Les petites galettes de la maman de Martin Winckler
Je n'étais jamais allée à Toulouse. Les personnes à qui j'avais évoqué cette escapade avaient répondu: "Ah la ville rose!" comme d'autres disent du gingembre: "Ah c'est aphrodisiaque!". De toute façon, comme nous sommes arrivés de nuit, la couleur de la ville ne m'a pas semblé très différente de d'habitude. A l'Hôtel Saint-Sernin, où nous avions une chambre petite mais douillette (avec un dessus de lit qui n'aurait pas déplu à Laura Ashley), nous avions vue sur la cathédrale que nous n'avons pu visiter car elle est fermée entre midi et deux (c'était le jour du départ, nous ne pouvions attendre), sans doute Dieu veut-il déjeuner en paix.
Avant d'entamer la journée, nous allions dévorer de belles tartines de pain grillé dans le café en bas de l'hôtel, le serveur s'amusant de nous voir demander du sel pour accommoder le beurre que réclamaient nos palais habitués au goût de la Bretagne. Un matin, deux amies discutaient autour d'un café à la table d'à-côté et parlaient si fort que nous avons regretté de ne pas avoir des paupières à nos oreilles, ce d'autant plus que l'une des demoiselles, particulièrement volubile et commençant ses études de médecine, expliquait avec enthousiasme à son interlocutrice qu'il règnait un intense sentiment d'intégration et d'amitié entre elle et ses petits camarades pour la simple raison qu'ils allaient passer beaucoup de temps ensemble pendant ces longues études. Je suis un peu consternée par un tel raisonnement, cela suppose qu'elle supporte avec plaisir des amis simplement imposés par la réussite à un concours. Bref, inutile de s'étendre sur ce que je pense des étudiants en médecine, il est juste étonnant de constater que des gens qui choisissent un métier au plus près de l'humain (tiens, comme le gingembre aphrodisiaque) peuvent claironner qu'ils préféreront travailler dans le privé pour ne pas avoir à s'occuper de "tous les craquos de l'hôpital public". Oui, parfaitement madame.
Heureusement à Toulouse il y a d'autre chose à entendre, à voir, à goûter.
Après avoir vu de très beaux Cranach (dont un étrange couple d'amoureux) à la Fondation Bemberg nous avons cherché un endroit où déjeuner. Cela a pris un certain temps mais sur le chemin qui menait à L'Entracte, nous sommes tombés sur une épicerie-cave très jolie (Les petits poids, 48 rue des Filatiers) d'où nous sommes ressortis avec deux nouveaux livres épuresques ainsi qu'un petit pot de pâté de courgette à la menthe, puis nous avons croisé un grand magasin de cuisine où je regrette de ne pas avoir acheté une cuillère à thé en forme de coeur (c'est mon indécision chronique qui a encore frappé. J'ai toujours besoin de grands moments de réflexion pour acheter quelque chose, surtout si cette chose est futile... et donc adorable et indispensable!)
A L'entracte, ils m'ont servi une tarte poireau/champignon alors que j'avais demandé endive/Saint-Jacques mais ce n'est pas grave parce que je n'avais qu'une hâte: passer au dessert. En effet, de là où j'étais assise j'avais une vue imprenable sur le comptoir à gâteaux où s'alignaient de façon indécente: une tarte au citron meringuée du plus belle effet, un cheesecake très épais, une tatin aux pommes dégoulinante de caramel doré et un gâteau à l'orange tout rebondi. J'ajoute que mon voisin a commandé sous nos yeux une part de gâteau de crêpes au chocolat que la serveuse est allée chercher en cuisine; quand elle l'a posé devant lui, sa compagne me regarde et dit: "Vous savez, on est venu exprès pour ça!" Il fallait que je vérifie la véracité des dires de cette jolie dame blonde et nous avons donc choisi ce même gâteau de crêpes et une part de tarte au citron.
Je comprends que l'on vienne de loin pour ce fameux gâteau de crêpes: les crêpes parfumées à la fleur d'oranger sont empilées les unes sur les autres sur une épaisseur d'une dizaine de centimètres, entre chacune d'elle vient se glisser une très fine couche de crème et le tout est recouvert de chocolat chaud fondu et de quelques amandes effilées. Evidemment, on peut le faire à la maison mais comme le dit mademoiselle Deseine dans le dernier Régal, parfois "Faire des crêpes, c'est stressant et soporifique" (j'avoue que ces deux concepts sont plutôt antinomiques, je retiendrai donc surtout "stressant". Qui a dit que j'angoissais pour pas grand chose?)
Quant à la tarte au citron, elle est juste venue confirmer ce que je pressentais depuis longtemps déjà: je l'aime SANS la meringue. Mais elle était bien acidulée, c'est déjà ça.
Pour digérer, nous sommes allés au Musée des beaux arts de Toulouse qui m'a permis de réviser les classiques de la Bible en riant beaucoup avec G. (j'ai ri un peu jaune aussi quand une petite fille avec d'épaisses lunettes s'est faite gronder par une surveillante du musée alors qu'elle effleurait intriguée les tétons d'une statue de femme nue allongée). J'en profite pour préciser que la plupart des musées de Toulouse sont gratuits pour les étudiants quel que soit leur âge et j'en connais qui devrait en prendre de la graine.
Bon, mais quel rapport avec les galettes de la maman de Martin Winckler?
Et bien figurez-vous que le lendemain, après une expédition jusqu'au centre d'art contemporain de Toulouse situé dans d'anciens abattoirs, après une petite halte dans une pâtisserie orientale où G. a acheté quelques douceurs à déguster avec un thé qui se révèlera infect, nous nous sommes retrouvés dans une librairie d'où je n'ai pu ressortir sans ce petit livre de Martin W. qui évoque tout ce qui le lie à la nourriture ou plus précisément au bonheur de manger.
Mais d'abord, un petit mot sur les Abattoirs. Après avoir vu des rouleaux de papier toilette sur les pales horizontales d'un ventilateur au CAPC de Bordeaux, nous avons vu un salon qui bave à Toulouse. Parfois on se dit que Marcel Duchamp a eu une très mauvaise influence sur ceux qui l'ont suivi. En tout cas, je n'y comprends rien.
A propos du thé infect, c'est entièrement de ma faute. C'est moi qui ai insisté pour essayer un salon de thé de la rue du Taur qui avait l'air tout mignon avec ses peintures aux murs et ses lampions colorés, le Sherpa, ça s'appelle . J'ai choisi un thé baptisé: "Les jardins oubliés", il était décrit comme ayant un goût de chataîgne, en fait ça ressemblait à une mauvaise soupe de navets. G., pour rester cohérent avec lui-même et ses pâtisseries orientales, avait choisi un thé à la menthe qui avait goût de shampooing à la menthe.
Bon, et ces galettes, alors?
En dévorant le livre de Martin W., j'ai découvert qu'il parle aussi bien de son attachement aux bonnes choses que de la violence des études de médecine ou de la solitude des médecins de campagne. Il donne envie d'un barbecue au soleil, de coleslaw bien frais, de cigares aux amandes, de caviar d'aubergine, de tchouchouka, d'une belle omelette, du jarret de veau sauce poulette de MPJ et de plateau télé devant Star Trek (comme Gracianne!). Et puis il évoque avec gourmandise et tendresse les petites galettes de sa maman; c'est MPJ qui les lui confectionne désormais et l'addiction qu'il décrit à ces petites galettes était si touchante que j'ai voulu savoir à quoi elles ressemblaient. Il y a dans Plumes d'ange, une recette plus précise que dans ce livre-ci et c'est elle que j'ai suivie dimanche soir. C'est G. qui a étalé la pâte et découpé les biscuits. Je confirme les dires de Martin W.: on voudrait en avoir toujours à disposition de ces galettes-là.
Avant d'entamer la journée, nous allions dévorer de belles tartines de pain grillé dans le café en bas de l'hôtel, le serveur s'amusant de nous voir demander du sel pour accommoder le beurre que réclamaient nos palais habitués au goût de la Bretagne. Un matin, deux amies discutaient autour d'un café à la table d'à-côté et parlaient si fort que nous avons regretté de ne pas avoir des paupières à nos oreilles, ce d'autant plus que l'une des demoiselles, particulièrement volubile et commençant ses études de médecine, expliquait avec enthousiasme à son interlocutrice qu'il règnait un intense sentiment d'intégration et d'amitié entre elle et ses petits camarades pour la simple raison qu'ils allaient passer beaucoup de temps ensemble pendant ces longues études. Je suis un peu consternée par un tel raisonnement, cela suppose qu'elle supporte avec plaisir des amis simplement imposés par la réussite à un concours. Bref, inutile de s'étendre sur ce que je pense des étudiants en médecine, il est juste étonnant de constater que des gens qui choisissent un métier au plus près de l'humain (tiens, comme le gingembre aphrodisiaque) peuvent claironner qu'ils préféreront travailler dans le privé pour ne pas avoir à s'occuper de "tous les craquos de l'hôpital public". Oui, parfaitement madame.
Heureusement à Toulouse il y a d'autre chose à entendre, à voir, à goûter.
Après avoir vu de très beaux Cranach (dont un étrange couple d'amoureux) à la Fondation Bemberg nous avons cherché un endroit où déjeuner. Cela a pris un certain temps mais sur le chemin qui menait à L'Entracte, nous sommes tombés sur une épicerie-cave très jolie (Les petits poids, 48 rue des Filatiers) d'où nous sommes ressortis avec deux nouveaux livres épuresques ainsi qu'un petit pot de pâté de courgette à la menthe, puis nous avons croisé un grand magasin de cuisine où je regrette de ne pas avoir acheté une cuillère à thé en forme de coeur (c'est mon indécision chronique qui a encore frappé. J'ai toujours besoin de grands moments de réflexion pour acheter quelque chose, surtout si cette chose est futile... et donc adorable et indispensable!)
A L'entracte, ils m'ont servi une tarte poireau/champignon alors que j'avais demandé endive/Saint-Jacques mais ce n'est pas grave parce que je n'avais qu'une hâte: passer au dessert. En effet, de là où j'étais assise j'avais une vue imprenable sur le comptoir à gâteaux où s'alignaient de façon indécente: une tarte au citron meringuée du plus belle effet, un cheesecake très épais, une tatin aux pommes dégoulinante de caramel doré et un gâteau à l'orange tout rebondi. J'ajoute que mon voisin a commandé sous nos yeux une part de gâteau de crêpes au chocolat que la serveuse est allée chercher en cuisine; quand elle l'a posé devant lui, sa compagne me regarde et dit: "Vous savez, on est venu exprès pour ça!" Il fallait que je vérifie la véracité des dires de cette jolie dame blonde et nous avons donc choisi ce même gâteau de crêpes et une part de tarte au citron.
Je comprends que l'on vienne de loin pour ce fameux gâteau de crêpes: les crêpes parfumées à la fleur d'oranger sont empilées les unes sur les autres sur une épaisseur d'une dizaine de centimètres, entre chacune d'elle vient se glisser une très fine couche de crème et le tout est recouvert de chocolat chaud fondu et de quelques amandes effilées. Evidemment, on peut le faire à la maison mais comme le dit mademoiselle Deseine dans le dernier Régal, parfois "Faire des crêpes, c'est stressant et soporifique" (j'avoue que ces deux concepts sont plutôt antinomiques, je retiendrai donc surtout "stressant". Qui a dit que j'angoissais pour pas grand chose?)
Quant à la tarte au citron, elle est juste venue confirmer ce que je pressentais depuis longtemps déjà: je l'aime SANS la meringue. Mais elle était bien acidulée, c'est déjà ça.
Pour digérer, nous sommes allés au Musée des beaux arts de Toulouse qui m'a permis de réviser les classiques de la Bible en riant beaucoup avec G. (j'ai ri un peu jaune aussi quand une petite fille avec d'épaisses lunettes s'est faite gronder par une surveillante du musée alors qu'elle effleurait intriguée les tétons d'une statue de femme nue allongée). J'en profite pour préciser que la plupart des musées de Toulouse sont gratuits pour les étudiants quel que soit leur âge et j'en connais qui devrait en prendre de la graine.
Bon, mais quel rapport avec les galettes de la maman de Martin Winckler?
Et bien figurez-vous que le lendemain, après une expédition jusqu'au centre d'art contemporain de Toulouse situé dans d'anciens abattoirs, après une petite halte dans une pâtisserie orientale où G. a acheté quelques douceurs à déguster avec un thé qui se révèlera infect, nous nous sommes retrouvés dans une librairie d'où je n'ai pu ressortir sans ce petit livre de Martin W. qui évoque tout ce qui le lie à la nourriture ou plus précisément au bonheur de manger.
Mais d'abord, un petit mot sur les Abattoirs. Après avoir vu des rouleaux de papier toilette sur les pales horizontales d'un ventilateur au CAPC de Bordeaux, nous avons vu un salon qui bave à Toulouse. Parfois on se dit que Marcel Duchamp a eu une très mauvaise influence sur ceux qui l'ont suivi. En tout cas, je n'y comprends rien.
A propos du thé infect, c'est entièrement de ma faute. C'est moi qui ai insisté pour essayer un salon de thé de la rue du Taur qui avait l'air tout mignon avec ses peintures aux murs et ses lampions colorés, le Sherpa, ça s'appelle . J'ai choisi un thé baptisé: "Les jardins oubliés", il était décrit comme ayant un goût de chataîgne, en fait ça ressemblait à une mauvaise soupe de navets. G., pour rester cohérent avec lui-même et ses pâtisseries orientales, avait choisi un thé à la menthe qui avait goût de shampooing à la menthe.
Bon, et ces galettes, alors?
En dévorant le livre de Martin W., j'ai découvert qu'il parle aussi bien de son attachement aux bonnes choses que de la violence des études de médecine ou de la solitude des médecins de campagne. Il donne envie d'un barbecue au soleil, de coleslaw bien frais, de cigares aux amandes, de caviar d'aubergine, de tchouchouka, d'une belle omelette, du jarret de veau sauce poulette de MPJ et de plateau télé devant Star Trek (comme Gracianne!). Et puis il évoque avec gourmandise et tendresse les petites galettes de sa maman; c'est MPJ qui les lui confectionne désormais et l'addiction qu'il décrit à ces petites galettes était si touchante que j'ai voulu savoir à quoi elles ressemblaient. Il y a dans Plumes d'ange, une recette plus précise que dans ce livre-ci et c'est elle que j'ai suivie dimanche soir. C'est G. qui a étalé la pâte et découpé les biscuits. Je confirme les dires de Martin W.: on voudrait en avoir toujours à disposition de ces galettes-là.
Les petites galettes de Nelly
Pour une trentaine de galettes
-le jus de deux belles oranges bio
-2 jaunes d'oeufs bio
-la même quantité de sucre
-la même quantité d'huile
-un sachet de sucre vanillé
-un sachet de levure chimique
-de la farine (environ 410g)
Mélanger le jus d'orange, les sucres et l'huile.
Ajouter les jaunes d'oeufs. Bien mélanger.
Incorporer la levure.
Ajouter progressivement la farine jusqu'à obtenir une pâte homogène avec la texture d'une pâte à tarte (avec les mains, c'est plus facile).
Former une boule et l'oublier un petit temps au réfrigérateur.
Au bout d'une demie-heure, étaler la pâte entre deux feuilles de papier sulfurisé (comme nous n'avons pas de rouleau à pâtisserie, nous avons utilsé une bouteille de Pessac-Léognan 2001) jusqu'à obtenir une épaisseur d'environ 3-4mm.
Découper vos galettes à l'emporte-pièce (la maman de Martin W. en utilisait d'une forme bien particulière...), faire quelques petits trous à la fourchette, dorer au jaune d'oeuf si vous en avez envie et faire cuire une dizaine de minutes dans un four préchauffé à 180°.
Elles sont vraiment délicieuses, j'en ai grignoté toute la journée du lendemain. Elles se gardent très bien dans une boîte en fer et Martin W. vous suggère même de lui en envoyer quelques exemplaires si le coeur vous en dit.
Pour en savoir plus sur nos péripéties gastronomiques, vous pouvez faire un tour par ici.
11 Comments:
ah ! cette nouvelle série de livres !
J'ai entendu l'éditrice en parler sur
Frnce Inter chez Kriss (avec Fatema
Hal l'émission ! un must !) et j'en
rêve depuis !
Ah oui, je me souviens de ces galettes dans "Plume d'Ange". Puisque c'est un de mes auteurs préférés...et que tu les conseilles vivement, je ne vois pas ce que j'attends!
mais ils ont l'air super sympas ces sablés! le livre, par contre, je ne le connais pas, mais il semble pas mal du tout...
Je me suis régalée avec la lecture de ce billet voyageur ... il ne me manquait que l'assiette de ces galettes dans laquelle piocher.
PS : Impossible de laisser un message sur le site de G. et Patoumi sans compte Google ...:
"On savait que G avait du goût, on sait désormais aussi qu'il a une plume !"
Comment ca, tu n'as pas encore developpe de paupieres sur les oreilles? Elles poussent toutes seules avec les annees, tu vas voir. C'est quelquefois meme genant.
J'aimerais bien aller a Toulouse.
J'ai bien aime lire le premier livre de Martin Winkler. Si en plus il aime Star Trek lui aussi, je vais essayer celui-ci.
Ces petits livres m'avaient tapé dans l'oeil aussi, merci de me pousser dans mon vice...
Non seulement tu nous allèches avec des recettes, mais en plus avec des livres... on ne sait plus où donner de la tête!
debien joils sables, j'adore ta vaisselle aussi...
J'ai également craqué pour lui et ses belles pages, le genre d'homme qu'on inviterait bien à sa table, sa gourmandise est toute en délicatesse, riche en souvenirs.
Voir Toulouse avec vos yeux, quelle adorable compagne de voyage vous êtes!
Léna qui n'a pas encore fait les sablés mais ne peut plus tarder maintenant
Alors la, j'ai lu plusieurs romans de MW aux styles tres differents mais je ne suis jamais tombee sur ce livre-la. merci pour ce joli billet et cette interessante suggestion. et puis quel beau blog !!
Ces gâteaux faits maison sont jolis, mais ceux sur les plateaux ont des couleurs peu appétissantes, ont l’air trop artificiels. Beau blog!
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