Et vous, quel air vous trotte dans la tête?
Le jour où j'ai décidé de faire ce risotto, il pleuvait fort et je suis rentrée trempée de l'hôpital. L'avantage d'un tel désagrément, c'est qu'après avoir essoré ses cheveux dans une serviette éponge bien moelleuse, on peut échanger la jupe et la tunique archi mouillées contre un pantalon large et doux et un tee shirt tout confort et là, on est juste bien! Avant de préparer le déjeuner, je ne sais plus par quel hasard, je suis tombée sur un petit clip de Vincent D., un extrait d'un de ses derniers concerts, où il est question d'une journée pluvieuse et de la façon qu'on peut avoir de l' occuper. J'ai écouté cette chanson en boucle et elle ne m'a pas quittée quand je me suis enfin décidée à préparer le risotto. Il y avait depuis des lustres un paquet de riz arborio dans le placard mais je n'avais pas osé l'utiliser un peu comme je n'ose pas:
-refuser au gentil fromager d'acheter une part de "cette délicieuse tomme mi-brebis mi-vache d'un goût vraiment très subtil" alors qu'on vient déjà de choisir un camembert, du morbier, du livarot, du stilton et du saint-nectaire (et qu'il n'y a pas d'invités prévus à la maison)
-appeler des amies d'enfance, que j'aime bien, et dont je n'ai pas eu de nouvelles depuis plus de six mois parce que j'attends tout le temps d'aller mieux et d'avoir des choses drôles et passionnantes à raconter
-porter des bottes
-dire aux ados du bus que quand même, quand l'engin est archi bondé, il serait bienvenu de leur part de laisser leur siège aux petites mamies qui vacillent sur leurs jambes frêles
-dire à une fille qu'on la trouve super jolie. Et d'ailleurs, elle vient d'où cette belle écharpe rose?
Ce risotto s'inspire (encore!) d'un risotto rose bakeresque parfumé à la menthe mais j'avais un gros bouquet de basilic frais alors...

Le risotto des jours de pluie
Pour une personne qui frisonne

-60g de riz arborio
-une demie petite aubergine coupée en tronçons
-deux tomates moyennes coupées en morceaux
-cinq louches de bouillon de légumes bien chaud (fait maison ou réalisé à l'aide d'un petit cube Rapunzel)
-un petit oignon rouge émincé finement
-plusieurs feuilles de basilic
-un peu de beurre
-un peu d'huile d'olive
-une pincée de sucre
-du parmesan fraîchement râpé comme vous aimez

Mettre les aubergines et les tomates dans un plat, arroser généreusement d'huile d'olive et faire rôtir au four environ une demie heure à 200° (et pendant ce temps, vous allez écouter votre disque préféré du moment).
Quand les légumes sont bien rôtis, mais les aubergines encore un peu fermes, faire revenir l'oignon dans un peu de beurre et d'huile d'olive. Quand il est tendre et translucide, verser le riz et l'enrober du mélange beurre/huile jusqu'à ce que les grains soient bien brillants.
Verser alors une première louche de bouillon et laisser le riz l'absorber en mélangeant régulièrement. Quand tout est absorbé, verser la deuxième louche.
Ajouter les légumes puis les autres louches une à une en attendant bien que tout le liquide soit absorbé avant d'en rajouter (c'est prêt en vingt minutes environ).
Goûter pour vérifier que la cuisson vous convient. Ajouter la pincée de sucre.
Ajouter le parmesan selon votre bon plaisir. Mélanger délicatement.
Verser dans un bol bien chaud, recouvrir de basilic ciselé et servir en chantonnant.

17 Comments:

Anonymous Anonyme said...

J'aime beaucoup ta manière de capter les instants et de les transcrire par écrit. Ton risotto, parce qu'il reflète cette ambiance-là me plait bien.
J'espère que tu vas mieux, un peu. N'hésite pas à appeler tes amis,les épaules des autres, c'est aussi fait pour pleurer ;-)
Bises et courage,
Lisanka

18 septembre, 2007 18:19  
Anonymous Anonyme said...

C'est rigolo... Chez moi, ma mère faisait sensiblement le même type de poulet (elle appelait ca poule au riz, et elle était moins asiatique que la tienne) et en moi-même je pensais poule rabaj, même pas croustillante. Depuis j'adore ca, surtout avec une sauce de blanquette ( un roux avec du bouillon de poule et de la crème fraîche).
Pour ce qui est des refrains, les mêmes que les tiens ont bercé mon enfance...

18 septembre, 2007 18:36  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

Ne la laisse pas tomber, elle est si fragile
Etre une femmme libérée, tu sais c'est pas si facile...

Ohé ohé ! capitaine abandonné !

Tes états d'âme sont pour moi, Eric
Comme les Etats d'Amérique

Y'en a un paquet encore, le Top 50 était un rdv incontournable le samedi soir...

18 septembre, 2007 21:42  
Anonymous Anonyme said...

moi aussi j'écoutais le top 50 mais je n'avais pas un si bon risotto a deguster après

18 septembre, 2007 22:03  
Anonymous Anonyme said...

Moi, mes souvenirs Top 50 sont assez ciblés :
*Elle a les yeux revolver/Elle a le regard qui tue
*Sur le parking des anges/Plus rien ne les dérange
(Ah ce Marc, il a marqué mes jeunes années...)
Eh ben, moi j'dis, vivement que la pluie arrive à Paris ! ;-)

18 septembre, 2007 23:43  
Anonymous Anonyme said...

waou, ça réchauffe et ça fait du bien au coeur!

19 septembre, 2007 09:12  
Anonymous Anonyme said...

Il me plaît bien, moi aussi j'étais fan du Top 50.

19 septembre, 2007 11:09  
Anonymous Anonyme said...

Mon top 50 à moi se situe dans d'autres siècles, ce qui ne veut pas dire que j'ignore ceux du XXe, hein, ch'débarque pas du Moyen Age non plus (!). Disons, en cet instant précis : Una furtiva lagrima/degli occhi suoi spunto... Pour ceux qui s'intéressent un peu à l'opéra, c'est un tube. Quant au risotto, c'est l'un de mes péchés mignons, j'en fais de toutes sortes. Le tien me donne envie de m'y remettre, là, tout de suite

19 septembre, 2007 18:38  
Anonymous Anonyme said...

... et toutes ces chansons en anglais qu'on balbutiait sans les comprendre ; je me souviens d'un disque qu'on nous avait offert "I just called to say I love you / I just called to say how much I care" et du mystère que représentait la 2e phrase.

19 septembre, 2007 21:33  
Blogger Gracianne said...

Walk in silence,
Dont walk away, in silence.
See the danger,
Always danger,
Endless talking,
Life rebuilding,
Dont walk away.

Chacun son top 50, c'est ca qui me vient a l'esprit.

La recette de ta maman a l'air terrible, et remonterait le moral a n'importe qui. Ca me fait penser que je n'ai pas de sauce Maggi a la maison, grave erreur.

Le risotto, c'est comme les scones, faut oser, et pas seulement quand il pleut. Mais en chantonnant, toujours.

20 septembre, 2007 13:46  
Blogger annie dedicacessen said...

quel air me trotte ? c'est rigolo... tu sais quoi... je crois que je suis définitivement une mélancolique qui passe parfois pour une rigolote. Mais chaque matin ou presque, je me réveille avec un air qui tonitrue tout ce qu'il sait dans ma tête. Le con. Des fois, je savais même pas que je me souvenais de tel ou tel truc. Je peux aussi bien me réveiller avec un air d'opérette, pink Floyd, charles trénet, mireille mathieu, paolo nuttini, jeanne moreau, dick rivers, springsteen, pierre perret, acdc... c'est assez étrange. Ce matin ? attends... je crois que c'était "de la mère angot, j'suis la fille, j'suis la fille ! et la fille angot tient d'famille, tient d'famille ! r'gardez moi vlà c'qui faut que soit mamzelle angot !". Bon, là ça s'explique mais ce serait un peu long. N'empêche.

20 septembre, 2007 22:32  
Blogger annie dedicacessen said...

ce matin c'est très surréaliste... ça fredonne tout doucettement :
sur le plancher
une araignée
se tricotait des boooottes
dans un flacon
un limaçon enfilait
sa culoooootte
j'ai vu dans le ciel
une mouche à miel
grattant sa guitareuuuh
et deux ras confus
sonner l'angélus
au son d'la fanfareuuuh.

Tu comprends bien que je me devais de partager ça.

21 septembre, 2007 07:33  
Anonymous Anonyme said...

C'est malin, j'ai "l'amour à la plage" dans la tête, maintenant.

Avant, j'avais "doux pieds" de Thomas Fersen "elle m'a dit" de Cali, parce que c'est ce que j'apprends à la guitare en ce moment.

Et en faisant mes makrouds, c'était plutôt "one" de u2.

Maintenant, je vais avoir des "fa" et des "sols" à la trompette, ce qui va pas être du risotto, aouh tchatchatcha.

22 septembre, 2007 13:33  
Anonymous Anonyme said...

Chagrin d'amour/Chacun fait (c'qui lui plaît)

http://fr.youtube.com/watch?v=lQ1aSVPuAug&mode=related&search=

Et puis, de temps à autre, je me le repasse et je connais toujours les paroles par coeur, alors je me dis que le temps passe mais que ce n'est pas grave !

Cuisiner en chantant, et si c'était le début d'une recette réussie ?

23 septembre, 2007 15:07  
Anonymous Anonyme said...

"Salut les p'tits clous" parce que l'émission était présentée par Marteau Esca (Marc Toesca)

25 septembre, 2007 02:25  
Anonymous Anonyme said...

Le risotto c'est vraiment un plat magique dès qu'il fait un peu gris ou pluvieux...
Pour les bottes j'étais comme toi, et je vais sauter le pas cet hiver: j'ai enfin dénicher la perle rare: toute plates & des lacets... bref le truc qui réussi à faire ni militaire ni pouf :) mine de rien, pas toujours facile à trouver ^^

(les sauces-magiques-des-maman c'est ça qui fait toujours tout...)

29 septembre, 2007 17:58  
Anonymous Anonyme said...

Je suis resté un moment sans te lire, ou lire plein d'autres, juste la flemme de lire sur écran en fait, j'ai surtout écrit cet été.

C'est toujours aussi bien chez toi, mais de plus en plus noir, je n'ose même pas laisser un mot sous le "porc à l'encre"... Tiens toi forte!

02 octobre, 2007 10:23  

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