dimanche 19 août 2007

Panna cotta très citron, épicerie biologique et histoires de cantine

L'hôtel où nous avons passé quelques jours à Porto était très joli. Je n'aurais jamais osé assortir des oreillers orange à un jeté de lit violet mais ils l'ont fait et c'était plutôt réussi. Du balcon de la chambre, on pouvait voir la devanture d'une épicerie/salon de thé biologique dont la façade vert pâle avait probablement été peinte il y a peu. Sachez qu'après une longue journée pendant laquelle vous aurez beaucoup marché et déjeuné d'un finalement médiocre club sandwich (mais les petits sablés nappés de chocolat achetés un peu plus tôt dans une très fréquentée pâtisserie où, dans l'arrière salle, les gens dévoraient avec appétit d'énormes sandwiches au cochon de lait grillé, étaient plutôt pas mal. Ils ressemblaient beaucoup aux petites galettes de la maman de Martin Winckler, en plus beurrés. Oh! vous ai-je raconté que Martin W. m'avait envoyé un petit mail suite à la lecture de ce billet? C'était très gentil; nous avions déjà échangé quelques courriers à une époque, il m'avait même remercié parmi plein d'autres personnes, à la fin de Plume d'Ange. Bon, au détour d'un plus récent mail lu dans le hall d'un très bel hôtel de Coimbra, ce monsieur pour qui l'écoute du patient est un acte fondamental de soin, me dit qu'il ne faut pas que je m'en fasse, de toute façon, il est évident que je ne suis pas faite pour être psychiatre. Quelle remarque délicate et pleine d'attention de la part de quelqu'un qui ne vous connait pas et qui ne sait pas quelle est votre appréhension du monde, et de la médecine! Quelle écoute! Je ne suis plus très sûre de vouloir lire ses bouquins) vous serez ravis de vous installer sur la terrasse de ce salon de thé. A l'abri du bruit de la ville, assis sur de belles chaises toutes blanches qui semblent venues de pays froids, vous lèverez les yeux sur les cimes graciles qui s'élancent sans fin dans le jardin attenant à la terrasse. Vous n'entendrez que le doux pépiement des oiseaux qui s'y reposent. Vous humerez les plants de menthe, de thym, de romarin qui bordent le jardin. La maîtresse de maison est une jeune femme très mince, à la peau mate, aux cheveux tout bouclés, elle porte avec une classe très personnelle un tee shirt gris à l'effigie de Caliméro, un bermuda en jean et des sabots dont certaines avaient déjà remarqué le potentiel. Son sourire est empreint d'une telle bienveillance que nous lui demanderons, un peu plus tard, quelques bonnes adresses pour satisfaire nos papilles exigeantes. Elle sera de très bon conseil: grâce à elle goûterons-nous le soir-même, confortablement installés sur une banquette en velours rouge, un délicieux tartare de saumon avec de la pomme verte au wasabi. Et cet après-midi-là, elle posera sur de jolis sets colorés, un jus d'orange fraîchement pressé, le meilleur que vous ayez bu jusqu'ici, un jus de raisin biologique, des toasts tout chauds de pain aux céréales avec du beurre de soja étonnament bon et une confiture de fraises qui n'a plus besoin de faire ses preuves. Moment délicieux de quiétude et de gourmandise.

Après le goûter, vous irez vous extasier sur les jolis produits disposés sur les étagères de bois clair et vous ressortirez de ce bel endroit le sourire aux lèvres et munis d'un grand sac en papier kraft contenant du miel, de la compote de fraise, des chips de panais/betteraves/carottes, du thé blanc, des biscuits au gingembre et au chocolat noir et une délicieuse sauce barbecue, irrésistible dans son pot old-fashionned.
Vous avez tellement aimé ce moment que vous reviendrez y déjeuner le lendemain. Vous rêvasserez devant la fine colonne de petits cygnes colorés en origami qui dégringole du plafond. Derrière le comptoir, la même serveuse sortira de son réfrigérateur smeg les ingrédients nécessaires aux sandwiches que vous aurez commandés: chèvre/miel/noix et puis pesto de roquette/crème de soja/tomate. Très simple et juste délicieux.
Ces temps-ci, en fin d'après-midi, une fois rentrée à la maison après avoir écouté le garçon qui a tué son chat après que celui-ci l'a mordu ou la dame qui est persuadée d'être enceinte mais en fait c'est impossible, j'adore boire un thé dans ma jolie tasse Pride and prejudice tout en feuilletant les livres qui s'empilent au pied du canapé gris-bleu. J'ai beaucoup souri les temps derniers en parcourant Cantines qui propose, sur une très bonne idée d'Emmanuel Rubin (qui écrit sacrément bien dis donc! C'est un bonheur de lire ses souvenirs de carottes râpées, de poulet basquaise, de sardines à l'huile et surtout de cordon-bleu pané page 92) et de Sébastien Demorand (qui n'est pas en reste: il évoque brillament pâtes trop cuites, côtes de porc sauce charcutière -mon dieu, mais qu'est-ce? J'ai dû demander à G. si ça existait vraiment. "Mais oui ma petite patoumi, et même que c'est très bon quand c'est bien fait."-, et autres alouettes sans tête), on parcourt à la fois des souvenirs de cantines très joliment racontés par des gens qui aiment bien bien manger (mesdemoiselles Clotilde Dussoulier et Keda Black entre autres, qui se souviennent de la glace bigoût et des endives au jambon) et puis des recettes de chefs qui revisitent les classiques de collectivité (ah! le cassoulet canaille d'Hélène Darroze, la mousse au chocolat et au pavot bleu de Sébastien Gaudard, le steak haché/haricots verts -au miso!- façon Philippe Delacourcelle ou encore la crêpe jambon/fromage de Jean-François Piège). Le tout est entrecoupé de photos ludiques et pleines d'humour où se croisent personnages Playmobil et poupées Barbies décapitées.
Pour faire simple et commencer la semaine en douceur, j'avais choisi d'essayer la panna cotta au citron de Sophie Brissaud, qu'elle sert accompagnée de fromage blanc vanillé et d'un sirop au muscovado. J'ai ajouté du jus de citron, j'ai zappé le sirop, j'ai voulu le remplacer par des shortbreads au thé vert mais ce fut un vrai fiasco et seule la poubelle en aura profité, j'ai goûté avec circonspection avec du fromage blanc et effectivement, c'est comme ça que cette panna cotta est délicieuse!

Panna cotta très citron
Pour quatre petits ramequins

-2 cuillères à soupe de lemon curd fait maison ou acheté parce que vous êtes parfois un peu paresseuse, mais quand vous ne l'êtes pas, vous restez fidèle à la recette de Pascale
-20cl de crème fleurette + 3 cuillères à soupe
-le jus d'un demi citron
-une demie cuillère à café d'agar agar

Dans une petite casserole, délayer le lemon curd avec les 3 cuillères de crème.
Ajouter le reste de la crème, mélanger soigneusement et faire chauffer sur feu doux.
Ajouter l'agar agar et porter à ébullition.
Verser dans quatre ramequins et laisser refroidir à température ambiante avant d'entreposer six bonnes heures au réfrigérateur (qui n'est pas nécessairement un smeg mais que vous êtes ravie d'avoir décoré de petits cadres en plastique coloré où l'on peut voir, grâce aux travaux pratiques de G. dans l'un, turquoise, Maggie Cheung et Tony Leung, dans l'autre, cassis, Woody Allen, Diane Keaton, Alan Alda et Angelica Huston, tout ce petit monde étant en train de dîner au restaurant).

21 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Du beurre de soja ? Eh bien ça alors, je tombe des nues, je ne connaissais pas du tout (je devrais sortir de mon trou, ça ne me ferait pas de mal de temps en temps !)
J'ai adoré ce livre moi aussi, ça m'avait rappelé tellement de souvenirs quand je l'avais feuilleté... notamment les fameux Menelik bien chimiques (mais j'aurais donné toutes mes billes pour manger ceux de mes copines !) :)

19 août, 2007 17:13  
Anonymous Anonyme said...

Quelle délicate attention de la part de M.W!
Enfin peut-être qu'il a voulu justement provoquer chez toi une réaction, t'interroger sur le point de savoir si tu veux vraiment faire ça, au fond de toi! Bref, je ne m'exprime certainement pas bien mais quelques fois, on est persuadé qu'on veut faire quelque chose ou devenir quelqu'un par habitude de le penser, pour ne pas avoir à y repenser. On pense être fait pour quelque chose par commodité, parce que ça nous plait assez bien de nous imaginer dans la peau d'un personnage alors qu'en fait, on serait fait pour autre chose. Et on a peur de se regarder en face et de se dire de changer de chemin.

Ces considérations mises à part, le orange et le violet vont très bien ensemble, je trouve. Ma mère assortit souvent ces deux couleurs, nous avons des jeux de draps ou de nappe et c'est superbe!

Pour la description de l'épicerie biologique, tu as l'art de rendre beau ce que tu touches de tes mots. C'est déjà quelque chose,

Bises,

Lisanka

19 août, 2007 17:23  
Anonymous Anonyme said...

Martin Winckler est un homme que j'admire beaucoup au travers de ces écrits et des quelques fois où j'ai pu l'entendre dans des émissions (radio)...
Je suis moi même sur le point de recommencer ma première année de médecine (quelques points de plus m'auraient permis d'atteindre la liste des quelques chanceux P2 mais le sort en a voulu autrement) et je trouve qu'il exprime bien l'esprit P1 dans ses livres...
Pour ce qui est de ta panna cotta elle a l'air délicieuse et ta petite description est charmante

19 août, 2007 18:15  
Anonymous Anonyme said...

ah mein gott la glace bi-goût de la cantoche, quelle horreur :) (à l'époque j'adorais, c'était un grand jour à la cantine quand il y en avait. ça et le jour des frites, bien sûr).

Quant au Winckler, pas très sympa... maintenant, je ne sais pas sur quel ton et de quelle manière il t'a dit ça...

19 août, 2007 20:14  
Anonymous Anonyme said...

ah mein gott la glace bi-goût de la cantoche, quelle horreur :) (à l'époque j'adorais, c'était un grand jour à la cantine quand il y en avait. ça et le jour des frites, bien sûr).

Quant au Winckler, pas très sympa... maintenant, je ne sais pas sur quel ton et de quelle manière il t'a dit ça...

19 août, 2007 20:14  
Anonymous Anonyme said...

Suis pas fan de M.W, j'ai lu "à ma bouche", trop goulu pour moi, et "la maladie de Sachs". De petites choses m'agaçaient, maintenant je sais pourquoi...

19 août, 2007 22:34  
Blogger LILIBOX said...

MW t'a déconseillé d'etre psychiatre ou d'etre medecin ?
par quels arguments si je peux me permettre de te le demander ?
t'as t il donné une autre voie ?
j'ai toujours un peu de mal avec les phrases fermées et définitives que l'on peut trainer comme des casseroles à son pied pendant des années .
L'argumentation dans la discussion est primordiale et dans ce genre de propos, ils doivent rester ouvert pour justement laisser le choix ...de la reflexion ou de l'acceptation .

20 août, 2007 08:30  
Blogger patoumi said...

Lisanka, je vais me repencher sur l'orange et le violet...

Labyrinthe, bon courage et bonne chance pour tout!

Lili, MW me dit bien que je suis faite pour le soin (tant mieux parce que je suis quand même bien avancée dans ces études!) mais bon, vu mon approche de la psychiatrie (pas trop de médicaments, s'intéresser à l'histoire des gens et pas juste savoir s'ils ont bien dormi ou ragagné de l'appétit...), je ne suis pas très adaptée au système. Peut-être, mais si les gens qui veulent changer un peu les choses doivent y renoncer alors à quoi tout cela sert-il? Je n'ai pas du tout aimé ce ton péremptoire et définitif d'où la petite colère!

Patatafrita, les glaces bigoût, yurk! Y'avait que la cuillère que j'aimais!

20 août, 2007 09:54  
Blogger patoumi said...

Lena, pour moi aussi tout s'éclaire...

20 août, 2007 09:55  
Anonymous Anonyme said...

Il n'y avait pas de cantine dans mon école... mais je ne suis pas sûre d'avoir raté quelque chose depuis que j'ai découvert les resto U ;)
En tous cas ce billet est une autre de tes perles, comme le dit très bien lisanka, tu as l'art de rendre beau tout ce que tu nous raconte. Et c'est un très chouette art.
Bien plus rare et précieux que celui de poser des diagnostic de manière abrupte et définitive.
Jusqu'à présent je n'aimais pas les panna cotta et n'avais jamais eu l'envie d'en faire...
je dis bien, jusqu'à present...

20 août, 2007 10:59  
Anonymous Anonyme said...

le panna cotta acidulé est un délice http://www.thalasso-passion.fr

20 août, 2007 11:44  
Blogger Gracianne said...

C'est peut-etre la plus longue parenthese depuis le debut de la blogomiam :) Mais bien sentie la parenthese!
Que nous importe donc le jugement des autres, meme si ces autres sont celebres, dans des choix vitaux comme ceux-ci?
Je peux prendre du rab de panna cotta citron?

20 août, 2007 12:03  
Anonymous Anonyme said...

Ces quelques jours de vacances ont l'air d'avoir été bien reposants....et les pannas sont très tentantes!

20 août, 2007 13:59  
Blogger Marmitedecathy said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

21 août, 2007 20:24  
Blogger Marmitedecathy said...

que dire de plus sur MW, Gracianne et Léna ont raison, laissons-le où il est !
c'est fou car ce livre j'ai failli l'acheter chez le bouquiniste il y a 15 jours, mais après la Rose Bakery, il fallait être raisonnable , et j'ai résisté, tu me le montreras ?

21 août, 2007 20:25  
Anonymous Anonyme said...

On n'aime pas trop les déclarations catégoriqus à tout va !!!
Quel danger ce M.W ...

Mais on aime la douceur de tes panna cotta

21 août, 2007 21:33  
Anonymous Anonyme said...

Eh bien moi, tout ce que j'ai à dire, c'est que "meurtre mystérieux à manhattan" est un de mes préférés (de film, pas de meurtre); de toute façon, chez Woody A. (;op), j'adore les scènes de resto ou de repas, il s'y déroule toujours des tas de discussions passionnées et intéressantes et drôles et pleines de verve. Pas tout à fait comme dans la vraie vie, quoi.

Allez, bonne semaine!

PS1: qu'est-ce qu'un "jeté de lit"?!

PS2: comment est la tasse pride & prejudice (c'est le genre de truc que ma femme adore)?

22 août, 2007 11:14  
Anonymous Anonyme said...

Je voulais juste te dire que nous avions suivi tes recommandations gastronomiques : nous sommes allés au Mizuna...leur cheese cake est exquis!

22 août, 2007 18:32  
Blogger quintal said...

thank you so much for your lovely words!
hope you come back again :)

(sorry not to write you in french...)

07 septembre, 2007 14:13  
Blogger maloud said...

Ton hôtel était rua Miguel Bombarda? J'habite depuis toujours Porto.

10 septembre, 2007 00:26  
Blogger patoumi said...

Maloud, tu as habites une très jolie ville... L'hôtel était dans la rua da rosario, juste à côté de la rua Miguel Bombarda.

10 septembre, 2007 13:03  

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