mardi 24 avril 2007

Jane, Marcel, Simone et les autres, pour déguster le hachapuri de Nigella


Patrick, dont les conseils avisés concernant la cuisson des Saint-Jacques poêlées ont permis à G. de m'en régaler un soir avec une fricassée d'artichauts, m'a gentiment demandé de parler de livres et, comme j'ai toujours envié à Marie Darrieussecq cette anecdote où elle raconte que petite, elle mettait ses peluches en cercle et parodiait Apostrophe, je me plie avec plaisir à l'exercice. Enfin, un plaisir un peu torturé parce que ce genre de questionnaire est forcément réducteur et vous avez déjà un petit aperçu de ce que j'aime relire dans ma colonne de droite.
G. raille parfois gentiment ce qu'il juge être mon critère majeur de qualité littéraire; ainsi lorsque je repose un roman fulminant et pestant: "Complètement nul ce truc!", répond-il posément: "Quoi? Y a pas de scène de bal et personne ne boit de thé là-dedans?"
Peut-être n'ai-je pas la trempe d'une grande aventurière. J'ai coutume de dire que s'il se produisait une grande catastrophe écologique, je ne donnerais pas cher de mon humble peau, même si elle a survécu, il y a plus de vingt ans, à quelques camps de réfugiés.
J'ai un certain penchant pour les histoires "du quotidien", celles qui racontent juste des vies, des tensions, des rencontres, les réflexions d'un type dans sa salle de bain (mais il y mange des éclairs) ou les tortures de l'amour presque sèchement évoquées (mais il est aussi question d'éclairs, ceux que l'on va acheter pour un amoureux qui ne vient pas, et qui nous font reprocher à la boulangère d'avoir été trop lente parce que si ça se trouve, c'est précisément pendant qu'elle traînait à les emballer que l'amoureux a sonné). Vous voyez le genre. Vous êtes prévenus. L'introduction est un peu longue, je suis une fille assez lente, en général.

Les quatre livres de mon enfance.
Les aventures du petit Nicolas de Sempé et Gosciny Je sais qu'il s'agit en fait déjà de quatre livres mais cela illustre bien les propos préliminaires et le goût du quotidien. J'ai une petite préférence pour les vacances du petit Nicolas, je revois les huîtres recouvertes de chocolat chaud évoquées lors d'une sortie en bateau...
Les contes de Grimm Il y avait un diable au sourire pervers sur la version que j'en avais et pour la petite fille que j'étais, c'était le comble du sulfureux: imaginez un peu, une femme reçoit pour châtiment d'être enfermée nue dans un tonneau avec des clous dedans et que l'on fera dévaler d'une colline. Il ne faut pas lorgner sur le copain d'une autre.
Les malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur Il y est beaucoup question de nourriture (la crème, le pain bis, les pâtes de fruits...) Et puis comme j'avais, sans le vouloir, assasiné mes poissons rouges en renouvelant leur espace de vie avec de l'eau tiède (bouillis ils étaient après un tel traitement), j'étais bien contente qu'une autre petite fille, dont le prénom ressemble au mien (pas Patoumi, l'autre, le vrai) en ai charcuté quelques uns. En fait, cette scène me donnait faim.
Matilda de Roald Dahl parce que j'adore les petites filles qui adorent lire.

Les quatre écrivains que je lirai et relirai encore.
Jane Austen A cause des robes, des bals, des pique-niques, des cueillettes de fraises, les amours contrariées, l'humour, l'élégance...
Simone de Beauvoir Parce qu'il y a tant à lire! Entre les mémoires, les romans, la correspondance...
Hervé Guibert J'avais un peu moins de dix sept ans quand j'ai lu ses romans, j'avais mal au ventre, mal au coeur, c'est étrange, on dirait qu'il nous confie des secrets, doux, violents, toujours extrêmement bien écrits, c'est franc, et ça me donne parfois le vertige. Son journal est saisissant de force, d'élan et puis plein de tristesse. Tout ça mélangé. J'ai vu une photo de son bureau lors d'une expo au Musée de la photo de Paris et j'étais toute émue.
Marcel Proust Ce monsieur m'est extrêmement sympathique. Je trouve qu'il a le chic pour rendre passionnant une flaque d'eau. Et il est question de pique-nique en bord de mer et de petits sandwiches au fromage dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs (quel titre!)

Les quatre auteurs que je n'achèterai ou n'emprunterai probablement plus.
Santiago H. Amigorena Je trouve complètement ridicule de dire des trucs du genre: "J'étais tellement beau que les filles du lycée m'appelaient Viole-moi" Et la scène d'amour dans le basilic du jardin, n'en parlons pas.
Michel Houellebecq J'avais acheté Les particules... par curiosité et en fait, je n'en ai aucun souvenir, juste j'avais trouvé cela complètement inintéressant.
George Eliot J'ai lu Middlemarch et je pense qu'elle aurait pu faire plus court.
Molière Je trouve ça forcé et vulgaire.

Les quatre bouquins que j'emmènerai sur une île déserte.
L'atlas mondial de l'architecture contemporaine pour rêvasser et choisir au mieux ma destination de départ de cette fichue île déserte.
Le livre des mille et une nuits pour savoir si sa lecture sur le sable est aussi agréable que celle que me faisait G. à la lumière de bougies, sur un grand canapé noir.
Le Zibaldone de Giacomo Leopardi parce qu'il console de tous les chagrins (ceci dit, pour cela, il est en concurrence directe avec les romans que j'ai lus adolescente et publiés à L'école des loisirs; les histoires de Judy Blume qui aident à grandir, celles d'Agnès Désarthe... J'en achète même encore maintenant et si Sofia Coppola pense que toutes les jeunes filles devraient avoir lu Franny et Zoey, je pense que toutes les petites filles devraient lire Quatre soeurs de Malika Ferdjoukh).
Feast de Nigella Lawson parce que c'est l'un de mes anxiolytiques préférés.

Les (quatre fois quatre) derniers mots d'un de mes livres préférés.
Joker. Je ne peux pas résoudre à ça. Déjà que je trouve que les quatrièmes de couverture ne devraient pas exister, ou alors seulement si c'est l'auteur qui la rédige...

Les quatre premiers bouquins de ma liste de livres à lire ou à relire.
L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar pour voir si c'est aussi bien que Alexis et Anna, soror...
Ni toi ni moi de Camille Laurens dont j'ai lu les romans suite à une série d'émissions de France Culture sur le chagrin d'amour diffusée lors d'un été un peu pénible. Elle se demandait comment le garçon qu'elle aimait éperdument et qui venait de la quitter pouvait continuer à jouer au billard (ou au baby-foot, je ne sais plus très bien) alors qu'elle était prête à se mettre la tête dans le four de chagrin.
Jane Eyre de Charlotte Brönte pour savoir laquelle des soeurs je préfère.
Les séminaires de Jacques Lacan, parce que j'aimerais bien, un jour, que des gens viennent s'installer sur mon divan.

Les quatre lecteurs, lectrices dont j'aimerais connaître les quatre...
Eva, Estérelle, Aurélie, Grand Chef... si le coeur vous en dit et si vous avez le temps...

Sur mon île déserte et grâce à Nigella, je pourrai croquer quelques légumes fraîchement cueillis avec un morceau de hachapuri bien chaud. Le hachapuri est un pain géorgien fourré au fromage et il a préoccupé Mademoiselle Lawson pendant de nombreuses années: la pauvre n'arrivait à trouver une recette restituant le goût des hachapuris de là-bas. Jusqu'au jour où, alors qu'elle se promenait à Hackney dans l'est de Londres, elle tombe sur un café restaurant, Little Georgia et là, bim, elle déguste le hachapuri de ses rêves! La patronne du restaurant, Nana Eristavi, qui cuisine avec sa mémoire et son coeur, pas avec des livres de cuisine n'a pas voulu donner sa recette, mais elle a laissé Nigella l'observer en cuisine et prendre des photos. Chouette histoire, non?


Nana's hachapuri
Nigella donne les proportions pour faire un pain destiné à huit personnes, j'ai divisé les quantités par deux et je trouve qu'il y en a encore pour huit personnes!
Les proportions de fromages sont un peu effrayantes mais en fait, il y a juste ce qu'il faut. Je vous donne les quantités initiales (8 personnes nigellesques mais bien 16 personnes patoumesques)

Pour la pâte
-700g de farine
-500g de yaourt nature
-2 oeufs
-50g de beurre salé
-2 cuillères à café de levure

Pour la crème au fromage
-200g de ricotta
-200g de mozzarella
-600g de feta (j'ai mis du chèvre frais)
-1 oeuf

Préparer la pâte.
Pour cela, mélanger le yaourt et les oeufs.
Incorporer le beurre à la fourchette.
Ajouter progressivement la farine et travailler la pâte jusqu'à ce qu'elle forme une belle pâte bien lisse qui se détache du saladier.
Ajouter la levure et travailller encore un peu la pâte.
Laisser la reposer pendant que vous préparer la crème au fromage.
Couper la mozzarella en minuscules dés et mélanger tous les fromages avec l'oeuf pour obtenir un mélange bien homogène.
Sur un plan de travail fariné, séparer la pâte en deux morceaux et étaler chacun d'eux afin d'obtenir deux cercles d'environ 36 cm de diamètre.
Répartir la préparation au fromage sur l'un d'eux, rabattre l'autre par-dessus, sceller les bords avec une fourchette.
Faire cuire 15 à 20 minutes dans un four préchauffé à 220°
Déguster chaud.

D'autres délicieuses recettes de Nigella:
Le store-cupboard chocolate-orange cake
Le marzipan fruit cake
Le cherry-almond loaf cake

19 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Le questionnaire pour moi! le pain pour moi! On va essayer de trouver le temps pour tout ça...

Ah Jane Austen... ma femme adore, elle est toujours tordue de rire en la lisant, alors que j'ai longtemps cru que c'était une auteur de bluettes!

25 avril, 2007 12:02  
Blogger Gracianne said...

Patoumi, tu es une romantique du quotidien :0
L'oeuvre au noir, c'est...encore mieux que tous les autres.

25 avril, 2007 13:30  
Blogger Unknown said...

Bon, me v'là bien ! Leopardi, OK, l'agrume, aussi, et j'adore Jean-Philippe Toussaint...Quant à l'oeuvre au noir, c'est dans mon top ten... je ne supporte pas Houellbecq non plus... Ouf il n'y ni Perec ni Giono dans la liste alors je vais pouvoir m'atteler à la réponse, mais ca risque de prendre du temps :-)

25 avril, 2007 14:33  
Blogger Rosa's Yummy Yums said...

Très appétissant! Moi aussi j'ai testé cette recette et ce fut un vrai succès...

25 avril, 2007 14:49  
Anonymous Anonyme said...

J'adore ton anxiolytique!

25 avril, 2007 16:21  
Anonymous Anonyme said...

Rien que l'idée de devoir réfléchir à une sélection de livres me ravit ... mais me demande également un travail considérable : comment choisir, selon quels critères, il n'en faut que quatre à chaque fois, tu m'as donné de quoi m'occuper le temps d'un week-end, au moins !

Les proportions de ce pains me semblent en effet gigantesques mais on a surtout envie de le couper et de découvrir l'intérieur.

A très vite,
Eva

25 avril, 2007 17:50  
Anonymous Anonyme said...

Gracianne a raison, romantique du quotidien, ça te va bien, et ce hachapuri, il me fait complètement craquer, encore de la comfort food !
(pour les livre de l'enfance, nous en avons 3 en commun, c'est amusant )

26 avril, 2007 07:49  
Blogger Alhya said...

Je suis bien contente que ce questionnaire tourne ainsi... il m'avait été transmis par un copain de la blogosphère littéraire et je l'avais balancé à Patrick, il a TRES bien fait de te le transmettre.. beaucoup à dire, de points communs sur les bouquins d'enfance et des découvertes aussi, à confirmer en allant les piocher dans une virée très longue, dans ma librairie préférée

26 avril, 2007 13:18  
Anonymous Anonyme said...

Merci beaucoup d'avoir pris le temps de répondre, çà valait le coup; j'ai beaucoup aimé tes livres, et découvert un bon nombre à lire. Comme toi, je suis impatient de connaître les réponses d'Estérelle, compte sur moi pour la motiver à la première occasion ;-))

27 avril, 2007 12:01  
Anonymous Anonyme said...

Réhabilitons les spécialités géorgiennes méconnues! A ce propos, "Un roman russe" d'Emmanuel Carrère est une lecture fascinante, si jamais tu as l'occasion.

28 avril, 2007 10:37  
Anonymous Anonyme said...

Ta recette me plait beaucoup. Je vais garder les doses que tu indiques.

28 avril, 2007 19:53  
Anonymous Anonyme said...

"forcé et vulgaire" molière.

euh.
euh, quoi.

outrancier et vulgaire ? la farce est faite pour. la caricature. la force est là aussi. oh... déjà que je me traînais une tristesse ! là, ça va pas m'arranger. de savoir que tu puisses penser ça et que je n'aie pas de temps, de proximité suffisante pour te convaincre du contraire. te dire quoi ? je sais pas... dans "vulgaire" il y a le peuple, pour le peuple, éveiller les consciences, dénoncer, sous le rire les drames, ça c'est fortiche ! trop facile de faire pleurer avec des choses futiles, pas facile de faire rire avec la vie toute nue. ça me navre que tu décides volontairement de te passer de lui. mais bon.

sinon je ne dis pas que je ne testerai pas le pain si un jour l'envie de cuisiner puis publier ma cuisine me revient.

30 avril, 2007 13:05  
Blogger patoumi said...

Annie,
Je crois que même si tu avais le temps, tu ne pourrais pas me convaincre de changer d'avis sur Molière. J'ai lu pas mal de pièces de lui, j'ai joué dans "Les fourberies de Scapin" (ok c'était en classe option théâtre mais bon), j'ai disserté sur "Errance et vertige dans le Misanthrope" et je persiste et signe, ce ton, ce verbe et ces personnages ne me parlent pas du tout. Ce n'est pas tant le fond (même si, pour prendre conscience de la réalité d'une époque, je préfère lire des biographies) que la forme qui me déplait, je n'y peux rien et je ne crois pas que l'on puisse forcer quelqu'un à aimer quelque chose.
En plus, je ne trouve pas ça drôle, justement parce que ce n'est pas très subtil, ni comme les choses sont dites, ni comme les situations s'enchaînent.
Bon, de toute façon je pense qu'on ne peut pas s'entendre là-dessus; juste, je voulais te dire que j'avais bien compris qu'il s'agissait de farce, mais je crois que je n'aime pas ça et ce n'est pas pour ça que je ne suis pas du côté du peuple.
Sinon, effectivement, le goût du hachapuri sortant du four en vaut la peine.

30 avril, 2007 17:28  
Blogger LILIBOX said...

le hachapouri , c'est délicieux au sortir du four .
Quand on ne connait , la surprise du fromage fondu à l'intérieur est totale .
J'aime beaucoup ce pain .
Merci de l'avoir mis à l'honneur

04 mai, 2007 17:18  
Anonymous Anonyme said...

Ai répondu en sautant quelques lignes au questionnaires que tu m'as transmis ... on a des références communes et je n'ai pas osé cité Valérie Mréjen que j'apprécie beaucoup. As-tu découvert son dernier (avec le DVD) Pork and Milk ?

http://enviedavril.typepad.fr/weblog/2007/05/le_livre_et_le_.html

09 mai, 2007 18:37  
Anonymous Anonyme said...

si tu aimes les romans qui parlent du quotidien, avec simplicité et sincérité, je te conseille Douglas Kennedy, je n'en ai lu que deux pour le moment, mais te recommande "Les charmes discrets de la vie conjugale"... c'est étonnant de réalisme.

10 mai, 2007 18:35  
Anonymous Anonyme said...

Bien, j'ai du pain sur la planche avec ce questionnaire ! On va essayer, ce ne sera pas aussi savamment dit que toi mais on va essayer...
Quant à ta recette, je ne connaissais pas et je meurs d'envie de goûter cette merveille !

16 mai, 2007 19:18  
Blogger Hélène (Cannes) said...

ALors Feast, ça vaut vraiment le coup ? Anxiolytique mais pas soporifique, hein ? Je vais aller voir ça de plus près ... Bon, la quantité de fromage, tu as raison, ça fait peur ... Mais faut c'qui faut ... Je note ça dans un coin de ma petite tête ... et de mon cahier ! ;o)
Bises
Hélène

02 octobre, 2007 19:16  
Blogger Marine said...

Nous avons les mêmes goût en ce qui concerne les lectures d'enfances...j'ajouterai aussi "Charlie et la Chocolaterie" avec la rivière de chocolat fondu...

24 octobre, 2012 20:10  

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