mercredi 28 mars 2007

Les vaches maudites et une salade toute douce au pamplemousse

Merci pour tous vos compliments concernant la nouvelle bannière mais il est temps de rétablir la vérité: si j'en avais été l'auteur, vous auriez eu droit à un gâteau avec une cerise dessus, une tranche de pastèque en coupe (que vous n'auriez reconnue que grâce aux pépins) et un cornet de glace, parce que je ne sais rien dessiner d'autre dans le registre alimentaire or vous auriez constaté que je n'ai aucune appétence particulière pour les douceurs sus-citées et ce blog aurait perdu toute sa cohérence. Argh. Je suis très nulle en dessin et cela ne s'est pas arrangé après la cuisante humiliation bovine que m'a fait subir mon institutrice de cours préparatoire. Voyez-vous, il s'agissait d'illustrer un court texte où il était question de quelques vaches dormant tranquillement dans un pré verdoyant par une belle journée de printemps. Comme j'avais encore l'esprit docile, j'avais dessiné une petite étendue verte (le pré) clôturée par quelques barrières inégales, un beau soleil, et les vaches avec cornes et moult tâches pour ne pas qu'on les confonde avec des gros chiens. Je vais montrer mon cahier à l'instit qui me répond avec un sourire maso: "Tu n'as pas bien lu le texte Patoumi..." Je suis retournée à ma place quelque peu décontenancée et j'ai eu beau réfléchir, je ne voyais pas du tout où était le problème. J'en avais presque le vertige, à relire le texte et ce pré et ce soleil et ces vaches ... et l'instit :"Tu ne vois pas Patoumi? C'est bientôt la récréation, il faut que tu trouves si tu veux sortir de la classe...!" Moi je pensais: "C'est toi la grosse vache!" Bon, comme j'étais au bord de la crise de larmes, elle s'est penchée sur mon épaule et m'a révélé avec un petit sourire de satisfaction: "Patoumi, tu as déjà vu des vaches qui dorment debout?" et là, j'ai compris qu'il fallait que j'efface les pattes de ces braves bêtes.
Ainsi ai-je décidé que je ne savais pas dessiner et chaque fois qu'il a fallu illustrer un texte ou un exposé, j'ai fait de subtils collages avec des photos découpées dans Télérama.
La malédiction des vaches m'a poursuivie jusqu'en première année de médecine où, pour apprendre l'innervation sensitive de la main, j'en avais dessiné une grande paire sur mon cahier. Réflexion de ma voisine intriguée: "Pourquoi as-tu dessiné des pis de vache?"
Heureusement, je connais quelqu'un de très gentil dont le prénom commence par G et qui a bien voulu passer une grande partie de son dimanche après-midi à dessiner une petite Patoumi entourée de tout ce qu'elle aime alors qu'il a des tas de livres intéressants en cours et un séminaire sur la phobie à préparer pour la semaine prochaine. J'en profite pour rappeler que cette adorable personne est aussi le photographe officiel de ce blog. Si j'ajoute que cette personne sait aussi faire de divins sushis, les meilleures crêpes du monde et m'a offert hier un rouleau à pâtisserie violet absolument girlie, un fan club risque de se créer, donc j'arrête.
Pour fêter les beaux jours (sans vaches paissant dans un pré!) et en pensant à de futurs pique-niques, j'ai fait une belle salade très fraîche et parfumée trouvée dans un livre de l'Epure acheté lors d'une journée toulousaine. Initialement, cette salade est au quinoa mais comme G. déplore le caractère quelque peu globuleux de cette céréale, je l'ai faite avec de la semoule et c'est délicieux. J'en profite pour vous annoncer que les éditions de l'Epure ont un tout nouveau site internet où vous pouvez acheter en ligne les titres qui font cruellement défaut dans votre librairie habituelle!


La salade toute douce au pamplemousse inspirée d'Emilie Pagès
Pour deux amoureux
-150g de semoule
-un demi pamplemousse en quartiers, après avoir été pelé à vif
-un beau blanc de poulet qui a couru en liberté et a vu grandir ses enfants
-un demi petit ananas coupé en petits morceaux
-un peu de muscade râpée
-un peu de sésame grillé
-le jus d'un citron vert
-quelques raisins secs
-plein de feuilles de menthe ciselées
-un peu de sel, du poivre du moulin

Préparer la semoule comme le conseille votre paquet (j'ai ajouté le jus du pamplemousse à l'eau préconisée).
Couper le poulet en petites bouchées. Le faire revenir dans un peu d'huile neutre.
Quand il s'apprête à être cuit, saler, poivrer, ajouter la muscade et le sésame.
Une fois la cuisson terminée, asperger de la moitié du jus de citron vert.
Mélanger tous les ingrédients dans un plat creux en ajoutant le reste du jus de citron et laisser reposer une nuit au réfrigérateur.
Déguster bien frais en pensant à de futurs pique-niques ensoleillés.

jeudi 22 mars 2007

Des visages familiers et le clafoutitalien

Souvent je les croise.
Le jeune homme très brun aux joues creusées, avec la mèche et le sourire inquiétant. Il porte un caban en laine en plein mois d'août, il lit en marchant (et en tenant son livre à l'envers), il rit tout seul d'un rire venu d'ailleurs, il se défend à voix haute contre l'assaut d'ennemis imaginaires. Parfois il se repose et rêve sur le banc près de la fontaine derrière l'appartement.
Le couple formé par une jeune asiatique aux cheveux terriblement longs, terriblement lisses et son ami à l'âge incertain; je pense qu'il a environ quarante ans, G. est persuadé qu'il est à peine plus âgé que nous. Ils ont l'air très amoureux et nous les croisons systématiquement dans les endroits où il y a de bonnes choses à manger! Elle a une très belle collection de sacs à main. Quand il pleut, elle chausse des bottes en caoutchouc rose pour aller au marché. Ils nous réservent toujours un sourire bienveillant (et presque complice) quand nous nous rencontrons par hasard. En fait, j'ai découvert l'autre jour qu'ils habitaient à vingt mètres de chez nous.
La dame très mince habillée en noir et/ou en panthère avec une belle choucroute brune sur le crâne et qui ne se sépare jamais de son petit chien. Elle aime bien plaisanter avec le boucher mais je n'arrive pas à décider si les soirées chez elle sont amusantes ou un peu tristes.
La grande dame brune aux cheveux courts qui fend le pavé rennais à vigoureuses enjambées dans son grand manteau noir et qui tient la librairie de littérature étrangère juste en bas de l'appartement. C'est pratique, quand on a fini un livre, on peut garder ses vêtements du dedans et descendre chercher un nouveau roman, il n'y a aucune rue à traverser pour y arriver. Nous partageons la même cour et elle a l'habitude de laisser deux petits bols de faïence sur le pas de sa porte, avec du lait et des croquettes, pour les deux chats qui paressent sur le parking.
La dame qui dort dans des cartons sur le palier de Zara. Pendant la journée, elle déambule sans vous regarder en s'adressant dans une langue inconnue à un interlocuteur qu'elle est la seule à voir. Malgré les heures passées dehors, elle a le profil digne et la démarche altière.
L'ouvreur asiatique du cinéma d'art et d'essai qui se moque gentiment de moi parce que j'aime les films de Tsaï Ming Liang "où ils passent leur temps à manger des nouilles!" et ceux de Rohmer alors que "personne ne parle comme ça dans la vraie vie!" Un jour, je l'ai vu palper avec concentration des camemberts au supermarché, pour en trouver un à son goût. Cela faisait partie du plaisir de la séance que d'aller au cinéma pour croiser ce monsieur mais depuis quelque temps, on ne le voit presque plus, ce sont toujours des gens différents et pas forcément très sympathiques qui vous tendent le ticket.
La caissière du monop qui range vos courses en veillant à ne pas écraser les petits suisses sous la boîte de pastilles pour le lave vaisselle. Un jour, je l'ai aperçue dans un café à côté de la maison, elle racontait des histoires avec un enthousiasme contagieux au vu des éclats de rire qu'elle déclenchait chez les collègues qui l'accompagnaient.
La dame qui tient l'épicerie italienne des halles et que j'ai interrompue dans sa lecture du Canard enchaîné pour acheter un morceau de pecorino au poivre et de la pancetta. J'aime bien quand elle dit "Bon appétit!" et le regard bienveillant qu'elle pose sur les pizzas qu'elle sort de son petit four.

Le clafoutitalien
Pour 4 personnes
-un bulbe de fenouil émincé et cuit à la vapeur
-150g de pancetta
-70g de pecorino au poivre fraîchement râpé
-70g de farine T65
-2 oeufs bio
-170mL de lait
-un trait de sirop d'érable
-un filet d'huile d'olive

Couper la pancetta en dés et la faire revenir dans un peu d'huile d'olive.
Quand elle commence à dorer, ajouter le fenouil et le sirop d'érable. Bien mélanger pendant deux-trois minutes sur le feu puis l'éteindre et laisser le tout reposer le temps de préparer la pâte.
Mélanger les oeufs et la farine.
Ajouter le lait, mélanger jusqu'à obtenir une pâte bien lisse.
Ajouter le fenouil et la pancetta, puis le pecorino râpé.
Verser la préparation dans un moule juste un peu beurré et faire cuire environ une demi heure à 180°.
C'est bon chaud avec une salade de mache et de la vinaigrette au jus d'orange mais c'est aussi bon froid, coupé en cubes pour l'apéritif.

dimanche 18 mars 2007

Réponses à un grand chef et brownie décadent

La sommité internationale de la madeleine m'ayant conviée à dire qui je serais si j'étais autre chose qu'une fille douce, gentille, qui aime bien faire des gâteaux et la sieste, lire sous la couette, confectionner des club-sandwiches hauts comme des gratte-ciel, pique-niquer en bord de mer, siroter des bubble teas, feuilleter des magazines de mode, écrire des lettres à ses amis, aller chercher les croissants du dimanche matin, regarder Annie Hall alors qu'elle connait les répliques par coeur, éplucher joliment les ananas, porter des spartiates à la belle saison, râper beaucoup de parmesan sur les pâtes, déguster de grosses langoustines avec la mayonnaise maison que maîtrise parfaitement son bien-aimé, grignoter des granola en lisant une bande dessinée, la moutarde forte sur une bouchée de boeuf tendre et saignant, les fraises avec une pointe de crème... bon, là j'arrête, le suspense a assez duré, revenons sur les interrogations de cette personne qui n'hésite pas à faire part de ses convictions politiques et nutritionnelles sur son blog.

Si j'étais...
... un légume: des pea eggplants, ces petites aubergines thaïes que je trouve très jolies avec leur peau nacrée; elles croquent sous la dent, c'est un peu bizarre comme sensation. Je les aime bien en pickles acidulés à l'ail et au piment (bon, c'est un peu du suicide pour l'haleine mais votre amoureux peut en manger avec vous, comme ça, personne n'aura de complexes) et ma maman en met aussi dans une soupe épaisse avec plein d'épices (de la citronnelle, du galanga, de l'écorce de cumbava.., c'est sa mixture secrète) pour laquelle il faut au préalable légèrement écraser les aubergines dans un mortier, tâche qui m'incombait régulièrement mais je l'exécutais avec plaisir: j'aimais beaucoup sentir la peau de ce minuscule légume se fendre et libérer les grains qu'il contenait.


...un fruit: un citron, un beau citron bien parfumé; j'aime son acidité, l'amertume de son zeste, il peut discrètement sublimer ce qui l'entoure...
...une épice: le gingembre. Même si je trouve toujours un peu pénible de l'éplucher à cause de son relief tortueux, je ne regrette jamais l'effort. J'aime la couleur jaune tendre de sa chair, son parfum, la chaleur qu'elle donne au plat. J'aime le sauté aux foies de volaille et au gingembre de ma maman, j'aime le tomatoumi que nous mangeons aux beaux jours, j'aime la fraîcheur du gingembre mariné qui accompagne les sushis.
...une herbe: de la sauge. Parce que G. en cultive amoureusement un plant près de la fenêtre de son bureau. En fait, elle était en train de dépérir et il l'a patiemment remise sur pieds! Bientôt, nous pourrons à nouveau l'utiliser pour parfumer un beau rôti ou en faire du burro salvia...
...un dessert: de la glace au matcha, parce que si l'on en mange, c'est qu'on est dans un très bon restaurant japonais! J'aime sa couleur extra-terrestre et son goût à nul autre pareil.
...un bonbon: un petit crocodile gélifié jaune, mon papa m'en achetait toujours un quand nous allions acheter le journal ensemble quand j'étais minuscule. Je le mangeais sur le chemin du retour, c'est un bon souvenir. Sauf qu'un jour, quelqu'un de peu fréquentable a dit au buraliste en voyant mon papa tendre un exemplaire du Monde pour le payer: "Tiens, les jaunes savent lire!"
...un chocolat: celui que l'on boit dans les pâtisseries vénitiennes, tout étonnés de son goût intense et de sa volupté, alors que les autochtones l'avalent en vitesse debouts au comptoir.
...une confiture: celle-là!


Je l'ai achetée sur les bons conseils d'une personne de goût et elle est délicieuse, en particulier en couche fine sur une tartine grillée préalablement beurrée au beurre salé. Une sorte de nutella de luxe, j'y ai pensé avec impatience hier après-midi dans le métro en rentrant de l'internat blanc.
...une cuisine: celle de ma maman, la mienne, la nôtre... Elles ne me lassent pas!
...un couvert: une fourchette autour de laquelle s'enroulent voluptueusement des spaghetti enrobés de pesto rosso maison qui décoiffe avec sa bonne dose de piment.
...une boisson alcoolisée: du champagne, parce que ça veut dire qu'on est heureux! Une thèse a été soutenue avec brio, des examens se sont bien terminés, on retrouve des gens qu'on aime et qu'on n'a pas vus depuis longtemps... que des chose agréables.
...une boisson non alcoolisée: le thé brûlant qui occupe ma tasse Alice au Pays des merveilles tout au long de la journée, c'est le fidèle compagnon des temps studieux.
...propriétaire d'un restaurant: j'ai arrêté d'avoir ce fantasme depuis que la fin de mes études n'a jamais été aussi proche et en plus, difficile de faire mieux que l'ambition de Grand Chef à Penhors!

Le brownie décadent est une nouvelle tentation de Mrs Annie Bell; en feuilletant son livre, j'avais été très attirée par ce gâteau qui permettait d'avoir simultanément le fondant d'un bon brownie et la douce acidité d'une crème au fromage frais. Après dégustation, je trouve absolument indécent qu'il existe sur terre à la fois de tels gâteaux et des jeans taille 34!

Le brownie décadent au cream cheese d'Annie Bell
Pour 6 personnes
Pour le brownie
-200g de chocolat noir à pâtisser
-120g de beurre
-130g de sucre roux
-75g de farine
-75g de poudre d'amandes
-3 oeufs bio
-1/2 sachet de levure
-2 cuillères à soupe d'expresso ou de café très fort

Pour la crème au fromage
-250g de fromage frais (Annie utilise du fromage de chèvre mais comme je ne suis pas téméraire, j'ai utilisé 200g de Saint Florentin et j'ai complété avec du Carré frais)
-70g de sucre roux
-1 oeuf
-1/2 cuillère à café d'extrait de vanille

Préparer le brownie.
Pour cela, faire fondre le chocolat avec le beurre (au bain-marie, au micro ondes, chacun ses petites habitudes).
Ajouter le sucre à ce mélange.
Laisser un peu refroidir.
Ajouter un à un les oeufs et mélanger bien pour obtenir un mélange bien luisant.
Ajouter alors la poudre d'amandes puis la farine et la levure et mélanger juste assez pour que tout s'incorpore bien.
Ajouter le café et remuer une dernière fois.
Laisser reposer et préparer la crème au fromage pendant ce temps.
Mélanger le fromage et le sucre jusqu'à ce que le mélange soit bien lisse.
Ajouter l'oeuf puis la vanille et bien mélanger.
Dans un moule préalablement beurré s'il en a besoin, verser la préparation au chocolat. Lisser la surface puis verser la crème au fromage. En tournant la pointe d'un couteau, faire remonter un peu de préparation à la surface et créer ainsi un joli effet marbré.
Faire cuire 15 à 20 minutes dans un four préchauffé à 170°, sachant qu'Annie prévient que trop cuit, le brownie risque de ressembler à "un vieux paillasson coriace". J'ai arrêté la cuisson quand les bords étaient juste dorés, le gâteau était encore un peu tremblotant mais en refroidissant, il ressemblait davantage à un moelleux oreiller qu'à un vieux paillasson!

mardi 13 mars 2007

Des baisers sur son front brûlant et un upside down tatin cake aux pommes

Il y a quelques jours, G. était tout désemparé en rentrant déjeuner: il avait très mal a la tête, un peu mal au ventre et une fatigue immense qui lui dévorait toutes ses capacités cognitives. Il n'est pas retourné travailler, il a juste baissé les volets du salon, de la chambre, il s'est allongé sur le canapé et il n'en a plus bougé jusqu'au soir. C'était très étrange de le voir comme cela (il avait même revêtu des habits du dedans! Enfin, ce qu'il considère comme des habits du dedans, tout reste relatif), G. détestant faire la sieste, alors qu'il m'arrive de m'endormir dans les endroits les plus improbables, faisant absolument abstraction de l'environnement et c'est ainsi que j'ai eu droit au regard sévère de mon gros voisin à lunettes quand je me suis réveillée avec un petit sursaut (et un microscopique ronflement, je l'avoue quitte à annihiler tout mon glamour potentiel) lors d'une conférence qui avait pour titre: Errance et dépendance, quelles usages des institutions?
J'étais toute désolée pour G. et pour le réconforter, j'ai bravé le monde extérieur et un temps extrêmement ensoleillé qui sied davantage aux jeunes filles minces au teint éclatant qui vaquent en ville entre copines toutes dans leurs jean slim et leurs petites ballerines (argh, le Elle spécial mode annonce le retour de la semelle compensée en proposant des modèles Chanel en plastique transparent, moi qui ne me balade que sur des chaussures plates, je vais définitivement être plouc! Mais c'est si bon la plouc attitude! -enfin, si confortable, surtout-) qu'aux âmes en peine qui ont fait l'erreur de mettre leur manteau d'hiver par habitude et qui ont donc atrocement chaud et se sentent moches à cause de leur teint hâve dû à une restriction frénétique des sorties et à une surconsommation de pâtes au parmesan à cause d'un malheureux internat blanc prévu le weekend prochain. Mais je ferais n'importe quoi pour adoucir l'après-midi de G. alors ce ne sont des petites nanas sans recul sur la mode (et le monde) qui vont me faire peur! Ainsi ai-je écumé quelques librairies et un petit kiosque pour lui ramener une longue bande dessinée et un petit magazine de bd, tout ce qu'il y a de plus délassant pour son cerveau fatigué. J'étais toute contente de le voir déballer les paquets. Comme aucune nourriture terrestre habituelle ne lui faisait envie (il était absolument dégoûté par tout, aucun muffin ou autre cheesecake ne le mettait en appétit, l'idée même de jeter un oeil à Blog actu était pourvoyeuse de nausées), je suis allée chercher les deux seules denrées qui lui semblaient alors acceptables pour ne pas aboutir à une cétose de jeûne, à savoir du Coca light et des Thé, les petits biscuits. Ce soir-là, pour restituer mon stock d'énergie (qui était bien entamé: il fallait veiller sur G. ET travailler. Dur dur pour une petite Patoumi mais c'était bien agréable de l'avoir à la maison toute l'après-midi et d'entrecouper le travail de petites incursions dans le salon pour voir comment il se portait ), je me suis préparée sans culpabilité des pâtes au parmesan (et au fenouil parce qu'il y en avait un tout petit bulbe dans la cuisine qui me faisait de l'oeil). C'était très bon et la preuve c'est qu'elles ont presque fait envie à G.
Ouf, le lendemain G. allait bien mieux et dimanche matin, il a même eu de très saines occupations.
Si je peux braver des minis taupes modèles pour lui ramener de la lecture quand il va mal, G. aussi sait me faire plaisir en m'offrant des livres que je repose chez le libraire en disant "Non non, j'ai pas besoin de ça..." alors que je pense: "Il est trop bien..." mais j'ai déjà évoqué ici mon indécision maladive quant à l'achat de choses non indispensables. Ainsi, en rentrant du marché des Lices il y a deux semaines, j'avais feuilleté ce livre au titre un peu ridicule et je l'avais reposé en prétextant qu'on avait bien assez d'une Nigella mais G. a su voir dans mon regard qu'en fait j'en avait très envie! Il s'est d'autant plus félicité de l'avoir acheté après avoir goûté cet improbable gâteau aux pommes (j'étais très sceptique quant à la recette et au fait de verser le caramel sur le biscuit qui recouvrait déjà les pommes et pas directement sur ces dernières) qui s'est révélé être un vrai délice à achever à même le plat.

L'upside down tatin cake aux pommes d'Annie Bell
Pour 6 personnes
-6 pommes plutôt acides pelées et coupées en petits morceaux; Annie utilise des reinettes, j'ai fait un mélange de suntan et de pilot achetées le même jour au marché

Le biscuit
-150g de farine (j'ai mis de la T110)
-50g de rapadura
-80g de beurre salé froid
-1 oeuf
-100mL de lait
-le zeste râpé d'un citron
Le caramel
-80g de rapadura
-25g de beurre salé
-100mL d'eau
-le jus d'un demi citron.

Préparer le biscuit.
Pour cela, mélanger la farine et le sucre puis incorporer le beurre en tout petits morceaux en mélangeant du bout des doigts jusqu'à obtenir un sable fin et régulier.
Incorporer l'oeuf, le lait puis le zeste en mélangeant bien entre chaque ingrédient.
Disposer les morceaux de pommes dans un plat à gratin et verser la pâte dessus. Ce n'est pas grave si les pommes ne sont pas complètement couvertes.
Préparer le caramel en portant à ébullition dans une petite casserole le rapadura, le beurre et l'eau. Une fois le feu arrêté, rajouter le jus de citron et verser la préparation sur le biscuit même si vous avez l'impression que le caramel est trop liquide. En fait il va s'épaissir en cuisant et former une délicieuse sauce onctueuse qui va délicatement envelopper les fruits.
Enfourner dans un four préchauffé à 180° pour une trentaine de minutes, c'est prêt quand la surface est bien dorée.
C'est absolument divin avec du fromage blanc bien frais quand on vient de regarder Le charme discret de la bourgeoisie.

jeudi 8 mars 2007

Sans raison apparente, elle parlera de choses anciennes

Je n'y peux rien, c'est plus fort que moi, j'ai une mémoire qui fonctionne comme une petite caméra, je retiens tout un tas de détails parfois idiots, souvent légers, et je peux dérouler des tas de petits films de scènes inconséquentes que même les protagonistes auront oubliées. J'appelle cela le symptôme "interclasses de hand" depuis que Vincent Delerm a avoué qu'il se souvenait aussi très précisément de détails du passé (scolaire en l'occurence) absolument sans intérêt. Je retiens les menus, je retiens les tenues, je retiens les noms des rues, les sujets de dissertation, les promesses de récréations, les évènements politiques qui ont marqué telles ou telles révisions.
Quand pendant les vacances la grand-mère de G. nous a servi de très belles et bonnes profiteroles (c'était la première fois qu'elle en faisait, c'était très touchant), des petits films ont défilé tout seuls dans ma mémoire. Séance gratuite.
J'ai rencontré E. dans un énorme amphi où les gens n'hésitaient pas à adopter un comportement bestial pour devenir médecin. Je l'avais repérée parce qu'elle avait les mêmes sandales Kickers que les miennes, sauf que les siennes étaient vert pomme. E. habitait alors avec V. au septième étage d'un immeuble de l'avenue Janvier, une grande artère rennaise qui relie la gare au centre-ville et qui en période de fêtes de fin d'année se transforme en une sorte de Champs Elysées. Il y avait une épicerie turque juste en bas de chez elle. Au plafond de sa jolie chambre, elle avait fixé des petites étoiles phosphorescentes. En avril, pour son anniversaire cette année-là, elle m'avait invité avec C., un amie de longue date, à partager une raclette et des profiteroles. Elle avait commandé les choux chez le pâtissier, nous les avions consciencieusement remplis d'une bonne glace à la vanille (au moment de la choisir ensemble au supermarché, E. avait dit qu'elle la voulait avec plein de petits grains de vanille dedans, ce à quoi C., étudiant alors les secrets de l'industrie agroalimentaire, avait répondu que ces grains n'étaient que les débris sans parfum de vieilles gousses usagées) puis recouverts de chocolat fondu et chaud. Je me souviens du silence éloquent qui avait suivi la première bouchée. Quelques années plus tard, mon anniversaire officiellement en juillet, avait été reporté en septembre. Je devais prendre de bon matin le train pour Nantes où E. m'attendrait pour fêter cela dignement. En haut de l'escalator de la gare de Rennes, alors que je cherchais mon billet dans mon sac Robert le héros, j'aperçois E. (sensée m'attendre sagement à Nantes) qui m'ordonne avec un grand sourire d'aller annuler mes billets, elle en a d'autres pour Deauville. Elle avait tout prévu pour le weekend: le train, le pique nique pour l'escale du midi (E. me connaît bien, elle avait emporté du taboulé -sans raisins secs-, du fromage à grignoter, de la compote pomme-ananas, des petits sablés), les paquets cadeaux à ouvrir dans le train, la chambre d'hôtes... Plutôt pas mal comme anniversaire reporté. Le dimanche, nous avions déjeuné aux Quatre chats: un tagine de lotte, une tarte fine aux pommes, je me souviens de la miche de pain servie chaude et de la gentillesse du patron qui m'offrira une grande affiche aux couleurs du restaurant quand je lui demandais timidement si je pouvais avoir un set de table.
Des profiteroles, j'en ai aussi mangé à La cantina mia, un restaurant italien de la Place Saint-Germain. Ce ne sont plus les mêmes propriétaires désormais et je n'y suis jamais retournée: j'ai peur que ce ne soient plus les mêmes divines profiteroles avec une sauce au chocolat subtilement parfumée au café. J'y avais bu du Prosecco avec L., du Lacrima Christi avec N. (offert par nos voisins de table), nous y avions fêté l'anniversaire de C., je lui avais offert un tablier et un livre de cuisine.
Il y a aussi les profiteroles très particulières du Bocal (qui existe toujours à Rennes mais ce n'est plus le même décor ni les mêmes propriétaires, nous y étions retourner avec G. avant la séance de vingt heures trente pour Marie-Antoinette et si je recommande le film, je vous déconseille le nouveau Bocal. Je préfère me souvenir du visage de Kirsten Dunst, appuyé contre la vitre de la calèche qui l'emmène loin de tout ce qu'elle aime, plutôt que de leurs légumes décongelés ) où les choux étaient remplacés par des craquelins malouins.
Au printemps de l'année dernière, juste avant l'anniversaire de G., nous avions dégusté à L'Arsouille des profiteroles avec de la glace à la cannelle et une marmelade d'orange amère. Un peu plus tôt dans l'après-midi, G. m'avait offert une boîte 100drine pour ranger les cookies que je venais de faire.
Mais le présent, c'est bien aussi. Prochainement je vous raconterai entre autre comment G. a fini à même le plat un indécent gâteau britannique aux pommes et au caramel, un concours de curry et de nouvelles perspectives browniesques...

lundi 5 mars 2007

Conversation de salon et autres plaisirs immédiats

Comme la route est longue de Toulouse à Biarritz, G. s'est arrêté à mi-chemin pour acheter des madeleines au citron. Elles avaient une bosse à faire pâlir d'envie certains grands chefs mais un goût citronné qui rappelait un peu trop certains produits destinés à rafraîchir les toilettes des collectivités. Pour lui faire oublier cette déception (prévisible je vous l'accorde, mais on est toujours un peu moins lucide en vacances, on préfère penser que la vie est surprenante et belle et qu'ainsi, des madeleines annoncées comme "artisanales" vendues sur une aire d'autoroute pourraient rivaliser avec celles faites avec amour à la maison), je lui rappelai que sitôt arrivés à destination nous n'aurions qu'à faire une petite balade jusqu'à une certaine adresse que certains se refilent sous le manteau en la comparant à une annexe Laduréenne pour déguster un délicieux goûter dans une ambiance qu'aurait certainement apprécié Marie-Antoinette. Cela lui redonna du courage et, en apercevant au loin quelques massifs pyrénéens, il se mit à évoquer de futures randonnées en raquettes pour des vacances prochaines.
Quand la voiture a longé la plage des Basques pour arriver à l'hôtel Beaulieu (nous descendons toujours dans le même hôtel. Les gens qui le tiennent sont très gentils, on se sent comme en famille mais avec une saine distance. Ils sont extrêmement prévenants tout en étant fort discrets. Si j'ajoute que les chambres sont d'une proprété irréprochable, que plusieurs offrent une très belle vue sur mer et que les prix sont très corrects, vous n'aurez pas d'excuse pour descendre dans un autre hôtel si l'envie vous vient d'aller à Biarritz), nous avons vu avec une excitation mêlée d'une petite inquiétude inexplicable (puisque nous étions à l'abri; mais peut-être pensions-nous quelque part à des catastrophes climatiques lointaines auxquelles nous avions échappées) l'océan soulevé de vagues gigantesques, des gros rouleaux se déployant comme autant de gueules béantes de monstres mythologiques.
Mais l'heure du goûter était déjà bien avancée. Après avoir découvert notre très chouette chambre avec une vue imprenable sur le rocher de la Vierge (quand j'avais vu Le rayon vert la première fois, je ne connaissais pas encore G., je n'étais donc jamais allée à Biarritz et je n'avais donc pas compris que Delphine, l'inénarrable célibataire végétarienne de ce film se promène auprès d'endroits au nom aussi évocateur que le rocher de la Vierge ou la chambre d'amour), nous avons remonté une rue, dévalé une autre, jeté un oeil aux vitrines et commenté le confort potentiel d'une paire d'espadrilles fût-elle rose bonbon munie de rubans vieux rose, regardé quelques quatrièmes de couvertures chez une antiquaire-bouquiniste puis nous sommes arrivés à Miremont où nous avons pris place à l'étage parce qu'il y avait beaucoup de monde. En montant l'escalier, j'ai vu une jeune femme ressemblant étrangement à Amira Casar ajouter une cuillère de chantilly sur son chocolat chaud et une sensation de douce volupté m'a envahit.
Quand vous arrivez à Miremont, vous êtes accueillis par de gentilles serveuse en uniforme (jupe bleu marine, chemise blanche finement rayée) qui vous laissent tranquillement choisir votre table. Si vous avez de la chance, vous aurez une très belle vue sur l'océan. Mais pour vous accueillir, il y a aussi une très belle vitrine de douceurs: des viennoiseries délicieusement feuilletées, des gâteaux très simples -choux à la crème, roulés au citron, éclairs, gâteaux basques, tarte aux pommes, aux framboises, au citron- et d'autres plus sophistiqués où il est question de mousses diversement parfumées, de crème chiboust et de délicates dacquoises. Il y a aussi une vitrine de chocolats et des petites étagères où s'alignent avec harmonie des boîtes de thé aux couleurs de la maison et de jolis pots de confiture.
L'étage est éclairé par de grands lustres, les murs sont couverts de miroirs mouchetés, le mobilier du style de l'époque de Marie-Antoinette est très confortable, les fauteuils sont tendus d'une belle tapisserie rose. Tout cela est très élégant sans être clinquant, on s'y sent parfaitement bien.


Comme nous n'avions déjeuné que d'une demie madeleine autoroutière, nous choisîmes des sandwiches club et puis du thé pour moi et un chocolat chaud pour G. (sachant que ce chocolat a pour lui le goût très précis de l'enfance et d'une certaine idée du bonheur: G. a passé de nombreuses vacances à Biarritz avec sa grand-mère maternelle). Les sandwiches sont délectables, le pain est maison et bien sûr écroûté, les légumes sont croquants, la sauce très bien assaisonnée.
Un autre jour, après une longue balade jusqu'au phare où un été nous avions justement vu un rayon vert, nous sommes revenus déjeuner à Miremont et nous avons goûté de délicieuses salades mêlant Serrano, saint-jacques et coeur d'artichaut pour l'une et magret fumé, aiguillettes juste poêlées, haricots verts, asperges et foie gras pour l'autre. En dessert, il y avait un bel éclair au chocolat bien dodu et un Passionata que j'ai une seconde envié à G.: c'est un gâteau rond composé d'une mousse au chocolat au lait renfermant un coeur de crème au fruit de la passion, le tout reposant sur un fin biscuit et recouvert d'un délicat glaçage au chocolat.
Avant de quitter Biarritz, nous avons petit-déjeuné à Miremont et nous avons emporté pour la route des sandwiches et puis des croissants et puis un sénateur (une sorte de mille-feuilles très léger) que nous avons dégusté au dîner en repensant au spectacle des vagues qui s'échouaient avec fracas en faisant de gros bouillons ( spectacle gratuit, en plein air, sans horaire de début ni de fin, imprévisible, sans cesse renouvelé et on a même le droit de discuter avec son voisin), en repensant aussi aux galeries de design, au bookstore avec son grand canapé en cuir où l'on peut feuilleter les livres à loisir, à un délicieux dîner et aux longues conversations pendant de belles balades au bord de l'eau.
Cependant, G. a quitté Biarritz avec une certaine frustration, celle de ne pas avoir dégusté un Croque-basque chez Miremont comme l'a fait avec un plaisir non dissimulé sa petite voisine de dix ans le jour où nous y avions déjeuné (j'en profite pour préciser que la clientèle de Miremont est plutôt hétéroclite: elle mêle touristes allemands bedonnants en goguette et dames désoeuvrées au carré chic qui s'offrent des cadeaux Chanel en s'exclamant: "Mais ce n'est rien ma chérie, juste une petite broutille!"). Pour consoler G. de la fin des vacances et de diverses angoisses de tout ordre, j'ai décidé de lui faire oublier le croque basque en confectionnant une tarte basque qu'il a dégusté en disant: "C'est exactement le goût que je voulais!"


La tarte basque pour consoler G.
Pour un moule de 23cm de diamètre

Pour la pâte j'ai enfin mis à exécution la méthode des petits-suisses préconisée par Estérelle, c'est presque magique, ça marche très bien. J'ai utilisé des petits suisses Malo, du beurre salé et de la farine T110 (90g de beurre, 90g de petits-suisses et 180g de farine, si vous avez bien suivi).

Pour la garniture, c'est assez approximatif, disons:
-4 tranches de jambon de Bayonne
-1 poivron rouge préalablement rôti puis épluché, épépiné et coupé en lanières
-200g de fromage basque râpé (c'était un mélange de lait de vache et de brebis, très bon, doux avec du goût)
-2 oeufs
-2 grosses cuillères à soupe de crème fraîche
-du lait
-du poivre du moulin
Mélanger le tout.
Répartir la préparation sur la pâte.
Rajouter quelques lamelles de fromage sur le dessus et faire cuire jusqu'à ce que la tarte soit dorée et gonflée.
En attendant, faire un dossier d'hémato avec G. et alternativement le navrer et l'épater.
Sortir la tarte en précipitation du four parce que la séance pour Nue Propriété est dans dix minutes et que vous n'avez pas encore mis vos chaussures.
S'apercevoir au guichet qu'en fait, vous aviez le temps de lacer vos chaussures: le film est dans une demie heure.
Revenir à la maison goûter un tout petit bout de tarte et se dire que ça va être dur de ne pas y penser pendant le film.
Retourner au cinéma et voir qu'il arrive à Isabelle Huppert de manger du poulet froid à même le plat quand elle est déprimée. Et qu'il lui arrive aussi de laisser dégouliner la vinaigrette sur son menton en mangeant de la salade.
Rentrer à la maison, déguster la tarte et être ravi également d'avoir en dessert la première tartelette réalisée par G. en récupérant le reste de pâte: une délicieuse tarte aux pommes recouverte de marmelade d'oranges et d'un voile de sucre.
Se dire que l'on peut être heureux sans être en vacances.