Je n'arrive pas trop à m'y faire
Hier midi, finalement pas trop de monde à Rose Bakery*, et dans la vitrine conséquemment pas encore dévalisée, j'ai observé l'alignement gourmand d'un cake aux framboises, d'un cake au thé vert ET aux framboises, d'un cake au citron, d'un marbré au chocolat, d'un cheesecake (immense, bien lisse), de leurs petits carrot cakes (épais et cylindriques, bien glacés), des scones à profusion dans leur saladier transparent, des tartes aux marrons, des tartes aux fraises, des tartes au citron.
J'en avais déjà la tête qui tournait.
Au-dessus d'un jus orange-banane-framboise, nous établissions le programme de l'après-midi. Dans la file d'attente qui n'a cessé de croître après notre arrivée, deux garçons se plaignaient autour de l'inexistence d'une "formule brunch" (?), deux copines hésitaient à déserter les lieux en faveur d'un japonais pas très loin, une jeune femme avec un chignon sur le côté a finalement décidé de prendre à emporter (des asperges vertes avec du parmesan et une micro tranche de cake aux framboises).
J'ai résisté à l'appel du morceau de pain beurré rituellement servi pour patienter, et je ne l'ai pas regretté quand une serveuse à longue tresse a posé devant moi une assiette d'oeufs brouillés avec un scone au fromage et de la ratatouille. Le tout était bien chaud, bien assaisonné et offrait une alternance de textures très agréable.
J'avais presque terminé mon assiette, j'écoutais G. établir une certaine théorie sur la roquette, quand j'ai senti un regard sur moi parmi les gens qui quittaient la file d'attente pour rejoindre une table dans le fond de la salle. J'ai levé les yeux et là, à côté de moi, il y avait Vincent Delerm, sourire timide et grandes lunettes. Il a dit Bonjour, j'ai répondu Bonjour, et je me suis sentie très bête devant la dernière bouchée de cheese scone que je m'apprêtais à avaler. Puis plus rien, une disparition, une réapparition, un regard silencieux, un départ.
Je vous prie de m'excuser pour la futilité du propos mais si vous avez tout bien suivi, vous pouvez comprendre que j'ai eu par la suite quelques difficultés à me concentrer sur le choix du dessert.
(J'ai pris une tartelette aux fraises)
Plus tard, assis sur un banc en attendant qu'une robe trop grande soit ajustée à ma taille, j'ai essayé d'expliquer à G. pourquoi j'étais envahie d'une angoisse sourde mâtinée de tristesse. On s'est d'abord rappelé qu'il y a six ans environ, alors que je me lamentais sur le fait que Valérie Mréjen allait venir à Nantes et que moi qui adore son travail, bouh bouh, je n'allais pas pouvoir la voir, G. avait dit "Mais tu lui dirais quoi si tu la rencontrais?". J'étais restée muette. Alors là c'est pareil, l'expérience le prouve, qu'est-ce que je peux dire à Vincent Delerm?
Vous savez, j'écoute vos chansons tous les jours et j'aime bien la façon que vous avez de dire Des amis inséparables/Qui se sont séparés ou Bah moi je me reconnais beaucoup dans votre chanson qui parle de la file d'attente pour une séance d'Annie Hall parce que moi aussi je l'ai vu dans une micro cinéma de la rue Champollion la première fois. Bref, trop nul de toute façon.
Parce que ce que je voudrais vraiment lui dire ne tient pas en une phrase, ne peut pas durer juste une minute ni même trois. Mais qu'il est désespérément impossible de s'attendre à autre chose.
Demain, il sera question de cinéma, de livres et de shortbreads (au chocolat ou pas, rien n'est encore décidé).
*rue des Martyrs, celui que je préfère, parce que dans le troisième, j'ai le souvenir de voisins absolument inconsistants et vains et d'un service pour le moins minimal.
J'en avais déjà la tête qui tournait.
Au-dessus d'un jus orange-banane-framboise, nous établissions le programme de l'après-midi. Dans la file d'attente qui n'a cessé de croître après notre arrivée, deux garçons se plaignaient autour de l'inexistence d'une "formule brunch" (?), deux copines hésitaient à déserter les lieux en faveur d'un japonais pas très loin, une jeune femme avec un chignon sur le côté a finalement décidé de prendre à emporter (des asperges vertes avec du parmesan et une micro tranche de cake aux framboises).
J'ai résisté à l'appel du morceau de pain beurré rituellement servi pour patienter, et je ne l'ai pas regretté quand une serveuse à longue tresse a posé devant moi une assiette d'oeufs brouillés avec un scone au fromage et de la ratatouille. Le tout était bien chaud, bien assaisonné et offrait une alternance de textures très agréable.
J'avais presque terminé mon assiette, j'écoutais G. établir une certaine théorie sur la roquette, quand j'ai senti un regard sur moi parmi les gens qui quittaient la file d'attente pour rejoindre une table dans le fond de la salle. J'ai levé les yeux et là, à côté de moi, il y avait Vincent Delerm, sourire timide et grandes lunettes. Il a dit Bonjour, j'ai répondu Bonjour, et je me suis sentie très bête devant la dernière bouchée de cheese scone que je m'apprêtais à avaler. Puis plus rien, une disparition, une réapparition, un regard silencieux, un départ.
Je vous prie de m'excuser pour la futilité du propos mais si vous avez tout bien suivi, vous pouvez comprendre que j'ai eu par la suite quelques difficultés à me concentrer sur le choix du dessert.
(J'ai pris une tartelette aux fraises)
Plus tard, assis sur un banc en attendant qu'une robe trop grande soit ajustée à ma taille, j'ai essayé d'expliquer à G. pourquoi j'étais envahie d'une angoisse sourde mâtinée de tristesse. On s'est d'abord rappelé qu'il y a six ans environ, alors que je me lamentais sur le fait que Valérie Mréjen allait venir à Nantes et que moi qui adore son travail, bouh bouh, je n'allais pas pouvoir la voir, G. avait dit "Mais tu lui dirais quoi si tu la rencontrais?". J'étais restée muette. Alors là c'est pareil, l'expérience le prouve, qu'est-ce que je peux dire à Vincent Delerm?
Vous savez, j'écoute vos chansons tous les jours et j'aime bien la façon que vous avez de dire Des amis inséparables/Qui se sont séparés ou Bah moi je me reconnais beaucoup dans votre chanson qui parle de la file d'attente pour une séance d'Annie Hall parce que moi aussi je l'ai vu dans une micro cinéma de la rue Champollion la première fois. Bref, trop nul de toute façon.
Parce que ce que je voudrais vraiment lui dire ne tient pas en une phrase, ne peut pas durer juste une minute ni même trois. Mais qu'il est désespérément impossible de s'attendre à autre chose.
Demain, il sera question de cinéma, de livres et de shortbreads (au chocolat ou pas, rien n'est encore décidé).
*rue des Martyrs, celui que je préfère, parce que dans le troisième, j'ai le souvenir de voisins absolument inconsistants et vains et d'un service pour le moins minimal.