Il y aura des photographies que nous mettrons dans l'album blanc -des petites crèmes au café et à la vanille-
Il faisait déjà très chaud ce dimanche matin. J'avais oublié de prendre du savon et je n'avais pas pu me doucher après la garde. L'air était un peu poisseux. Je me suis dépêchée, pour ne pas rater le bus de neuf heures douze (d'une manière générale, j'ai toujours peur d'être en retard et du coup, je suis souvent en avance), il était presque vide, ses quelques occupants n'avaient visiblement pas dormi de la nuit, sans doute très occupés par la fête de la musique.
Je suis arrivée bien plus rapidement que d'habitude à la maison, la densité de la circulation dominicale étant toujours plus réduite. Dans le miroir de l'ascenseur, j'ai vu les petits cheveux échappés du chignon que la chaleur collait à mon front et aussi les cernes sous les yeux fatigués.
Il y eut une douche, un tee shirt qui sentait bon, une jupe encore un peu froissée, un chocolat chaud les cheveux mouillés, une étreinte.
Puis il fallut repartir, un peu en retard cette fois-ci, malgré nos préventions.
Ma petite soeur nous attendait devant la gare. Elle est aussi bavarde que je suis taciturne, elle a la répartie assez cinglante, elle vient de faire les premières lasagnes de sa vie (avec encore de la béchamel en flacon mais bon). Elle étudie avec passion et application les sciences politiques et le journalisme. Elle est souvent sidérée par le fait que hé non, je ne lis pas tous les jours un quotidien d'information. Elle aime travailler à la BSG. Elle improvise avec ses amis des dîners presque parfaits. C'est une adepte de la tarte aux légumes, du saucisson et du beaufort. Elle va déguster des glaces Berthillon sur l'île Saint Louis après minuit. Autrefois elle me tirait les cheveux, lisait mon journal et piquait mes chaussettes préférées sans en avoir l'autorisation. Aujourd'hui, elle m'offre des livres de cuisine et parfois, avec un peu de chance, elle nous prête son petit appartement à Paris. Elle a grandi, un peu.
La route qui mène chez mes parents est d'un incommensurable ennui, nous parlons beaucoup pour résister à son caractère soporifique. J'appréhende toujours ces journées de retrouvaille familiale, j'ai peur de l'examen scrupuleux et silencieux auquel s'adonnent mes parents, j'ai peur de décevoir ou d'avoir quelque chose de reprochable. Jusqu'à une date encore récente, je mettais toujours des habits un peu vieux aux couleurs passés parce que je ne voulais pas que mes parents croient que je suis une dépensière qui attache de l'importance à l'apparence (n'importe quoi) mais G. n'a cessé de me faire comprendre que bon, ça leur ferait sans doute davantage plaisir de voir que je sais prendre soin de moi et que je ne suis pas dans le besoin (dans mes limites de Radoumi, il s'entend).
Quand on gare la voiture devant la maison, il y a souvent une odeur de nems chauds bouillants qui s'échappe de la cuisine. On admire les rosiers en se dirigeant vers la porte, qui s'ouvre sans qu'on ait besoin de sonner, sur le visage toujours un peu anxieux de mon papa.
Ces retours chez mes parents me sont toujours douloureux, je suis inexplicablement gênée, j'ai l'impression d'être gâtée par toutes les victuailles qui nous sont offertes et les nourritures diverses et variées qui viendront immanquablement remplir un grand sac en papier au moment du départ (des tomates, des radis et des oignons nouveaux du jardin, des germes de soja que fait pousser ma grand-mère, des nems, des brochettes de boeuf à la citronnelle, un petit rôti sucre et soja, du pain au sésame, du lait (!)... liste non exhaustive). Les mamans aiment nourrir leurs enfants.
Et puis il y a l'angoisse des incompréhensions, l'application que l'on met à ne pas gâcher le moment des retrouvailles, les sujets de conversation qu'on se surveille de ne pas aborder, les silences que l'on interprète comme une anxiété de l'autre et les films dramatiques qu'on s'imagine stérilement.
Mais ce que je trouve le plus douloureux dans ces retours chez mes parents, c'est l'heure qui précède le départ parce que systématiquement, tous ces motifs d'angoisse disparaissent, on discute alors à bâtons rompus autour d'une glace ou d'un thé, on se dit des choses gentilles et drôles, on n'a plus envie de partir, on se demande pourquoi ça n'est pas tout le temps comme cela. C'est le secret de l'imminence des départs.
Pour se remettre de toutes ces émotions, un dessert pour les soirées d'été, une crème au café légère et parfumée d'après une recette de Laura Zavan grâce à qui j'ai appris faire de l'osso buco in bianco et des pappardelle al ragù d'agnello.
Petites crèmes comme un cappucino
Pour trois ramequins
-10cL de lait
-5 cL de café fort froid
-55g de sucre
-2 jaunes d'oeuf
-2 feuilles de gélatine
-une gousse de vanille
-12,5 cL de crème fraîche bien froide
Mettre la gélatine à tremper dans de l'eau froide.
Faire bouillir le lait avec la moitié du sucre. Y faire infuser la gousse de vanille que vous aurez fendu et dont vous aurez retiré les graines.
Fouetter les jaunes d'oeufs avec le reste ddu sucre. Quand le mélange est bien crémeux, verser le café, puis le lait chaud, en ne cessant de remuer.
Si vous êtes patient, faire cuire cette préparation au bain marie jusqu'à l'obtention d'une sorte de crème anglaise. Je me suis contentée de la verser dans une casserole à fond épais et j'ai fait cuire à feu doux, sans cesser de remuer.
Essorer la gélatine, l'incorporer à ce mélange.
Fouetter la crème en chantilly débutante et l'incorporer délicatement dans la préparation au café.
Répartir dans des ramequins et réfrigérer pendant au moins 6 heures.
J'ai très peu d'appétence pour le café, je n'en bois presque jamais (même si j'ai remarqué que "boire un café" pouvait revêtir un rôle absolument socialisant, surtout en collectivité et encore plus quand on ne fume pas) mais ces crèmes n'ont du café que le délicat parfum et pas le goût. Merci Laura!
Je suis arrivée bien plus rapidement que d'habitude à la maison, la densité de la circulation dominicale étant toujours plus réduite. Dans le miroir de l'ascenseur, j'ai vu les petits cheveux échappés du chignon que la chaleur collait à mon front et aussi les cernes sous les yeux fatigués.
Il y eut une douche, un tee shirt qui sentait bon, une jupe encore un peu froissée, un chocolat chaud les cheveux mouillés, une étreinte.
Puis il fallut repartir, un peu en retard cette fois-ci, malgré nos préventions.
Ma petite soeur nous attendait devant la gare. Elle est aussi bavarde que je suis taciturne, elle a la répartie assez cinglante, elle vient de faire les premières lasagnes de sa vie (avec encore de la béchamel en flacon mais bon). Elle étudie avec passion et application les sciences politiques et le journalisme. Elle est souvent sidérée par le fait que hé non, je ne lis pas tous les jours un quotidien d'information. Elle aime travailler à la BSG. Elle improvise avec ses amis des dîners presque parfaits. C'est une adepte de la tarte aux légumes, du saucisson et du beaufort. Elle va déguster des glaces Berthillon sur l'île Saint Louis après minuit. Autrefois elle me tirait les cheveux, lisait mon journal et piquait mes chaussettes préférées sans en avoir l'autorisation. Aujourd'hui, elle m'offre des livres de cuisine et parfois, avec un peu de chance, elle nous prête son petit appartement à Paris. Elle a grandi, un peu.
La route qui mène chez mes parents est d'un incommensurable ennui, nous parlons beaucoup pour résister à son caractère soporifique. J'appréhende toujours ces journées de retrouvaille familiale, j'ai peur de l'examen scrupuleux et silencieux auquel s'adonnent mes parents, j'ai peur de décevoir ou d'avoir quelque chose de reprochable. Jusqu'à une date encore récente, je mettais toujours des habits un peu vieux aux couleurs passés parce que je ne voulais pas que mes parents croient que je suis une dépensière qui attache de l'importance à l'apparence (n'importe quoi) mais G. n'a cessé de me faire comprendre que bon, ça leur ferait sans doute davantage plaisir de voir que je sais prendre soin de moi et que je ne suis pas dans le besoin (dans mes limites de Radoumi, il s'entend).
Quand on gare la voiture devant la maison, il y a souvent une odeur de nems chauds bouillants qui s'échappe de la cuisine. On admire les rosiers en se dirigeant vers la porte, qui s'ouvre sans qu'on ait besoin de sonner, sur le visage toujours un peu anxieux de mon papa.
Ces retours chez mes parents me sont toujours douloureux, je suis inexplicablement gênée, j'ai l'impression d'être gâtée par toutes les victuailles qui nous sont offertes et les nourritures diverses et variées qui viendront immanquablement remplir un grand sac en papier au moment du départ (des tomates, des radis et des oignons nouveaux du jardin, des germes de soja que fait pousser ma grand-mère, des nems, des brochettes de boeuf à la citronnelle, un petit rôti sucre et soja, du pain au sésame, du lait (!)... liste non exhaustive). Les mamans aiment nourrir leurs enfants.
Et puis il y a l'angoisse des incompréhensions, l'application que l'on met à ne pas gâcher le moment des retrouvailles, les sujets de conversation qu'on se surveille de ne pas aborder, les silences que l'on interprète comme une anxiété de l'autre et les films dramatiques qu'on s'imagine stérilement.
Mais ce que je trouve le plus douloureux dans ces retours chez mes parents, c'est l'heure qui précède le départ parce que systématiquement, tous ces motifs d'angoisse disparaissent, on discute alors à bâtons rompus autour d'une glace ou d'un thé, on se dit des choses gentilles et drôles, on n'a plus envie de partir, on se demande pourquoi ça n'est pas tout le temps comme cela. C'est le secret de l'imminence des départs.
Pour se remettre de toutes ces émotions, un dessert pour les soirées d'été, une crème au café légère et parfumée d'après une recette de Laura Zavan grâce à qui j'ai appris faire de l'osso buco in bianco et des pappardelle al ragù d'agnello.
Petites crèmes comme un cappucino
Pour trois ramequins
-10cL de lait
-5 cL de café fort froid
-55g de sucre
-2 jaunes d'oeuf
-2 feuilles de gélatine
-une gousse de vanille
-12,5 cL de crème fraîche bien froide
Mettre la gélatine à tremper dans de l'eau froide.
Faire bouillir le lait avec la moitié du sucre. Y faire infuser la gousse de vanille que vous aurez fendu et dont vous aurez retiré les graines.
Fouetter les jaunes d'oeufs avec le reste ddu sucre. Quand le mélange est bien crémeux, verser le café, puis le lait chaud, en ne cessant de remuer.
Si vous êtes patient, faire cuire cette préparation au bain marie jusqu'à l'obtention d'une sorte de crème anglaise. Je me suis contentée de la verser dans une casserole à fond épais et j'ai fait cuire à feu doux, sans cesser de remuer.
Essorer la gélatine, l'incorporer à ce mélange.
Fouetter la crème en chantilly débutante et l'incorporer délicatement dans la préparation au café.
Répartir dans des ramequins et réfrigérer pendant au moins 6 heures.
J'ai très peu d'appétence pour le café, je n'en bois presque jamais (même si j'ai remarqué que "boire un café" pouvait revêtir un rôle absolument socialisant, surtout en collectivité et encore plus quand on ne fume pas) mais ces crèmes n'ont du café que le délicat parfum et pas le goût. Merci Laura!