La tarte au citron du Pois café et les paccheri millerighe à la mizuna évanouie
Dans le joli quartier de l'Alfama, sur les hauteurs de Lisbonne, en récompense à une longue marche défiant soleil ardent, côtes sans clémence et ruelles tortueuses, vous êtes heureux de vous arrêter dans la grande salle claire et joyeuse du Pois café. Les murs tapissés de pierres et le sol recouvert de larges dalles irrégulières contribuent au rafraîchissement immédiat du fond de l'air et vous pourrez choisir de vous installer sur de profonds fauteuils disposés de part et d'autre d'un mystérieux coffre fort qui fera office de table ou préférer la place très prisée, sur une banquette surélevée dans un recoin de la salle, où il faudra vous asseoir en tailleur pour savourer votre déjeuner sur un grand plateau à pied. Après avoir commandé un jus d'orange ou un mélange melon/kiwi pour les plus téméraires, à une serveuse qui ressemble de façon confondante à Kirsten Dunst, en brune, vous aurez loisir de feuilleter les nombreux livres qui se serrent, comme les porcs epics de Schopenhauer auraient rêver se serrer, sur les étagères qui courent sur chacun des longs murs. Les propriétaires du Pois café sont des Autrichiennes, qui n'ont pas oublié de mettre dans leurs valises qu'on imagine en cuir coloré, des livres de chez elles, et l'on peut ainsi retrouver, dans un joyeux bazar, des livres d'art, de cuisine, de jardinage, (et même de pliage de serviettes) des livres pour enfants, des romans, des polars, des guides de voyage... Si vous allez vous laver les mains, vous sourirez peut-être en étant accueilli par Ken ou Barbie, pendus à la porte des toilettes qui vous concernent. Plus tard, vous remarquerez aussi l'autocollant Blanche Neige au dos d'un ordinateur. Vous apprécierez la fraîcheur fragile des fleurs solitaires qui se balancent au moindre souffle dans leur vase transparent et joufflu.
Sur une ardoise, devant laquelle séjournent parfois très longtemps les indécis en long colloque avec eux-mêmes, vous lirez qu'il va falloir choisir entre des petits sandwiches tous plus appétissants les uns que les autres, des salades affriolantes, des petites soupes, des plats inattendus (du strüdel à la viande?) et puis un brunch qui semble des plus copieux. Vous serez ravi, si vous commandez le sandwich "Opéra" de voir arriver sur une planche de bois un petit pain replet, coupé en deux, renfermant au sein de sa douce mie, des courgettes marinées, du fromage frais, du poulet rôti et du prosciutto, posé sur une serviette en papier à carreaux turquoise et accompagné de chips ondulées, ce qui tombe bien parce qu'il n'y a qu'en vacances que vous vous autorisez à manger des chips (et de la vache qui rit au petit déjeuner, mais c'est une autre histoire). Les cuisines sont dans la salle et vous pourrez voir de grandes jeunes femmes cheveux enturbannés et vaste tatouage pour certaines, s'agiter à râper, émincer, tartiner, mixer, éplucher, surveiller diverses marmites dont elles soulèvent le couvercle de temps à autres et goûter du bout des lèvres des liquides brûlants. Pendant tout le repas, vous lorgnerez aussi du côté de la vitrine des pâtisserie, où s'alignent dans la plus complète décadence, sachertorte, gâteau au pêches, biscuit roulé au citron, cheesecake au fruit de la passion, strüdel aux pommes et puis la meilleure tarte au citron que vous n'ayez jamais mangée alors que vous appréhendiez la première bouchée puisque, sans vous en avertir, la surface de ladite tarte avait été recouverte d'une généreuse couche de cannelle et vous n'aimez pas trop cela, même en vacances. La texture de la crème au citron était plus que mystérieuse, infiniment onctueuse sans être écoeurante, et son goût était aussi acidulé que possible. J'ai un peu peur de refaire ma tarte au citron depuis...
En ce moment, si vous avez le coeur un peu lourd d'un chagrin pour l'instant inconsolable, si vous vous sentez nulle en constatant qu'à chaque fois que vous devez faire vos preuves vous précipitez votre propre chute, si vous avez peur que vos parents aient honte de vous, si la chauffeuse du bus que vous attendiez depuis un quart d'heure ne s'arrête pas parce que vous ne lui avez pas fait signe alors qu'il vous semblait évident que forcément, à un arrêt de bus où il n'en passe qu'un, vous ne pouviez décemment pas être occupée à autre chose qu'à l'attendre, ce bus, si votre lecteur cd refuse de lire vos disques préférés, si votre petit haut plissé à nouer dans le dos attend d'être repassé, si une abjecte libraire myope remet en question votre demande comme si vous étiez analphabète, si le noren Madame Mo avec des sushis dessus a été vendu, si le livre de l'Epure sur l'oeuf est indisponible et celui sur les yaourts épuisé, si votre mèche met vraiment beaucoup de temps à repousser, si le type qui a tué son chat après que celui-ci l'a mordu a fugué, que vous le pressentiez mais que vous avez été impuissante à l'en empêcher, si le lacet de vos Clarks s'est rompu alors que vous étiez déjà en retard, alors
-vous respirez calmement en contemplant avec concentration le bouquet de petites roses que G. ne manque jamais gentiment d'acheter le samedi matin au marché
-vous lisez le très beau livre de nouvelles iraniennes de Zoyâ Pirzâd, où il est question de riz à la tomate, de riz pilaf aux lentilles ou aux écorces d'orange et aux raisins secs, de ragoût d'agneau aux herbes mais aussi de bas nylon, de petunias, de voisins et d'ennui
-vous allez voir Les amours d'Astrée et de Céladon, le nouveau film d'Eric Rohmer, et vous admirerez en secret les jolies robes des bergères et des nymphes
-vous vous concocterez un petit bol de pâtes très simple en écoutant des enregistrements des émissions de Raphaël Enthoven lors desquelles on ne cesse d'avoir envie de relire de la philosophie tant les intervenants exposent leurs idées de façon à la fois claire et ludique (et pas en pontifiant avec un sourire de mépris comme Monsieur P., mon prof de philo de terminale, qui m'avait rendu ma première dissert avec écrit en majuscules rouges "Tout ceci n'est pas de vous").
Les paccheri millerighe à la mizuna évanouie
Pour une personne
-une grosse poignée de mizuna, cette salade japonaise qui ressemble un peu à de la roquette, en plus doux, et qui cuite, m'a plutôt fait penser aux épinards
-deux grosses tomates de la variété "Rose de berne" mais n'importe lesquelles bien charnues feront l'affaire
-de la pancetta
-un peu de sésame toasté
-beaucoup de parmesan fraîchement râpé
-des paccheri ou n'importe quelles pâtes qui vous font envie quand vous ouvrez le placard
-de l'huile d'olive et du poivre du moulin
Pendant que les pâtes cuisent, la pancetta colore dans un peu d'huile d'olive.
Ajouter les feuilles de mizuna, les laisser s'évanouir avant d'ajouter les tomates coupées en dés. Laisser épaissir doucement.
Mélanger les pâtes à la sauce (rajouter un peu d'eau des pâtes), poivrer, saupoudrer d'un peu de sésame et de beaucoup de parmesan et servir sans attendre.
Sur une ardoise, devant laquelle séjournent parfois très longtemps les indécis en long colloque avec eux-mêmes, vous lirez qu'il va falloir choisir entre des petits sandwiches tous plus appétissants les uns que les autres, des salades affriolantes, des petites soupes, des plats inattendus (du strüdel à la viande?) et puis un brunch qui semble des plus copieux. Vous serez ravi, si vous commandez le sandwich "Opéra" de voir arriver sur une planche de bois un petit pain replet, coupé en deux, renfermant au sein de sa douce mie, des courgettes marinées, du fromage frais, du poulet rôti et du prosciutto, posé sur une serviette en papier à carreaux turquoise et accompagné de chips ondulées, ce qui tombe bien parce qu'il n'y a qu'en vacances que vous vous autorisez à manger des chips (et de la vache qui rit au petit déjeuner, mais c'est une autre histoire). Les cuisines sont dans la salle et vous pourrez voir de grandes jeunes femmes cheveux enturbannés et vaste tatouage pour certaines, s'agiter à râper, émincer, tartiner, mixer, éplucher, surveiller diverses marmites dont elles soulèvent le couvercle de temps à autres et goûter du bout des lèvres des liquides brûlants. Pendant tout le repas, vous lorgnerez aussi du côté de la vitrine des pâtisserie, où s'alignent dans la plus complète décadence, sachertorte, gâteau au pêches, biscuit roulé au citron, cheesecake au fruit de la passion, strüdel aux pommes et puis la meilleure tarte au citron que vous n'ayez jamais mangée alors que vous appréhendiez la première bouchée puisque, sans vous en avertir, la surface de ladite tarte avait été recouverte d'une généreuse couche de cannelle et vous n'aimez pas trop cela, même en vacances. La texture de la crème au citron était plus que mystérieuse, infiniment onctueuse sans être écoeurante, et son goût était aussi acidulé que possible. J'ai un peu peur de refaire ma tarte au citron depuis...
En ce moment, si vous avez le coeur un peu lourd d'un chagrin pour l'instant inconsolable, si vous vous sentez nulle en constatant qu'à chaque fois que vous devez faire vos preuves vous précipitez votre propre chute, si vous avez peur que vos parents aient honte de vous, si la chauffeuse du bus que vous attendiez depuis un quart d'heure ne s'arrête pas parce que vous ne lui avez pas fait signe alors qu'il vous semblait évident que forcément, à un arrêt de bus où il n'en passe qu'un, vous ne pouviez décemment pas être occupée à autre chose qu'à l'attendre, ce bus, si votre lecteur cd refuse de lire vos disques préférés, si votre petit haut plissé à nouer dans le dos attend d'être repassé, si une abjecte libraire myope remet en question votre demande comme si vous étiez analphabète, si le noren Madame Mo avec des sushis dessus a été vendu, si le livre de l'Epure sur l'oeuf est indisponible et celui sur les yaourts épuisé, si votre mèche met vraiment beaucoup de temps à repousser, si le type qui a tué son chat après que celui-ci l'a mordu a fugué, que vous le pressentiez mais que vous avez été impuissante à l'en empêcher, si le lacet de vos Clarks s'est rompu alors que vous étiez déjà en retard, alors
-vous respirez calmement en contemplant avec concentration le bouquet de petites roses que G. ne manque jamais gentiment d'acheter le samedi matin au marché
-vous lisez le très beau livre de nouvelles iraniennes de Zoyâ Pirzâd, où il est question de riz à la tomate, de riz pilaf aux lentilles ou aux écorces d'orange et aux raisins secs, de ragoût d'agneau aux herbes mais aussi de bas nylon, de petunias, de voisins et d'ennui
-vous allez voir Les amours d'Astrée et de Céladon, le nouveau film d'Eric Rohmer, et vous admirerez en secret les jolies robes des bergères et des nymphes
-vous vous concocterez un petit bol de pâtes très simple en écoutant des enregistrements des émissions de Raphaël Enthoven lors desquelles on ne cesse d'avoir envie de relire de la philosophie tant les intervenants exposent leurs idées de façon à la fois claire et ludique (et pas en pontifiant avec un sourire de mépris comme Monsieur P., mon prof de philo de terminale, qui m'avait rendu ma première dissert avec écrit en majuscules rouges "Tout ceci n'est pas de vous").
Les paccheri millerighe à la mizuna évanouie
Pour une personne
-une grosse poignée de mizuna, cette salade japonaise qui ressemble un peu à de la roquette, en plus doux, et qui cuite, m'a plutôt fait penser aux épinards
-deux grosses tomates de la variété "Rose de berne" mais n'importe lesquelles bien charnues feront l'affaire
-de la pancetta
-un peu de sésame toasté
-beaucoup de parmesan fraîchement râpé
-des paccheri ou n'importe quelles pâtes qui vous font envie quand vous ouvrez le placard
-de l'huile d'olive et du poivre du moulin
Pendant que les pâtes cuisent, la pancetta colore dans un peu d'huile d'olive.
Ajouter les feuilles de mizuna, les laisser s'évanouir avant d'ajouter les tomates coupées en dés. Laisser épaissir doucement.
Mélanger les pâtes à la sauce (rajouter un peu d'eau des pâtes), poivrer, saupoudrer d'un peu de sésame et de beaucoup de parmesan et servir sans attendre.
19 Comments:
Les petits plats iraniens que tu évoques me mettent l'eau à la bouche. J'en ai mangé plusieurs fois chez G, une amie à ma mère ;-)
Envie d'aller voir les Amours d'A et de C. Et puis tentée par la petite salade, aussi, délicatement posée au coin d'une revue . C'est ça aussi, la culture ;-)
J'espère que l'horizon s'éclaircit un peu pour toi ces temps-ci;
Bises,
Lisanka
Que tes souvenirs lisboètes me rendent nostalgiques! Quand aux grands chagrins et aux petites contrariétés, j'espère de tout coeur que l'art que tu mets à les conter t'aide à les supporter.
Je t'embrasse.
Sonia
Je crois comprendre que nous allons toutes les deux passer une année très studieuse...
J'essaie de le prendre différement de toi... je me dis que ce sera mon premier grand échec et que un coup de pied au cul ne peut pas me faire de mal, histoire que je comprenne qu'il faudrait que m'y mette un peu... un peu plus...
Cette tarte au citron me laisse rêveuse ... Tu ne leur as pas demandé leur secret d'une préparation aussi crémeuse ?
Un bien joli billet ! bravo. Bon courage pour cette rentrée.
Bises et bonne fin d'après midi.
Paola
OUPS, j'oubliais le principal !!! j'adore la tarte au citron... Ta recette me plait beaucoup.
Je suis très curieuse de voir Astrée et Céladon. Les robes qui m'avaient fait rêver ces derniers mois au cinéma étaient plutôt celles de Jeanne Balibar dans Ne touchez pas la hache. J'en profite pour te dire que je lis ton blog avec plaisir depuis un certain temps déjà, surtout pour les chroniques douces-amères au début du billet, mais les recettes sont toujours très appétissantes !
Les petits plaisirs de la vie font parfois oublier les gros soucis, alors vive les tartes au citron, les pâtes et les bouquets de rose...
Patoumi, c'est toujours un tel plaisir de vous lire...merci
C'est vraiment délicieux, chez toi. En fait c'est autre chose. Douloureusement délicieux ? délicieusement douloureux ? Je ne sais pas trop, j'aligne les mots, ils ne sont pas justes. Disons que je te lis le coeur serré et impatient. Je voudrais que ça ne s'arrête pas, je suis agacée par tant de virtuosité douce, sans esbrouffe, je prends un grand plaisir de lectrice et une magistrale claque, une leçon. Je ne sais pas ce qui prime mais le charme est là.
C'est donc ça, le fameux café dont tu me parlais... J'aurais adoré y aller.
Les petits bonheurs sont indispensables à la (sur)vie.
Je ne connaissais pas la mizuna...
Il est des moments comme ça où on a des bleus à l'âme, au coeur ou au corps (et parfois tout ça ensemble...je connais), j'ai aimé ton récit qui m'a téléportée à Lisbonne que j'ai aimée moi aussi, j'aime tes récits pleins de charme et de sensibilité, j'espère comme Sonia que l'écriture t'apporte un peu de réconfort.
A bientôt
Je passe à Lisbonne dans moins de deux mois, il faut que je me souvienne de ce Café.
Ta façon de raconter Lisbonne me touche beaucoup, et ton petit bol de pâtes est charmant. Pensées pour que les nuages s'estompent.
Tu as toujours d'excellents remedes au blues. Je penserai a revenir sur ce billet en cas d'urgence, briser la glace en cas de bleus a l'ame.
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