Des visages familiers et le clafoutitalien
Souvent je les croise.
Le jeune homme très brun aux joues creusées, avec la mèche et le sourire inquiétant. Il porte un caban en laine en plein mois d'août, il lit en marchant (et en tenant son livre à l'envers), il rit tout seul d'un rire venu d'ailleurs, il se défend à voix haute contre l'assaut d'ennemis imaginaires. Parfois il se repose et rêve sur le banc près de la fontaine derrière l'appartement.
Le couple formé par une jeune asiatique aux cheveux terriblement longs, terriblement lisses et son ami à l'âge incertain; je pense qu'il a environ quarante ans, G. est persuadé qu'il est à peine plus âgé que nous. Ils ont l'air très amoureux et nous les croisons systématiquement dans les endroits où il y a de bonnes choses à manger! Elle a une très belle collection de sacs à main. Quand il pleut, elle chausse des bottes en caoutchouc rose pour aller au marché. Ils nous réservent toujours un sourire bienveillant (et presque complice) quand nous nous rencontrons par hasard. En fait, j'ai découvert l'autre jour qu'ils habitaient à vingt mètres de chez nous.
La dame très mince habillée en noir et/ou en panthère avec une belle choucroute brune sur le crâne et qui ne se sépare jamais de son petit chien. Elle aime bien plaisanter avec le boucher mais je n'arrive pas à décider si les soirées chez elle sont amusantes ou un peu tristes.
La grande dame brune aux cheveux courts qui fend le pavé rennais à vigoureuses enjambées dans son grand manteau noir et qui tient la librairie de littérature étrangère juste en bas de l'appartement. C'est pratique, quand on a fini un livre, on peut garder ses vêtements du dedans et descendre chercher un nouveau roman, il n'y a aucune rue à traverser pour y arriver. Nous partageons la même cour et elle a l'habitude de laisser deux petits bols de faïence sur le pas de sa porte, avec du lait et des croquettes, pour les deux chats qui paressent sur le parking.
La dame qui dort dans des cartons sur le palier de Zara. Pendant la journée, elle déambule sans vous regarder en s'adressant dans une langue inconnue à un interlocuteur qu'elle est la seule à voir. Malgré les heures passées dehors, elle a le profil digne et la démarche altière.
L'ouvreur asiatique du cinéma d'art et d'essai qui se moque gentiment de moi parce que j'aime les films de Tsaï Ming Liang "où ils passent leur temps à manger des nouilles!" et ceux de Rohmer alors que "personne ne parle comme ça dans la vraie vie!" Un jour, je l'ai vu palper avec concentration des camemberts au supermarché, pour en trouver un à son goût. Cela faisait partie du plaisir de la séance que d'aller au cinéma pour croiser ce monsieur mais depuis quelque temps, on ne le voit presque plus, ce sont toujours des gens différents et pas forcément très sympathiques qui vous tendent le ticket.
La caissière du monop qui range vos courses en veillant à ne pas écraser les petits suisses sous la boîte de pastilles pour le lave vaisselle. Un jour, je l'ai aperçue dans un café à côté de la maison, elle racontait des histoires avec un enthousiasme contagieux au vu des éclats de rire qu'elle déclenchait chez les collègues qui l'accompagnaient.
La dame qui tient l'épicerie italienne des halles et que j'ai interrompue dans sa lecture du Canard enchaîné pour acheter un morceau de pecorino au poivre et de la pancetta. J'aime bien quand elle dit "Bon appétit!" et le regard bienveillant qu'elle pose sur les pizzas qu'elle sort de son petit four.
Le clafoutitalien
Pour 4 personnes
-un bulbe de fenouil émincé et cuit à la vapeur
-150g de pancetta
-70g de pecorino au poivre fraîchement râpé
-70g de farine T65
-2 oeufs bio
-170mL de lait
-un trait de sirop d'érable
-un filet d'huile d'olive
Couper la pancetta en dés et la faire revenir dans un peu d'huile d'olive.
Quand elle commence à dorer, ajouter le fenouil et le sirop d'érable. Bien mélanger pendant deux-trois minutes sur le feu puis l'éteindre et laisser le tout reposer le temps de préparer la pâte.
Mélanger les oeufs et la farine.
Ajouter le lait, mélanger jusqu'à obtenir une pâte bien lisse.
Ajouter le fenouil et la pancetta, puis le pecorino râpé.
Verser la préparation dans un moule juste un peu beurré et faire cuire environ une demi heure à 180°.
C'est bon chaud avec une salade de mache et de la vinaigrette au jus d'orange mais c'est aussi bon froid, coupé en cubes pour l'apéritif.
Le jeune homme très brun aux joues creusées, avec la mèche et le sourire inquiétant. Il porte un caban en laine en plein mois d'août, il lit en marchant (et en tenant son livre à l'envers), il rit tout seul d'un rire venu d'ailleurs, il se défend à voix haute contre l'assaut d'ennemis imaginaires. Parfois il se repose et rêve sur le banc près de la fontaine derrière l'appartement.
Le couple formé par une jeune asiatique aux cheveux terriblement longs, terriblement lisses et son ami à l'âge incertain; je pense qu'il a environ quarante ans, G. est persuadé qu'il est à peine plus âgé que nous. Ils ont l'air très amoureux et nous les croisons systématiquement dans les endroits où il y a de bonnes choses à manger! Elle a une très belle collection de sacs à main. Quand il pleut, elle chausse des bottes en caoutchouc rose pour aller au marché. Ils nous réservent toujours un sourire bienveillant (et presque complice) quand nous nous rencontrons par hasard. En fait, j'ai découvert l'autre jour qu'ils habitaient à vingt mètres de chez nous.
La dame très mince habillée en noir et/ou en panthère avec une belle choucroute brune sur le crâne et qui ne se sépare jamais de son petit chien. Elle aime bien plaisanter avec le boucher mais je n'arrive pas à décider si les soirées chez elle sont amusantes ou un peu tristes.
La grande dame brune aux cheveux courts qui fend le pavé rennais à vigoureuses enjambées dans son grand manteau noir et qui tient la librairie de littérature étrangère juste en bas de l'appartement. C'est pratique, quand on a fini un livre, on peut garder ses vêtements du dedans et descendre chercher un nouveau roman, il n'y a aucune rue à traverser pour y arriver. Nous partageons la même cour et elle a l'habitude de laisser deux petits bols de faïence sur le pas de sa porte, avec du lait et des croquettes, pour les deux chats qui paressent sur le parking.
La dame qui dort dans des cartons sur le palier de Zara. Pendant la journée, elle déambule sans vous regarder en s'adressant dans une langue inconnue à un interlocuteur qu'elle est la seule à voir. Malgré les heures passées dehors, elle a le profil digne et la démarche altière.
L'ouvreur asiatique du cinéma d'art et d'essai qui se moque gentiment de moi parce que j'aime les films de Tsaï Ming Liang "où ils passent leur temps à manger des nouilles!" et ceux de Rohmer alors que "personne ne parle comme ça dans la vraie vie!" Un jour, je l'ai vu palper avec concentration des camemberts au supermarché, pour en trouver un à son goût. Cela faisait partie du plaisir de la séance que d'aller au cinéma pour croiser ce monsieur mais depuis quelque temps, on ne le voit presque plus, ce sont toujours des gens différents et pas forcément très sympathiques qui vous tendent le ticket.
La caissière du monop qui range vos courses en veillant à ne pas écraser les petits suisses sous la boîte de pastilles pour le lave vaisselle. Un jour, je l'ai aperçue dans un café à côté de la maison, elle racontait des histoires avec un enthousiasme contagieux au vu des éclats de rire qu'elle déclenchait chez les collègues qui l'accompagnaient.
La dame qui tient l'épicerie italienne des halles et que j'ai interrompue dans sa lecture du Canard enchaîné pour acheter un morceau de pecorino au poivre et de la pancetta. J'aime bien quand elle dit "Bon appétit!" et le regard bienveillant qu'elle pose sur les pizzas qu'elle sort de son petit four.
Le clafoutitalien
Pour 4 personnes
-un bulbe de fenouil émincé et cuit à la vapeur
-150g de pancetta
-70g de pecorino au poivre fraîchement râpé
-70g de farine T65
-2 oeufs bio
-170mL de lait
-un trait de sirop d'érable
-un filet d'huile d'olive
Couper la pancetta en dés et la faire revenir dans un peu d'huile d'olive.
Quand elle commence à dorer, ajouter le fenouil et le sirop d'érable. Bien mélanger pendant deux-trois minutes sur le feu puis l'éteindre et laisser le tout reposer le temps de préparer la pâte.
Mélanger les oeufs et la farine.
Ajouter le lait, mélanger jusqu'à obtenir une pâte bien lisse.
Ajouter le fenouil et la pancetta, puis le pecorino râpé.
Verser la préparation dans un moule juste un peu beurré et faire cuire environ une demi heure à 180°.
C'est bon chaud avec une salade de mache et de la vinaigrette au jus d'orange mais c'est aussi bon froid, coupé en cubes pour l'apéritif.
15 Comments:
ton récit est à la fois touchant et drôle, on a l'impression de retrouver des gens qu'on connait !
le clfoutis m'iintrigue, je ne vois pas du tout quel gout il a , tu ne dis pas ce que tu en as pensé exactement ?
Cathy: comme tu es matinale! En fait, c'est comme un flan salé au goût subtil de pecorino avec parfois la surprise de retrouver un morceau fondant de fenouil ou le goût savoureux de la pancetta!
en fait j'ai envie d'essayer mais le fenouil me fait un peu peur, j'ai peur que personne n'en mange à part moi ! je vais réfléchir à une adaptation car il me plat vraiment
Tu as le don de capter chez chaque personne les éléments qui permettent de nous les rendre familiers, à nous aussi.
Le clafoutitalien est déjà un délice à prononcer ...
Merci pour vos messages si légers et si beaux. Les recettes en deviennent presque optionnelles.
C'est toujours un plaisir de te lire!
je viens de lire toute la discussion enflammée chez grand chef, et j'ai eu envie de passer te voir... ça faisait longtemps.. et tes mots sont arrivés à point, un peu le calme après la tempête et j'ai virtuelleemnt préparé ton clafoutitalien, et voilà, à présent je suis bien
Je vois aussi très souvent la plupart d'entre eux... Je "valide" chaque mot de tes descriptions... C'est rigolo de les retrouver ici!
Quand on parle si bien des passants, c'est certainement qu'on les aime, les gens, les anonymes. Comme quand tu essaies d'inventer une histoire a ce passager du metro, ou bien a ta petite fille qui s'ennuie au restaurant.
Ton clafoutitaline, il me plait, beaucoup!
J'ai oublie de te dire, j'adore ta nouvelle banniere.
Très jolie galerie de portraits...très jolie recette!
Ce que tu écris donne envie de faire partie de ton voisinage!
Et puis, félicitations, la bannière est très chouette, elle correspond tellement à ton blog... et tes madeleines... quelles bosses!
Je me disais que j'avais déjà croisé tout ce petit monde quelque part... C'est sûrement ton écriture qui les rend aussi vivants. Merci.
Et le clafoutitalien est le bienvenu... :-)
Très sympa ces quelques rencontres comme une prommenade! Ton clafoutis salé a l'air délicieux et j'aime aussi beaucoup ta nouvelle bannière!
J'aimerais bien avoir la chance de te croiser comme ça au détour d'une rue juste pour imaginer que je vais rester dans le regard de quelqu'un comme ça... différent de tout ceux qui passent et que personne ne semble voir... j'ai vraiment beaucoup aimé ce parcours à travers les gens, des gens qui sont devenus plus que des passants grâce à ton regard et tes mots ! et maintenant direction le clafout !
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