mardi 24 avril 2007

Jane, Marcel, Simone et les autres, pour déguster le hachapuri de Nigella


Patrick, dont les conseils avisés concernant la cuisson des Saint-Jacques poêlées ont permis à G. de m'en régaler un soir avec une fricassée d'artichauts, m'a gentiment demandé de parler de livres et, comme j'ai toujours envié à Marie Darrieussecq cette anecdote où elle raconte que petite, elle mettait ses peluches en cercle et parodiait Apostrophe, je me plie avec plaisir à l'exercice. Enfin, un plaisir un peu torturé parce que ce genre de questionnaire est forcément réducteur et vous avez déjà un petit aperçu de ce que j'aime relire dans ma colonne de droite.
G. raille parfois gentiment ce qu'il juge être mon critère majeur de qualité littéraire; ainsi lorsque je repose un roman fulminant et pestant: "Complètement nul ce truc!", répond-il posément: "Quoi? Y a pas de scène de bal et personne ne boit de thé là-dedans?"
Peut-être n'ai-je pas la trempe d'une grande aventurière. J'ai coutume de dire que s'il se produisait une grande catastrophe écologique, je ne donnerais pas cher de mon humble peau, même si elle a survécu, il y a plus de vingt ans, à quelques camps de réfugiés.
J'ai un certain penchant pour les histoires "du quotidien", celles qui racontent juste des vies, des tensions, des rencontres, les réflexions d'un type dans sa salle de bain (mais il y mange des éclairs) ou les tortures de l'amour presque sèchement évoquées (mais il est aussi question d'éclairs, ceux que l'on va acheter pour un amoureux qui ne vient pas, et qui nous font reprocher à la boulangère d'avoir été trop lente parce que si ça se trouve, c'est précisément pendant qu'elle traînait à les emballer que l'amoureux a sonné). Vous voyez le genre. Vous êtes prévenus. L'introduction est un peu longue, je suis une fille assez lente, en général.

Les quatre livres de mon enfance.
Les aventures du petit Nicolas de Sempé et Gosciny Je sais qu'il s'agit en fait déjà de quatre livres mais cela illustre bien les propos préliminaires et le goût du quotidien. J'ai une petite préférence pour les vacances du petit Nicolas, je revois les huîtres recouvertes de chocolat chaud évoquées lors d'une sortie en bateau...
Les contes de Grimm Il y avait un diable au sourire pervers sur la version que j'en avais et pour la petite fille que j'étais, c'était le comble du sulfureux: imaginez un peu, une femme reçoit pour châtiment d'être enfermée nue dans un tonneau avec des clous dedans et que l'on fera dévaler d'une colline. Il ne faut pas lorgner sur le copain d'une autre.
Les malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur Il y est beaucoup question de nourriture (la crème, le pain bis, les pâtes de fruits...) Et puis comme j'avais, sans le vouloir, assasiné mes poissons rouges en renouvelant leur espace de vie avec de l'eau tiède (bouillis ils étaient après un tel traitement), j'étais bien contente qu'une autre petite fille, dont le prénom ressemble au mien (pas Patoumi, l'autre, le vrai) en ai charcuté quelques uns. En fait, cette scène me donnait faim.
Matilda de Roald Dahl parce que j'adore les petites filles qui adorent lire.

Les quatre écrivains que je lirai et relirai encore.
Jane Austen A cause des robes, des bals, des pique-niques, des cueillettes de fraises, les amours contrariées, l'humour, l'élégance...
Simone de Beauvoir Parce qu'il y a tant à lire! Entre les mémoires, les romans, la correspondance...
Hervé Guibert J'avais un peu moins de dix sept ans quand j'ai lu ses romans, j'avais mal au ventre, mal au coeur, c'est étrange, on dirait qu'il nous confie des secrets, doux, violents, toujours extrêmement bien écrits, c'est franc, et ça me donne parfois le vertige. Son journal est saisissant de force, d'élan et puis plein de tristesse. Tout ça mélangé. J'ai vu une photo de son bureau lors d'une expo au Musée de la photo de Paris et j'étais toute émue.
Marcel Proust Ce monsieur m'est extrêmement sympathique. Je trouve qu'il a le chic pour rendre passionnant une flaque d'eau. Et il est question de pique-nique en bord de mer et de petits sandwiches au fromage dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs (quel titre!)

Les quatre auteurs que je n'achèterai ou n'emprunterai probablement plus.
Santiago H. Amigorena Je trouve complètement ridicule de dire des trucs du genre: "J'étais tellement beau que les filles du lycée m'appelaient Viole-moi" Et la scène d'amour dans le basilic du jardin, n'en parlons pas.
Michel Houellebecq J'avais acheté Les particules... par curiosité et en fait, je n'en ai aucun souvenir, juste j'avais trouvé cela complètement inintéressant.
George Eliot J'ai lu Middlemarch et je pense qu'elle aurait pu faire plus court.
Molière Je trouve ça forcé et vulgaire.

Les quatre bouquins que j'emmènerai sur une île déserte.
L'atlas mondial de l'architecture contemporaine pour rêvasser et choisir au mieux ma destination de départ de cette fichue île déserte.
Le livre des mille et une nuits pour savoir si sa lecture sur le sable est aussi agréable que celle que me faisait G. à la lumière de bougies, sur un grand canapé noir.
Le Zibaldone de Giacomo Leopardi parce qu'il console de tous les chagrins (ceci dit, pour cela, il est en concurrence directe avec les romans que j'ai lus adolescente et publiés à L'école des loisirs; les histoires de Judy Blume qui aident à grandir, celles d'Agnès Désarthe... J'en achète même encore maintenant et si Sofia Coppola pense que toutes les jeunes filles devraient avoir lu Franny et Zoey, je pense que toutes les petites filles devraient lire Quatre soeurs de Malika Ferdjoukh).
Feast de Nigella Lawson parce que c'est l'un de mes anxiolytiques préférés.

Les (quatre fois quatre) derniers mots d'un de mes livres préférés.
Joker. Je ne peux pas résoudre à ça. Déjà que je trouve que les quatrièmes de couverture ne devraient pas exister, ou alors seulement si c'est l'auteur qui la rédige...

Les quatre premiers bouquins de ma liste de livres à lire ou à relire.
L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar pour voir si c'est aussi bien que Alexis et Anna, soror...
Ni toi ni moi de Camille Laurens dont j'ai lu les romans suite à une série d'émissions de France Culture sur le chagrin d'amour diffusée lors d'un été un peu pénible. Elle se demandait comment le garçon qu'elle aimait éperdument et qui venait de la quitter pouvait continuer à jouer au billard (ou au baby-foot, je ne sais plus très bien) alors qu'elle était prête à se mettre la tête dans le four de chagrin.
Jane Eyre de Charlotte Brönte pour savoir laquelle des soeurs je préfère.
Les séminaires de Jacques Lacan, parce que j'aimerais bien, un jour, que des gens viennent s'installer sur mon divan.

Les quatre lecteurs, lectrices dont j'aimerais connaître les quatre...
Eva, Estérelle, Aurélie, Grand Chef... si le coeur vous en dit et si vous avez le temps...

Sur mon île déserte et grâce à Nigella, je pourrai croquer quelques légumes fraîchement cueillis avec un morceau de hachapuri bien chaud. Le hachapuri est un pain géorgien fourré au fromage et il a préoccupé Mademoiselle Lawson pendant de nombreuses années: la pauvre n'arrivait à trouver une recette restituant le goût des hachapuris de là-bas. Jusqu'au jour où, alors qu'elle se promenait à Hackney dans l'est de Londres, elle tombe sur un café restaurant, Little Georgia et là, bim, elle déguste le hachapuri de ses rêves! La patronne du restaurant, Nana Eristavi, qui cuisine avec sa mémoire et son coeur, pas avec des livres de cuisine n'a pas voulu donner sa recette, mais elle a laissé Nigella l'observer en cuisine et prendre des photos. Chouette histoire, non?


Nana's hachapuri
Nigella donne les proportions pour faire un pain destiné à huit personnes, j'ai divisé les quantités par deux et je trouve qu'il y en a encore pour huit personnes!
Les proportions de fromages sont un peu effrayantes mais en fait, il y a juste ce qu'il faut. Je vous donne les quantités initiales (8 personnes nigellesques mais bien 16 personnes patoumesques)

Pour la pâte
-700g de farine
-500g de yaourt nature
-2 oeufs
-50g de beurre salé
-2 cuillères à café de levure

Pour la crème au fromage
-200g de ricotta
-200g de mozzarella
-600g de feta (j'ai mis du chèvre frais)
-1 oeuf

Préparer la pâte.
Pour cela, mélanger le yaourt et les oeufs.
Incorporer le beurre à la fourchette.
Ajouter progressivement la farine et travailler la pâte jusqu'à ce qu'elle forme une belle pâte bien lisse qui se détache du saladier.
Ajouter la levure et travailller encore un peu la pâte.
Laisser la reposer pendant que vous préparer la crème au fromage.
Couper la mozzarella en minuscules dés et mélanger tous les fromages avec l'oeuf pour obtenir un mélange bien homogène.
Sur un plan de travail fariné, séparer la pâte en deux morceaux et étaler chacun d'eux afin d'obtenir deux cercles d'environ 36 cm de diamètre.
Répartir la préparation au fromage sur l'un d'eux, rabattre l'autre par-dessus, sceller les bords avec une fourchette.
Faire cuire 15 à 20 minutes dans un four préchauffé à 220°
Déguster chaud.

D'autres délicieuses recettes de Nigella:
Le store-cupboard chocolate-orange cake
Le marzipan fruit cake
Le cherry-almond loaf cake

mardi 17 avril 2007

Introspection végétale et petits pâtés ensoleillés au thon

Puisque la personne qui m'a transmis ce questionnaire prend des bains de pieds à l'heublume et que par cette activité même démontre une certaine érudition quant à la botanique, j'ai un peu honte de la décevoir car moi, je suis nulle en botanique (vous allez finir par croire que je suis nulle en beaucoup de choses avec toutes ces inaptitudes avouées -le dessin, le port de chaussures compensées, le régime...- mais sachez que j'ai aussi quelques qualités, celle de faire de merveilleux cheesecakes par exemple), mais ce n'est pas grave car ce n'est pas au programme de l'internat (qui aura lieu dans sept semaines précisément, autant vous dire qu'il me faut de plus en plus de granola pour rester sereine) qui m'éloigne chaque jour des espaces verts et me retient dans cet autre environnement:

Alors, si j'étais...
...un arbre: un saule pleureur parce que c'est l'arbre préféré de G., et aussi parce qu'on peut se cacher dessous.
...un arbuste: un groseiller parce que ses fruits sont comme des rubis et que moi les bijoux, j'ose pas encore.
...une fleur: un lys, à cause d'Ophélie et des hallalis qu'on entend dans les bois lointains.
...une herbe sauvage: l'ortie, parce qu'elle gratte mais qu'entre des mains expérimentées elle peut guérir et même, devenir du très bon pâté végétal!
...une plante aquatique: un nénuphar, comme celui, gracile, perdu entre les pierres grises d'un temple sri lankais. C'étaient des vacances d'automne, attendues avec impatience pendant tout l'été. Pour diverses raisons, G. était parti une semaine avant moi et j'avais donc à prendre l'avion toute seule pour une destination lointaine, ce qui ne m'était encore jamais arrivé. Ce weekend-là, j'ai appris la mort de Françoise Sagan en traînant dans les kiosques de l'aéroport. J'avais acheté Libé et je l'ai précieusement conservé pendant tout le voyage entre les pages de mon journal, couverture violette à cette époque. J'étais un peu angoissée à l'idée de prendre l'avion toute seule, affronter les escales, rester silencieuse alors qu'il y aurait tant à dire. J'étais un peu triste aussi, il y avait beaucoup de couples autour de moi qui voyageaient dans une tendre complicité et j'aurais voulu m'endormir sur l'épaule de G. A l'aéroport d'Abu Dhabi, vaste champignon multicolore déployant de longues tentacules menant à chacune des portes d'embarquement, j'ai déambulée dans une sorte d'état second entre les allées des enseignes de luxe et je me souviens avoir feuilleté des livres de cuisine de Jamie Oliver (ce qui m'a toujours interessée davantage que les diamants). Comme l'avion devait aterrir à Colombo, la capitale du Sri Lanka, alors que G. serait déjà à Kandy, à deux heures de voiture de là, il avait prévu un taxi que j'avais voulu le plus sérieux possible: comme j'ai l'imagination prolixe, j'avais peur d'être enlevée pour la fortune que je n'avais pas. Ainsi G. avait-il fait appel à une très distinguée compagnie de taxis et après avoir répondu à un interrogatoire serré à la sortie de l'aéroport, j'ai vu mon comité d'accueil (deux hommes en costume et une dame souriante en sari) m'attendre avec une pancarte où il était inscrit Miss Patoumi avec les petits coeurs de rigueur. Il faut croire que je me sentais en parfaite sécurité dans la longue voiture qui m'a emmenée jusqu'à l'hôtel de G.: j'ai dormi pendant la moitié du trajet. Je me souviens avec une précision infinie comme mon coeur a ensuite bondi de joie quand j'ai vu G. dévaler l'escalier qui menait au hall où j'attendais fébrilement devant la réception sous les énormes ventilateurs suspendus.
...un animal du jardin: un papillon parce que c'est très moche au stade de chenille et qu'on ne s'attendait pas à ce que cette vilaine bête gluante qui rampe devienne un jour ce gracieux modèle de légèreté coloré et insaisissable.
...une saison: l'automne parce que le dimanche après-midi, même (et surtout) s'il pleut un peu, on va se balader avec le ciré blanc et les bottes en caoutchouc bleu dans la forêt de Brocéliande qui mélange alors les ors, les roux, les verts sombres et les bruns profonds. Et puis quand on rentre, il y a du thé bien chaud avec des tartines ou un gâteau.
Et pour le fruit, l'épice, l'herbe aromatique, c'est par ici!

Mais l'automne, c'est dans plusieurs mois. Pour être davantage en adéquation avec les beaux jours qui s'annoncent, je vous propose une recette de petits pâtés froids au thon subtilement parfumés au gingembre bien que la tonalité générale soit plutôt provençale. G. aime bien parfois feuilleter avec moi des livres de cuisine le soir sur le canapé et marquer de petits post it les recettes qui lui font envie. C'est en tournant les pages du beau livre de Catherine Quévremont que nous avons été tentés par ces petits pâtés. Ils sont légers, fondants et plein de goût!


Les petits pâtés au thon ensoleillés
Pour 4 personnes, en entrée
-400g de thon (j'avais du thon frais à utiliser mais du thon en boîte au naturel ira très bien aussi)
-3 gousses d'ail
-2 tomates
-du thym et du laurier
-10cL de vin blanc
-3 tranches de pain de mie complet écroûtées trempées dans un peu de lait
-4 cives
-un gros pouce de gingembre passé au presse ail
-1 cuillère à soupe rase de maïzena
-2 oeufs
-de l'huile d'olive, du sel, du poivre du moulin

Faire revenir dans l'huile d'olive l'ail émincé.
Quand il commence juste à colorer, ajouter les tomates, le thym et le laurier.
Laisser cuire sur feu moyen quelques minutes puis ajouter le thon en morceaux.
Mélanger et verser le vin blanc.
Laisser cuire une dizaine de minutes.
Dans votre mixeur préféré, rassembler le mélange précédent (en ayant soin d'ôter le thym et le laurier) et le pain de mie essoré. Mixer grossièrement.
Verser dans un saladier et ajouter les cives émincées, le gingembre, les oeufs et la maïzena.
Mélanger puis répartir dans des ramequins.
Faire cuire vingt minutes dans un four préchauffé à 180°.
Laisser refroidir avant de placer au frigo trois bonnes heures.

jeudi 12 avril 2007

Le goût des classiques, la crème renversée à tomber de Monsieur Conticini

Quand j'étais à la maternelle, je ne faisais pas qu'illustrer la disparition de Daniel Balavoine dans des petits cahiers carrés (ceci est un souvenir très précis, comme la petite brique de lait que l'on nous distribuait à dix heures, les matelas recouverts de vichy rose ou bleu pour faire la sieste -quel ennui!-, les pépins de pommes que je plantais délicatement au pied d'un gros tronc en espérant un jour récolter des pommes sur mon propre pommier. Nous avions donc des petits cahiers, le mien était rose, et nous recopiions chaque jour extrêmement consciencieusement la petite phrase écrite par la maîtresse et sensée illustrer "l'ambiance" du moment. Sur la page d'à côté, il fallait illustrer le propos, et pour Daniel Balavoine, j'avais dessiné un désert, avec un cactus, un gros soleil et une voiture un peu bancale. Les vaches n'étaient pas encore passées par là), il m'arrivait aussi de déjeuner à la cantine. Ces repas étaient considérés par ma maman comme une sorte d'expédition sociologique, j'avais pour mission de rapporter des informations sur les modes alimentaires occidentaux. Ainsi fut-elle très étonnée d'apprendre qu'en France, on servait aux enfants du lapin, avec des pruneaux et de la purée de pommes de terre (cela devait être un jour de fête). J'appris aussi à ma maman l'existence du cervelas (je disais "cerf-volant"), de la langue de boeuf sauce madère avec ses macaronis trop cuits (argh, ça c'était infâme) et de la macédoine de légumes qui restait pour moi un mystère, je disais: "C'est comme du pourri!" Bon, à bien y repenser, cette cantine, c'était un peu la détresse des papilles. Mais pour ma maman, qui aimait déjà acheter des magazines de cuisine, ça donnait une petite idée de ce qui se faisait dans les chaumières. Elle a mis quelques temps à se décider à cuisiner des plats "occidentaux", elle s'y attelait avec beaucoup de concentration et une curiosité qui me fait affectueusement sourire quand j'y repense. Quand on n'en a jamais mangé, c'est passionnant de préparer des paupiettes ou une ratatouille ou une sauce bolognaise (avec des boulettes! J'adorais ça). C'était un vrai bonheur de déguster un jour des bahn çao, ces crêpes à la farine de riz colorées au curcuma et fourrées d'un mélange de porc haché, d'oignons, de crevettes, de germes de soja, et puis le lendemain, hop, du poulet basquaise.
Si ma maman s'est beaucoup interessée au salé d'ici, elle a quelque peu délaissé le sucré (quoiqu'elle m'ait dit il y a quelques jours s'être achetée des moules à financiers) et si je me souviens de son plaisir à déguster une tarte aux pommes faites de ses blanches mains, je me rappelle surtout de sa glace à la noix de coco, des beignets de petites bananes et des petits gâteaux à la citrouille, cuits à la vapeur dans des feuilles de bananiers. Ainsi suis-je toujours enchantée de goûter des pâtisseris "maison" faites par d'autres mamans ou mamies, d'autant plus que j'ai davantage d'appétence pour les gâteaux classiques (une belle tarte au citron bien acidulée, un éclair au chocolat bien dodu, un clafoutis au cerises...) que pour les étranges gâteaux gélatineux à couches multicolores que l'on trouve malheureusement dans de trop nombreuses pâtisseries rennaises.

Quand à Noël j'ai reçu le très beau livre de Philippe Conticini (dont j'aime beaucoup le ton et la gourmandise et dont Cathy vante si bien les vertus), j'ai tout de suite été tentée par les recettes un peu "rustiques" de desserts, celles qui ont un goût de "maman". Après avoir expérimenté le pain d'épices exotique et léger qui est un vrai délice et m'a fait d'une bouchée oublier un souvenir écoeurant de pain d'épices Vandamme beurré que j'avais été obligée d'ingurgiter chez une amie, j'ai tenté sa version de la classique crème renversée et c'est un fait, elle est à tomber!

La crème renversée à tomber par terre de Philippe Conticini

Pour six personnes (six ramequins de huit cm de diamètre)
Pour la crème
-1 litre de lait demi-écrémé
-5 oeufs entiers
-3 jaunes d'oeuf
-150g de sucre (j'ai utilisé du rapadura en souvenir d'une crème géante au mascovado dégustée un soir à l'Arsouille après une très enuyeuse pièce de Fassbinder dans un théâtre glacial, d'où la nécessité de réconfort par la suite)
-2 gousses de vanille fendues en deux et grattées

Pour le caramel
-200g de sucre semoule
-4 cuillérées à soupe d'eau

La veille, faire bouillir le lait avec la vanille et laisser infuser toute la nuit à couvert.
Le lendemain, refaire chauffer le lait et pendant ce temps, fouetter les oeufs, les jaunes et le sucre pendant trente secondes.
Verser le lait infusé sur ce mélange (après avoir retiré les gousses de vanille), mélanger et laisser reposer le temps de préparer le caramel.
Pour cela, mettre l'eau et le sucre sur feu moyen et laisser fondre tranquillement. Après ébullition, passer à feu vif et laisser cuire le sucre jusqu'à ce qu'il soit "blond soutenu". Le répartir aussitôt dans les ramequins.
Retirer délicatement la petite écume qui s'est formée à la surface de la crème et la répartir dans les ramequins disposés dans un grand plat destiné à faire office de bain marie.
Recouvrir le plat d'une feuille d'aluminium et faire cuire 1 heure dans un four préchauffé à 140°.
Après complet refroidissement, laisser les crèmes filmées une douzaine d'heure au réfrigérateur.
Déguster avec le sourire.

vendredi 6 avril 2007

Les nuits sans sommeil, coke en stock d'où cocacolasia roast chicken

Peut-être qu'il vous arrive, à vous aussi, de passer une grande partie de vos nuits sans dormir. Alors vous connaissez ce moment d'angoisse quand on sent que le marchand de sable est parti en vacances à Bora Bora et qu'il n'est pas prêt de remonter dans un quelconque avion; lui succède la phase d'exaspération où l'on voudrait que ce symptôme disparaisse à jamais et même qu'on serait prêt à renoncer à manger du cheesecake toute sa vie durant pour cela; enfin arrive la phase de résignation où l'on se convainc, épuisé mais malheureusement pas ensommeillé, qu'il faut juste être patient.
Alors, pour me distraire, j'établis des menus pour des invités qui ne viendront jamais dîner, genre Frédéric Chopin, Lady Chatterley, Hervé Guibert, Petit Vampire, Marguerite Duras, les deux Alice, Little Miss Greedy et mon invité favori en ce moment, Vincent D.


Pour varier les plaisirs, je fais aussi d'interminables listes aux thèmes souvent improbables, comme le palmarès des boulangeries qui vendent le meilleur croissant ou, dans le même ordre d'idée, mes petits déjeuners favoris. Je précise qu'il ne m'est pourtant jamais arrivé de me lever pour aller faire un tour dans la cuisine et ouvrir le placard de la débauche, celui qui contient tous les chocolats, les biscuits, et parfois même du nutella et des krisprolls au blé complet.
J'aime bien penser aussi à ce que j'ai pu croiser au détour de ballades furtives et qui me fait envie: des cahiers de la marelle en papier, un pull rayé avec des petits boutons sur l'épaule gauche, des histoires d'ados, des carnets qui donnent envie de voyager...
En ce moment, en écoutant la respiration calme et tranquille de G. perdu dans ses rêves, je me demande ce que je vais concocter pour son anniversaire, tout proche désormais. J'ai quelques idées...
Inévitablement je finis par penser à l'internat et c'est étrange comme on ne se souvient que difficilement, au beau milieu de la nuit, de la prise en charge adaptée d' une crise d'asthme aigu grave. Si le bureau n'était pas aussi loin, je ferais comme en première année, j'allumerais la petite lampe et je compulserais fiévreusement les fiches en question.
Quand j'étais petite et que je ne trouvais pas le sommeil, j'allumais ma lampe de chevet avec son abat-jour rose, je buvais une gorgée d'eau fraîche dans le petit verre en plastique jaune protégé par un couvercle en forme de soleil posé gentiment par mes parents sur le siège Tam Tam blanc au moment de me dire bonne nuit (cet instant était à la fois délicieux et angoissant: j'avais souvent peur qu'ils meurent avant l'aube) et je lisais des Tintin. J'ai appris à lire avec L'étoile mystérieuse, j'avais peur des Sept boules de cristal, j'aimais par dessus tout Tintin au Tibet et Tintin au Pays de l'Or noir.
Et Coke en stock alors?
Et bien il y avait dans le réfrigérateur une canette de Coca que personne ne boirait jamais à cause de sa non lightitude. Il était temps de penser au recyclage.
Je sais que Fegh propose une inavouable recette de poulet au coca mais pour celui-là, je me suis inspirée d'une recette du dernier Régal, qui me plaisait bien avec ses parfums de gingembre et de piment. Pour être honnête, le coca n'a pas grand intérêt dans cette recette (si ce n'est celui de faire de la place dans le frigo) et je pense qu'on peut le remplacer avec bonheur par trois cuillères à soupe de sirop d'érable.

Cocacolasia roasted chicken
-un poulet de votre volailler préféré, le nôtre pesait 1,5kg
-12cL de sauce soja
-3/4 d'une canette de coca ou trois cuillères à soupe de sirop d'érable
-1 cuillère à café de miel
-le jus d'un citron vert
-2 cuillères à soupe d'huile de sésame
-un gros pouce de gingembre en lamelles
-un piment rouge en petits morceaux
-3 échalotes
-4 gousses d'ail passées au presse ail
-4 carottes taillées en batonnets

Dans le plat où va cuire l'oiseau, mélanger tous les ingrédients, sauf les carottes.
Bien en recouvrir le poulet, dessus, dedans, partout. Laisser un peu de gingembre et une échalote à l'intérieur.
Ajouter les carottes.
Faire cuire un une heure et demie dans un four préchauffé à 200° en arrosant l'oiseau aussi souvent que vous y penserez.
Le poulet cuit ainsi est terriblement parfumé, c'était très bon avec un peu de riz mais je crois que j'ai encore préféré la version du lendemain, en sandwich avec de la moutarde, des cornichons, de la salade bien croquante et des rondelles de tomates.
J'ai pris la photo en quatrième vitesse dans le bureau de G., toute impatiente de goûter!