lundi 5 mars 2007

Conversation de salon et autres plaisirs immédiats

Comme la route est longue de Toulouse à Biarritz, G. s'est arrêté à mi-chemin pour acheter des madeleines au citron. Elles avaient une bosse à faire pâlir d'envie certains grands chefs mais un goût citronné qui rappelait un peu trop certains produits destinés à rafraîchir les toilettes des collectivités. Pour lui faire oublier cette déception (prévisible je vous l'accorde, mais on est toujours un peu moins lucide en vacances, on préfère penser que la vie est surprenante et belle et qu'ainsi, des madeleines annoncées comme "artisanales" vendues sur une aire d'autoroute pourraient rivaliser avec celles faites avec amour à la maison), je lui rappelai que sitôt arrivés à destination nous n'aurions qu'à faire une petite balade jusqu'à une certaine adresse que certains se refilent sous le manteau en la comparant à une annexe Laduréenne pour déguster un délicieux goûter dans une ambiance qu'aurait certainement apprécié Marie-Antoinette. Cela lui redonna du courage et, en apercevant au loin quelques massifs pyrénéens, il se mit à évoquer de futures randonnées en raquettes pour des vacances prochaines.
Quand la voiture a longé la plage des Basques pour arriver à l'hôtel Beaulieu (nous descendons toujours dans le même hôtel. Les gens qui le tiennent sont très gentils, on se sent comme en famille mais avec une saine distance. Ils sont extrêmement prévenants tout en étant fort discrets. Si j'ajoute que les chambres sont d'une proprété irréprochable, que plusieurs offrent une très belle vue sur mer et que les prix sont très corrects, vous n'aurez pas d'excuse pour descendre dans un autre hôtel si l'envie vous vient d'aller à Biarritz), nous avons vu avec une excitation mêlée d'une petite inquiétude inexplicable (puisque nous étions à l'abri; mais peut-être pensions-nous quelque part à des catastrophes climatiques lointaines auxquelles nous avions échappées) l'océan soulevé de vagues gigantesques, des gros rouleaux se déployant comme autant de gueules béantes de monstres mythologiques.
Mais l'heure du goûter était déjà bien avancée. Après avoir découvert notre très chouette chambre avec une vue imprenable sur le rocher de la Vierge (quand j'avais vu Le rayon vert la première fois, je ne connaissais pas encore G., je n'étais donc jamais allée à Biarritz et je n'avais donc pas compris que Delphine, l'inénarrable célibataire végétarienne de ce film se promène auprès d'endroits au nom aussi évocateur que le rocher de la Vierge ou la chambre d'amour), nous avons remonté une rue, dévalé une autre, jeté un oeil aux vitrines et commenté le confort potentiel d'une paire d'espadrilles fût-elle rose bonbon munie de rubans vieux rose, regardé quelques quatrièmes de couvertures chez une antiquaire-bouquiniste puis nous sommes arrivés à Miremont où nous avons pris place à l'étage parce qu'il y avait beaucoup de monde. En montant l'escalier, j'ai vu une jeune femme ressemblant étrangement à Amira Casar ajouter une cuillère de chantilly sur son chocolat chaud et une sensation de douce volupté m'a envahit.
Quand vous arrivez à Miremont, vous êtes accueillis par de gentilles serveuse en uniforme (jupe bleu marine, chemise blanche finement rayée) qui vous laissent tranquillement choisir votre table. Si vous avez de la chance, vous aurez une très belle vue sur l'océan. Mais pour vous accueillir, il y a aussi une très belle vitrine de douceurs: des viennoiseries délicieusement feuilletées, des gâteaux très simples -choux à la crème, roulés au citron, éclairs, gâteaux basques, tarte aux pommes, aux framboises, au citron- et d'autres plus sophistiqués où il est question de mousses diversement parfumées, de crème chiboust et de délicates dacquoises. Il y a aussi une vitrine de chocolats et des petites étagères où s'alignent avec harmonie des boîtes de thé aux couleurs de la maison et de jolis pots de confiture.
L'étage est éclairé par de grands lustres, les murs sont couverts de miroirs mouchetés, le mobilier du style de l'époque de Marie-Antoinette est très confortable, les fauteuils sont tendus d'une belle tapisserie rose. Tout cela est très élégant sans être clinquant, on s'y sent parfaitement bien.


Comme nous n'avions déjeuné que d'une demie madeleine autoroutière, nous choisîmes des sandwiches club et puis du thé pour moi et un chocolat chaud pour G. (sachant que ce chocolat a pour lui le goût très précis de l'enfance et d'une certaine idée du bonheur: G. a passé de nombreuses vacances à Biarritz avec sa grand-mère maternelle). Les sandwiches sont délectables, le pain est maison et bien sûr écroûté, les légumes sont croquants, la sauce très bien assaisonnée.
Un autre jour, après une longue balade jusqu'au phare où un été nous avions justement vu un rayon vert, nous sommes revenus déjeuner à Miremont et nous avons goûté de délicieuses salades mêlant Serrano, saint-jacques et coeur d'artichaut pour l'une et magret fumé, aiguillettes juste poêlées, haricots verts, asperges et foie gras pour l'autre. En dessert, il y avait un bel éclair au chocolat bien dodu et un Passionata que j'ai une seconde envié à G.: c'est un gâteau rond composé d'une mousse au chocolat au lait renfermant un coeur de crème au fruit de la passion, le tout reposant sur un fin biscuit et recouvert d'un délicat glaçage au chocolat.
Avant de quitter Biarritz, nous avons petit-déjeuné à Miremont et nous avons emporté pour la route des sandwiches et puis des croissants et puis un sénateur (une sorte de mille-feuilles très léger) que nous avons dégusté au dîner en repensant au spectacle des vagues qui s'échouaient avec fracas en faisant de gros bouillons ( spectacle gratuit, en plein air, sans horaire de début ni de fin, imprévisible, sans cesse renouvelé et on a même le droit de discuter avec son voisin), en repensant aussi aux galeries de design, au bookstore avec son grand canapé en cuir où l'on peut feuilleter les livres à loisir, à un délicieux dîner et aux longues conversations pendant de belles balades au bord de l'eau.
Cependant, G. a quitté Biarritz avec une certaine frustration, celle de ne pas avoir dégusté un Croque-basque chez Miremont comme l'a fait avec un plaisir non dissimulé sa petite voisine de dix ans le jour où nous y avions déjeuné (j'en profite pour préciser que la clientèle de Miremont est plutôt hétéroclite: elle mêle touristes allemands bedonnants en goguette et dames désoeuvrées au carré chic qui s'offrent des cadeaux Chanel en s'exclamant: "Mais ce n'est rien ma chérie, juste une petite broutille!"). Pour consoler G. de la fin des vacances et de diverses angoisses de tout ordre, j'ai décidé de lui faire oublier le croque basque en confectionnant une tarte basque qu'il a dégusté en disant: "C'est exactement le goût que je voulais!"


La tarte basque pour consoler G.
Pour un moule de 23cm de diamètre

Pour la pâte j'ai enfin mis à exécution la méthode des petits-suisses préconisée par Estérelle, c'est presque magique, ça marche très bien. J'ai utilisé des petits suisses Malo, du beurre salé et de la farine T110 (90g de beurre, 90g de petits-suisses et 180g de farine, si vous avez bien suivi).

Pour la garniture, c'est assez approximatif, disons:
-4 tranches de jambon de Bayonne
-1 poivron rouge préalablement rôti puis épluché, épépiné et coupé en lanières
-200g de fromage basque râpé (c'était un mélange de lait de vache et de brebis, très bon, doux avec du goût)
-2 oeufs
-2 grosses cuillères à soupe de crème fraîche
-du lait
-du poivre du moulin
Mélanger le tout.
Répartir la préparation sur la pâte.
Rajouter quelques lamelles de fromage sur le dessus et faire cuire jusqu'à ce que la tarte soit dorée et gonflée.
En attendant, faire un dossier d'hémato avec G. et alternativement le navrer et l'épater.
Sortir la tarte en précipitation du four parce que la séance pour Nue Propriété est dans dix minutes et que vous n'avez pas encore mis vos chaussures.
S'apercevoir au guichet qu'en fait, vous aviez le temps de lacer vos chaussures: le film est dans une demie heure.
Revenir à la maison goûter un tout petit bout de tarte et se dire que ça va être dur de ne pas y penser pendant le film.
Retourner au cinéma et voir qu'il arrive à Isabelle Huppert de manger du poulet froid à même le plat quand elle est déprimée. Et qu'il lui arrive aussi de laisser dégouliner la vinaigrette sur son menton en mangeant de la salade.
Rentrer à la maison, déguster la tarte et être ravi également d'avoir en dessert la première tartelette réalisée par G. en récupérant le reste de pâte: une délicieuse tarte aux pommes recouverte de marmelade d'oranges et d'un voile de sucre.
Se dire que l'on peut être heureux sans être en vacances.

11 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Se souvenir, parfois, apporte de grandes joies.
Toutes ces gourmandises m'ont fait voyager avec vous !

05 mars, 2007 21:14  
Blogger Gracianne said...

Vous etes aussi gourmands l'un que l'autre. Que vos vacances avaient l'air reposantes et sereines. Je ferme les yeux, je vois et j'entends l'ocean qui gronde.

06 mars, 2007 09:58  
Anonymous Anonyme said...

On s'y croirait... (sauf que sur les aires d'autoroutes, c'est un sandwich en triangle poulet crudités plein de mayonnaise qui ramollit le pain qu'on mange...)

Et effectivement l'est dodu cet éclair...

(non non non, ma prochaine saga ne sera pas celle des éclairs dodus au glaçage parfait, je m'y refuse)

06 mars, 2007 15:35  
Anonymous Anonyme said...

Le bonheur tient à peu de chose en effet. Ta tarte aux pommes, entre autre me parait délicieuse. Bravo pour les photos

06 mars, 2007 19:33  
Anonymous Anonyme said...

Ah! Biarritz... Tu m'as rappelé de très bons souvenirs.

07 mars, 2007 23:16  
Blogger Dorian Nieto said...

C'est curieux Gracianne entend l'océan et moi je renifle certains des plats que tu as évoqué ! ça ne serait pas simplement le signe que tu es une sacrée passeuse d'émotions ? pour moi en tout cas pas le moindre doute !

07 mars, 2007 23:35  
Anonymous Anonyme said...

Quel bel éclair !

08 mars, 2007 00:18  
Anonymous Anonyme said...

quelles jolies vacances...

08 mars, 2007 11:45  
Anonymous Anonyme said...

J'ai d'excellents souvenirs à Biariitz aussi, en particulier de dîners juste au dessus de la mer des fruits de mers fabuleux, sur le petit port en direction du rocher la vierge. Je ne vais pas tarder à y retourner, je le sens!

09 mars, 2007 14:15  
Anonymous Anonyme said...

Je t'adopterais volontiers... Tu as une qualité rare, savoir te souvenir du meilleur, et le raconter avec délicatesse et émotion.

11 mars, 2007 21:50  
Anonymous Anonyme said...

Merci pourcette sympathique virée gourmande!!

26 avril, 2007 08:49  

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