jeudi 13 septembre 2007

Labeur au ventre mais des scones comme à Rose Bakery

Une fille aux cheveux courts et en petit blouson kaki était en train de lire Libé dans le bus du matin et, de là où j'étais, dans ma vieille veste en velours qui a dernièrement retrouvé toutes mes faveurs, debout contre la vitre, j'ai pu parcourir l'habituel portrait de dernière page dévolu ce jour-là à Julie-Marie Parmentier et dont je recycle le titre sans scrupules parce que je n'aurais pas trouvé mieux pour décrire mon état du moment.
Par un joli hasard, en allumant la radio ce midi, j'ai entendu la même JMP évoquer son travail pour le film de l'étrange Isild Le Besco. JMP, je l'ai vue pour la première fois dans un très chouette long métrage de Noémie Lvosky qui s'appelait La vie ne me fait pas peur, où l'on peut suivre les tribulations de quatre adolescentes perdues dans le vertigineux questionnement que pose immanquablement cette période de la vie, et où l'on voit comment les évènements de cette époque, aussi microscopiques qu'ils peuvent paraître, donnent à leur existence d'adultes une texture particulière. Je me souviens d'une scène atrocement cruelle où l'une d'entre elles, un peu ronde, essaie désespérément et les larmes aux yeux de monter à la corde sous le regard mesquin de ses camarades qui se mettent à entonner "Fais comme l'oiseau..." J'ai quelques souvenirs de mes propres exploits aux barres asymétriques.
De mon adolescence, je garde le goût des amours contrariées, d'une guitare achetée pour séduire un garçon stupide (mais que je trouvais beau), d'un journal intime que j'écrivais à l'encre turquoise (alors que maintenant, dans mon cahier Moleskine noir, je griffonne à tout va au bic bleu), de la jupe en vichy rose de A. dont je jalousais aussi la longue chevelure blonde, de multiples lettres échangées avec des correspondantes allemandes et des correspondes anglaise, de la lecture des Fleurs du mal et de L'écume des jours, de mon obstination à jouer du violoncelle malgré mon piètrissime niveau, de conversations volées pendant les cours d'anglais que je sèchais (avec l'accord de madame C., une dame frêle mais énergique, qui était mariée avec un Japonais et qui portait souvent des belles tuniques fleuries) avec monsieur M., un prof de français à qui je trouvais une classe folle et que je pouvais écouter pendant des heures parler de Marguerite Duras et d'amours évanouies; j'étais rêveuse, susceptible, solitaire et obstinée; sur les murs j'avais accroché toute une série de portraits de Rimbaud, des publicités pour des parfums (sans me rendre compte que les filles qui y posaient et dont j'enviais la minceur ne pouvaient être que malades), des nympheas sur cartes postales, Jarvis Cocker dans une veste étriquée, Thom Yorke avec un regard déprimé et je collectionnais les petites figurines des Kinder surprise. La vie me faisait peur, je redoutais la médiocrité, je me rêvais écrivain et amoureuse.
Je repense beaucoup en ce moment, avec tristesse et soulagement à la fois, à toutes les choses qui ne reviendront jamais. Je crois que je n'aurais jamais pensé, lorsque je rêvais en salopette en jean sur mon lit d'adolescente, que j'aurais à déployer autant de courage et d'abnégation pour obtenir ce que je voulais; la vie joue parfois de drôles de tours... Au-delà de l'orgueil blessé et du narcissime fêlé, on se sent si fragile que la montagne qu'il faut encore une fois franchir paraît infinie. Alors sur le moment j'aime bien quand un patient me dit: "Vous nous soignez bien..." mais quand j'y repense, dans le bus du soir qui ramène aussi les collégiens qui aiment à converser sur le dernier Harry Potter, j'ai un peu les larmes aux yeux à l'idée que pour faire ce métier-là, il va falloir attendre encore un peu, et surmonter quelques épreuves. "Si j'avais su, si j'avais pu, éviter ça/Ne le dis plus, ne sois pas déçu/Je n'ai pas baissé les bras..." chante Chiara Mastroianni.
Comme Cathy l'a raconté, j'ai aussi quelques peurs moins douloureuses. Les scones, comme le tricot, la conduite automobile, les grosses vagues, le pédiluve de la piscine, les mouches, les clowns de cirque, les poupées de cire, les talons aiguilles, le mascara, le quinoa, la lecture de Kant, les concerts debout, les ballons de foot et les fauteurs de troubles ont tendance à m'effrayer. Mais pour les scones, encouragée par Cathy et par ma propre gourmandise, j'ai décidé d'enterrer ma timidité envers ces petites choses et, lors d'un très doux dimanche après-midi, j'étais ravie d'interrompre G. dans ses divers travaux d'écriture pour l'inviter à tartiner des scones tièdes de sa confiture préférée du moment (abricot à l'armagnac de chez Tiptree).
J'aurais pu les faire au sirop d'érable, comme Cathy, ou aux figues et à la purée d'amandes comme eva, mais, pour une première fois, je voulais quelque chose de simple et nature et la recette de Rose bakery est juste parfaite!


Des scones très simples
Pour une dizaine de scones

-250g de farine T80
-une cuillère à soupe de sucre
-une cuillère à soupe de levure
-55g de beurre salé froid en petits morceaux
-150mL de lait
-un oeuf battu pour dorer

Mélanger la farine, le sucre et la levure.
Ajouter le beurre et mélanger du bout des doigts jusqu'à l'obtention d'une chapelure régulière.
Faire un puits, y verser le lait et mélanger doucement avec une fourchette. Arrêter quand toute la farine est incorporée.
Etaler la pâte sur une épaisseur de 4cm et découper les scones à l'aide d'un emporte pièce ou d'un verre de 5cm de diamètre (opérer d'un coup sec, sans tourner l'emporte-pièce sur lui-même).
Les disposer très proches les uns des autres sur une plaque recouverte de papier sulfurisé, dorer avec l'oeuf battu et faire cuire 15 à 20 minutes dans un four préchauffé à 200°.
Ils se réchauffent très bien le lendemain, quelques minutes dans un four très chaud.

27 Comments:

Anonymous Anonyme said...

ah! les scones ... les miens n'ont jamais cette allure rebondis, ils sont toujours trop raplapla à mon gout !!! peut-etre le coup de l'emporte pièce à ne pas tourner?

13 septembre, 2007 08:51  
Blogger Clo said...

à les voir je regrette toujours de ne pas encore avoir tenté l'aventure!!

13 septembre, 2007 09:12  
Blogger LILIBOX said...

Aie Aie , j'ai en commun 7 phobies ou repulsions .
C'est grave Docteur ??
Tes scones par contre me font subitement envie .
Une nouvelle addiction ??

13 septembre, 2007 10:08  
Anonymous Anonyme said...

Alors là c'est gonflé!!!! Je rate sans cesse mes scones!

13 septembre, 2007 10:14  
Blogger Flo said...

Il faut que j'en refasse et cette recette tombe à pic ;-)

Bizzz

13 septembre, 2007 10:20  
Anonymous Anonyme said...

Ils sont vraiment réussis, bravo !

13 septembre, 2007 10:47  
Blogger Clairechen said...

Un très beau billet on je me reconnais bien!!!
Tes peurs en ce qui concerne les scones étaient inutiles, tu les as "superbement" réussis!!!

13 septembre, 2007 11:02  
Anonymous Anonyme said...

Ahhhh des scones et ce sont des envies d'Angleterre qui surgissent, de longs moments passés dans des salons de thé...

13 septembre, 2007 11:39  
Anonymous Anonyme said...

juste des bisous pour apaiser des maux ;-)

13 septembre, 2007 12:00  
Anonymous Anonyme said...

Ton récit sonne juste et me rappelle tant de choses.Il m'arrive assez souvent de me dire aussi que pour rien au monde je ne voudrais faire une "marche arrière" et retraverser tout ça. Non que les soucis de maintenant sont moindres, ils sont différents mais , en ce qui me concerne, je les affronte différemment aussi.
Je te souhaite du courage, ces scones devraient déjà t'apporter un peu de réconfort, je parie qu'ils étaient parfaits!

13 septembre, 2007 13:13  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

Personne ne pourrait exprimer aussi bien ce que je ressens actuellement. Pas même moi...
Bises.

13 septembre, 2007 16:12  
Anonymous Anonyme said...

ah les scones, que du bonheur ces petites choses là....

13 septembre, 2007 17:12  
Anonymous Anonyme said...

Magiques, ces scones... même si ces exquises douceurs ne parviennent pas à abolir les difficultés existentielles, à refermer définitivement les blessures de la vie...il faut accepter (pas se résigner) et recommencer !

13 septembre, 2007 17:40  
Blogger annie dedicacessen said...

...
dentelle.
Me sens comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Porcelaine.

13 septembre, 2007 17:52  
Anonymous Anonyme said...

Merci Patoumi de parler de ce film que j'ai vu et revu, au titre volontariste (faux) "la vie ne me fait pas peur" ! avec le temps (et alors que le film est souvent très cruel), ce sont des scènes de complicité qui me reviennent : les filles qui volent un foetus momifié, leurs manigances pour sourire aux garçons qui leur plaisent...

13 septembre, 2007 22:33  
Anonymous Anonyme said...

Ils font envie tes scones. J'imagine qu'ils aident à affronter l'automne, la pluie, le froid, le changement d'heure, les frayeurs (Oh que je me reconnais dans les tiennes) et le reste.
Bises et courage!
Sonia

14 septembre, 2007 19:26  
Anonymous Anonyme said...

Belle consolation, mais toutes tes rêveries le sont au moins autant, pas pareilles, mais partageables par delà l'écran...

15 septembre, 2007 01:03  
Anonymous Anonyme said...

Tiens tu me donnes envie de me confier sur mon adolescence. Je me penche sur le sujet de suite. Et après, les scones.
Cela dit, par avance, je sens que ce sera moin porcelaine que toi (l'adolescence comme les scones). Etrange!

15 septembre, 2007 09:10  
Anonymous Anonyme said...

Comme ils ont bien gonflé, tu n'as d'autre choix que d'en refaire !

15 septembre, 2007 13:30  
Blogger maloud said...

C'est peut-être le côté un peu anglais de ma ville qui a fait des scones des incontournables de mes goûters depuis l'enfance.

16 septembre, 2007 18:57  
Anonymous Anonyme said...

Merci pour cette recette et
bravo pour ce billet plein d'émotions...
Bises et bonne soirée
Paola

16 septembre, 2007 19:31  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

Joyeux bloganniversaire :-)

16 septembre, 2007 23:37  
Anonymous Anonyme said...

Moi aussi j'avais une salopette en jean quand j'étais ado... je ne la quittais jamais !(et au passage, j'ai aussi très peur du pédiluve, que je tente à chaque fois d'enjamber avec autant de grâce qu'une autruche perchée sur des talons :))
Toutes mes félicitations pour ces scones parfaitement réussis ! (en même temps, je n'ai pas l'impression que tu rates grand-chose !)

16 septembre, 2007 23:59  
Blogger stef said...

très beau billet qui nous replonge dans notre passé...

18 septembre, 2007 14:17  
Anonymous Anonyme said...

Après avoir fait des scones à la purée d'amande, me voilà tentée de faire cette recette! Tes photos sont une vraie tentation!

18 septembre, 2007 20:30  
Blogger (les chéchés) said...

je sais, c'est bizarre de préparer des scones à 21h... mais l'envie était trop forte, ta recette trop jolie. alors voilà, ils sont sortis du four et tout l'appartement sent une douce odeur de beurre fondu...
alors merci, douce patoumi...

04 août, 2008 21:09  
Anonymous Anonyme said...

Inspirée par les Chéchés, je te piques la recette ! J'ai besoin de réconfort...

17 septembre, 2008 12:07  

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