Mes parents sont arrivés en France en plein hiver et ont été ironiquement installés dans un village vacances de bord de mer. Je n'aime pas trop y retourner, l'herbe est drue avant les dunes et les balançoires en pneu de voiture grincent en choeur. Peu d'images de ces quelques mois si ce n'est à travers le prisme de leurs souvenirs. Les premières neiges, sensation inconnue, et les fruits de mer servis avec des rince-doigts, éminemment exotiques. Je me demande à quoi rêvaient mes parents sans argent et sans un mot de français.
Le premier "vrai"
logement était à l'étage d'une grande maison aux volets bleus. Le loyer ne valait pas grand chose, le prix d'une seule chambre où l'on se serrait à trois sur le canapé en velours vert bouteille. Là, je me souviens des samedis soirs, parce qu'il y avait Jean Rochefort dans
Disney Channel que j'adorais regarder assise par terre avec un bol de soupe de riz. J'étais (et je suis encore) une fan absolue de Jean Rochefort!
Je me souviens aussi de la propriétaire qui habitait au rez-de-chaussée, un genre de grand-mère acariâtre qui venait chercher le loyer toujours trop tôt et qui avait deux monstrueux colleys qui aboyaient prodigieusement fort. Je me souviens que mes parents ont commencé à travailler, des trucs incroyables, comme coller des bandes rouges et bleues sur des maquettes d'avion débarquant par centaines dans des cartons ou trier des milliers de bouchons de flacons de parfum en écartant ceux qui avaient un défaut. Ma mère me faisait promettre de faire un métier un peu plus chic, docteur ce serait bien, surtout que je voulais toujours plus de livres et qu'elle était persuadée que les docteurs avaient des livres du sol au plafond.
Un jour il fallut faire à nouveau les cartons, qui étaient finalement peu nombreux, et nous avons emménagé dans un nouvel appartement dont ils me disaient de taire l'adresse quand c'était possible parce qu'ils avaient honte d'habiter une sordide cité HLM. J'avais une chambre rose, ils m'ont acheté du mobilier blanc, j'adorais mon secrétaire et ses tiroirs désuets. Il y avait une cuisine bleue, un bleu un peu sale, un peu triste, un bleu qui fait que maintenant ma mère déteste cette couleur. J'ai eu mon premier sapin de Noël dans ce salon, ma mère a commencé à travailler, elle partait le soir, revenait le matin et me faisait réciter poésies et tables de multiplication sur le chemin de l'école qu'elle parcourait avec moi, main dans la main et les yeux mi-clos d'épuisement. Mais ils furent heureux de m'acheter une bibliothèque pour mon anniversaire et une marchande (avec une balance, une caisse enregistreuse, des fruits et légumes en plastique et même un poulet rôti!) à Noël.
Mon père a commencé à travailler aussi, il a pu remplacer la deux-chevaux couleur crème par une R5 métallisée, mais il était très malheureux au travail, il avait dû renoncer à ses aspirations scientifiques, il n'a jamais pu reprendre ses études interrompues au Cambodge et il ravalait chaque matin sa fierté avec son café qu'il buvait noir.
Tout cela ne fut pas sans récompense. Un jour ils commencèrent à visiter des petites maisons, pas trop loin du collège où j'allais rentrer en sixième, et au début de l'été, nous avons pu quitter la cuisine bleue, la cage d'escalier vraiment glauque et le balcon en béton pour nous installer dans une maison blanche avec un jardin, une terrasse, un cognassier devant la fenêtre de la cuisine et des rosiers devant l'entrée. Mes parents étaient enchantés par des détails assez touchants finalement, comme les plafonds tapissés des chambres, la baignoire et le carrelage de la salle de bain. Ils étaient vraiment contents, ils invitaient des amis, ce dont ils s'étaient privés pendant des années, et ma mère faisait des montagnes de nems, des gaufres et des brochettes de boeuf à la citronnelle sur le barbecue de la terrasse.
J'ai commencé à tenir un journal dans cette maison-là, dans un cahier violet au début. J'y racontais que les garçons étaient décidément très compliqués, que les appareils dentaires étaient une invention sataniques et que décidément, ce n'était pas juste, A. était infiniment plus jolie que moi, même si c'était une beauté un peu vide. Les préoccupations étaient enfin futiles.
Quand je retourne chez mes parents, même si je suis un peu triste quand je repense à mes hésitations adolescentes et mon ennui silencieux et interminable, même si je ne suis pas toujours d'accord avec les partis pris de leur décoration, je suis infiniment rassurée de les voir installés-là, eux qui débarquant en France au milieu de l'hiver dans les années 80, n'auraient jamais imaginé un jour en posséder un petit espace, un morceau de terre.
Les dernières heures passées dans l'ancien appartement sur les quais rennais furent un peu difficiles. Suite à notre manque chronique d'organisation, il restait encore une trentaine de cartons à transporter nous-mêmes après le passage des déménageurs, et puis il fallait tout nettoyer. A trois heures du matin, après un kebab assis en tailleur sur le parquet désert, il s'avéra nécessaire d'aller à la déchetterie, ahem. J'avais oublié que dans les placards de mon ancien bureau, les placards en hauteur, ceux que je n'ouvre jamais, il y avait tous les livres, toutes les notes, les annales, les dossiers, les schémas, fébrilement entassés pour
l'internat. Une montagne de cinquante kilos de papier. J'ai gardé des petites bricoles, pour la revente et pour le souvenir (notamment le répertoire très épais où j'avais compilé tout ce qu'il ne fallait absolument pas oublier) mais le reste a fini dans des grandes poubelles, entre un restaurant et un réparateur de vélos. Ca m'a filé des frissons de jeter tout ça, ces heures de travail, ces sales souvenirs.
J'ai hâte de vider les cartons entre lesquels on zig-zague périlleusement, de peindre les tréteaux de mon bureaux, d'en recouvrir de papier le plateau, de retapisser le tabouret de piano, de choisir les magnets pour le frigo! Et puis je vous montrerai... Le chemin fut long!
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Bonus! Parce qu'il y a des filles qui emmènent leur amoureux à Biarritz en automne, mes endroits préférés (dans l'une de mes villes préférées).
Adresses et liens à la fin du billet.
A
l'Hôtel Beaulieu, parfaitement situé entre la plage des Basques et le centre ville, il faut penser à demander une chambre avec vue ET balcon, parce qu'elles sont plus grandes et que c'est toujours chouette de s'asseoir un peu pour regarder les vagues sur le rocher de la Vierge et les enfants du club de surf qui s'entraînent sur la toute petite plage pile en face de l'hôtel. Je ne me baigne jamais là parce qu'il y a trop de monde, de familles, mais j'adore la grosse horloge juste au-dessus des colonnes en pierre.
Si nous avons souvent discuté avec le veilleur de nuit, qui est un ancien accordeur de piano, nous n'avons jamais pris de petit-déjeuner à l'hôtel. Si la journée s'annonce calme et voluptueuse, il n'y a pas d'hésitation possible, il faut aller chez
Miremont, commander un chocolat chaud, des toasts (au pain de mie maison) qui arrivent grillés et beurrés, et de la confiture. J'aime bien faire ça avant une balade jusqu'au phare par exemple. Une fois arrivés là-bas, on prend des photos des hortensias, on observe les pêcheurs au pied des falaises et je suis capables de rester des heures à regarder le panorama. Si le programme est chargé (genre
Tiens si on allait à Bayonne? ou
Tu veux aller à Guéthary? -en fait je n'aime pas trop Guéthary. Ni Saint Jean de Luz), on boit un café ou un thé en bas de l'hôtel et on s'achète des viennoiseries sur le chemin toujours à
Miremont.En général, quand on rentre du phare, on aime bien s'arrêter au
Bookstore, pour s'acheter un livre qu'on lira l'après-midi sur la plage. Ils ont aussi une très chouette sélection enfants et les libraires sont assez avenants.
Il arrive qu'on aille aussi au cinéma, parce qu'il est d'Art et d'essais et qu'il y a toujours un bon film au programme. En attendant la séance, on peut grignoter des macarons
Adam sur la place (mais je ne suis pas fan de leurs pâtisseries) ou traîner au
Festin Nu, librairie subversive dans une petite rue en face du ciné, où ils ont eu la bonne idée d'installer un canapé. En discutant avec le garçon qui y travaillait cet après-midi là, on a décidé d'aller se rafraîchir chez
Lulu la Nantaise, un salon de thé-antiquités du XXème siècle, où les smoothies sont délicieux, piquants de gingembre quand on commande un orange-pomme-carotte. Juste à côté un joli magasin de maquettes en bois avec une lampe-poisson impressionnante.
En fin d'après-midi, quand la pellicule pour le
Diana F+ est terminée, vous pouvez toujours vous approvisonner à
In the middle, qui propose plein de modèles de
Lomo et qui vend aussi des jolis vêtements de créateurs pointus au milieu des must-have du moment (toute une pile de Bensimon Liberty cet été). Le couple qui tient le magasin est super gentil. D'autres adorables habits vous attendent à
Lily of the valley, jolie boutique à la façade azurée. On y trouve des sacs
Polder, des vestes
Isabel Marant, des jolies chemises et des chouettes jupes. Au sous-sol, des vêtements vintage au milieu de vieux magazines de mode et de radios d'époque. Là aussi, les vendeuses sont super gentilles.
Sur le chemin des Halles, si vous allez faire le marché, trois escales possibles. La première à
Le rond dans l'eau pour les plateaux en bois, les lampes
Jieldé vert d'eau, la vaisselle scandinave, les fauteuils designés, les sets de table
Robert le héros et tout un tas de jolis objets. La deuxième chez
Arostéguy d'où j'ai faillit repartir avec une énorme conserve de ventrèche de thon dont la boîte était de plus bel effet mais il y a aussi des foie gras, des pâtés au piment d'Espelette, du boudin basque, des confitures, des sablés locaux, des jus de fruits dans des belles bouteilles... Et du thé
Mariage Frères si vous avez oublié vos sachets à la maison! La troisième escale n'a rien à voir, c'est à
Denim Gallery, pour les jeans différents et les tee shirts sérigraphiés chics et malicieux.
Les Halles sont évidemment incontournables et j'ai toujours rêvé d'avoir une cuisine à Biarritz pour préparer les beaux poissons et les légumes archi frais. Pour se consoler, on s'y ravitaille en fromages basques et en charcuterie pour un pique-nique délicieux. Juste à côté des Halles, une institution en début de soirée, le
Comptoir du foie gras, qui ne fait pas que du foie gras, loin de là, mais des supers tapas au tarama d'oursin ou au fromage et à la confiture de cerises noires ou au juste au Pata Negra, enfin il y en a une vingtaine, qu'il est très agréable de grignoter autour de grands tonneaux qui font office de tables pour recevoir la sangria, le cidre de basque, l'orange pressée ou la coupe de champagne. Plein d'habitués, jolis cardigans, robes fleuries et lunettes arty qui s'embrassent et échangent leurs bons plans. Juste à côté, un antiquaire avec des livres de cuisine d'un autre temps et le
Bar des Halles, quand le
Comptoir du foie gras n'a plus de places disponibles. Le choix des tapas est large, et ils sont aussi délicieux mais l'ambiance est plus familiale.
Dans la rue Gambetta, à côté, il y a une très belle rôtisserie et sous le porche, si l'on s'avance un peu, un salon de thé que je n'ai jamais pu essayer mais la déco fait envie et ils font du cheesecake et du clafoutis.
Pour manger, pour changer un peu, pour profiter aussi de l'occasion pour traverser la ville quand on n'est plus en son centre et apprécier l'architecture des villas biarrotes, il y a toujours un soir pendant les vacances où l'on va dîner au
Taj Mahal qui, comme son nom ne l'indique pas, est un restaurant tenu par des Sri Lankais. S'y retrouvent les amoureux qui aiment voyager, les grands ados avant d'aller danser, les gens du quartier qui savent que les naans au fromage et le poulet Taj Mahal sont trop bons. En rentrant, on peut aller prendre un dessert sur la plage, par exemple une glace pamplemousse-coco chez
Dodin puis s'installer sur le sable un peu à l'écart et apprécier la beauté de la nuit sur l'océan. On peut ne pas rentrer tout de suite et contourner l'hôtel pour voir les lumières de l'Espagne et les montagnes un peu floues sur la côte des Basques, je ne compte plus le nombre de promenades nocturnes le long de cette plage à parler sans fin.
Il arrive que l'on revienne d'Anglet quand on passe l'après-midi à la plage (d'ailleurs le camion à glaces d'Anglet est très recommandable, avec une glace au yaourt toute simple mais si bonne, un peu acidulée) et dans ce cas, au retour, on se dépêche de poser les sacs à l'hôtel et on descend très vite dans la petite crique du
Santa Maria, un bar restaurant juste intéressant pour sa vue splendide et ses tables dans les rochers. C'est toujours chouette d'y boire un mojito le soir.
Je ne sais pas si la terrasse est toujours là en automne mais en août, il est très agréable de dîner sur le port, à
la casa de Juan Pedro. On fait la queue en grignotant des tapas et puis on dîne au bord de l'eau de choses simples, calamars et gambas grillés, chipirons à l'encre ou lotte à l'espagnole. Un peu plus tard dans la soirée, si vous avez un petit creux, vous pouvez prendre une crêpe au chocolat à
La petite crêperie et la manger en pensant à la délicieuse journée qui vient de s'écouler.
Je suis sûre que j'oublie des endroits que j'aime bien mais je sais que si on se laisse guider par ses désirs, les gens croisés, les conseils des autochtones, on arrive forcément dans les lieux les plus chouettes. J'adore Biarritz, c'est à la fois moderne et désuet, il y a le spectacle des énormes vagues qu'on ne voit pas toujours en Bretagne et les nuits y sont magnifiques.
Hotel Beaulieu 3 esplanade du Port-Vieux 05 59 24 23 59
Miremont 1 bis place Clémenceau
Maison Adam 27 place Clémenceau
Bookstore 27 place Clémenceau
Le festin nu 2 rue Jean Bart
Lulu la nantaise 8 avenue Jaulerry
In the middle 11 rue Alcide Augey
Lily of the valley 2 rue Simon Etcheverry
Le rond dans l'eau 6 rue Victor Hugo
Arostéguy 5 avenue Victor Hugo
Denim gallery 6 rue Victor Hugo
Le comptoir du foie gras 1 rue centre
Le bar du marché 8 rue des Halles
Santa Maria au Port Vieux
Casa Juan Pedro sur le quai du Petit Port
Dodin Quai de la grande Plage
Le Taj Mahal 10 avenue de la gare
La petite crêperie rue de Mazagran