C'est à la fois un refuge et le lieu de toutes les fêtes (anniversaire en terrasse, l'été, concours réussis, chef-d'oeuvre au cinéma).
C'est le détour rapide en début de soirée pour voir ce qu'il y a à l'ardoise ce jour-là.
C'est la joie d'être saluée par les serveurs quand on passe dans la rue, juste comme ça (ou pour aller chez le coiffeur).
C'est l'observation discrète des livraisons de légumes dans leurs cageots en bois si l'on traverse le quartier tôt le matin.
C'est à deux minutes de la maison, juste à côté de la place du Calvaire (celui-ci étant pour moi de choisir un dessert).
Ma table préférée est au bord d'une fenêtre. En décembre, il y a un petit sapin, au printemps, un bouquet d'anémones ou de tulipes.
Le restaurant est divisé en deux salles. C'est dans la première, côté comptoir, que se passent les choses les plus intéressantes. Elle permet d'avoir une petite vue sur la cuisine (autour des salamandres et des poêles super lourdes, ça s'active sec) et offre un large panorama sur Marianne, qui lorsqu'elle ne s'agite pas au-dessus des gigots, des poulets rôtis ou des jambon à l'os, fait la conversation avec la série d'habitués qui dînent au comptoir derrière lequel elle arrose les viandes, les découpe, les dresse, avec
amour, ou quelque chose comme ça. A 21heures, c'est le rituel quotidien, celui qui voit débarquer des visages familiers (libraire de bandes dessinées...), grands garçons seuls qui embrassent Marianne et trinquent illico. Le mystère plane sur cette troupe, où dînent-ils le week end quand le restaurant est fermé? D'une manière générale, on croise toujours un peu les mêmes silhouettes, des personnages du centre-ville, ceux qu'on reconnait au marché, à la boulangerie, ou fendant la place du Parlement à pas pressés vers des cabinets secrets. On assiste parfois à des micro-surprises, la marchande de papier coincée qui en est à son troisième verre, une petite fille à lunettes rouges qui réclame une bavette
saignante, la longiligne épouse d'un musicien qui demande un peu plus de riz au lait.
Dans la deuxième salle... j'aurais du mal à décrire l'ambiance parce que nous n'y sommes jamais. J'ai fait l'erreur d'y emmener
deux super
amies, un soir où en plus Marianne n'était pas là... C'était moins bien, j'en suis désolée. Le pôle d'attraction me semble être la table des desserts qui dépend des promesses lancées par Marianne au moment du départ
"Revenez demain je ferai de la tarte aux figues!" Je n'y ai jamais goûté mais sa tarte au citron et celle au chocolat sont assez terribles. Il y a aussi de la mousse au choco, du nougat glacé servi avec une sauce à l'orange, du gâteau aux noisettes, du clafoutis aux mirabelles et dans un grand saladier, des pruneaux au vin.
J'ai encore en tête un dîner mémorable où exceptionnellement, il y avait des plateaux de fruits de mer, proposés presque dans un chuchotement par une serveuse extra au moment où l'on contemplait les ardoises. Il y eut ensuite un moment d'agitation comique quand ils s'aperçurent qu'il n'y avait pas d'instrument adéquat pour goûter les bigorneaux. Moi je me régalais des langoustines, énormes, pile au moment Marianne a posé sur la table un morceau de beurre frais. Je me souviens aussi de soirées entières passées là-bas, à boire des vins délicieux (tous sont naturels et sont listés sur des cahiers d'écoliers), après trois desserts partagés. Les dîners hivernaux sont magnifiques à cause de leur purée qu'ils ne servent pas l'été, un modèle de volupté, le réceptable brûlant idéal pour le jus des rôtis.
C'est un endroit qui fait du bien, émousse toujours les chagrins.
Mardi soir, G. ne pouvait pas rester à la maison, le frigo était vide et j'avais le coeur triste (problèmes très compliqués au travail, il parait que je suis une vilaine fainéasse individualiste super nulle. La situation est absurde mais peut coûter cher. Je ne laisse évidemment rien transparaître devant les patients mais lorsque l'un d'eux me demande si je vais bien, je me mords la lèvre discrètement) alors hop, j'y suis allée. Accueil royal, comme d'habitude, décuplé par ma solitude que chacune entreprit de consoler même si je leur ai dit que je retrouverai G. dès le repas terminé. Ils m'ont installée au bout du comptoir, vue parfaite sur la cuisine. Les habitués discutaient avec le chef de la meilleure façon de préparer des pommes de terre sautées, les avis étaient partagés. On m'a apporté du filet de boeuf saignant comme je l'aime, tendre comme de la guimauve, délicieux avec de la moutarde. Et puis on m'a proposé un dessert, j'ai choisi la brioche perdue, servie tiède, renfermant des raisins secs et du rhum, épaisse comme un édredon et entourée de caramel de lait, bien frais. J'aurais pu en prendre une deuxième part.
Quelque chose que j'ai fait deux fois en une semaine et qui disparait en un clin d'oeil, ce sont
les sablés fourrés au chocolat de Mingou! Les grignoter avec un verre de lait froid fut une activité aux vertus apaisantes. Tout comme découvrir que les renoncules blanches frangées de rose ont ouvert leurs pétales dans un petit vase, tout près du piano.
Les sablés fourrés au chocolat de Mingou
Pour une vingtaine de sablés
-250g de farine
-60g de beurre demi-sel coupés en petits morceaux
-120g de sucre blond
-1/2 sachet de levure chimique
-1 oeuf + 1 jaune pour badigeonner
-2CS de lait + 2CS pour badigeonner
-de la pâte à tartiner: alors là, c'est à vous de voir. Je pense que celle utilisée par Mingou (de la marque Rapunzel) est très bien parce qu'elle a un bon goût de chocolat noir mais pour en avoir ici, il faut prendre le bus, c'est toute une histoire. Du coup, j'en ai fait une première fois avec de la Chocolade (la pâte à tartiner de Jean Hervé) et c'était très bon mais la deuxième fois j'ai essayé avec du Nut-Nut et là, bien que je n'aime pas trop ça d'habitude, c'est absolument addictif!
Mélanger la farine, le sucre et la levure.
Ajouter le beurre et sabler du bout des doigts.
Battre l'oeuf avec le lait et verser dans le puits.
Amalgamer rapidement pour former un pâte qu'il faut filmer et laisser reposer au moins une heure au réfrigérateur.
Au bout de ce temps, étaler la pâte très finement sur une surface farinée.
Découper des cercles (je trouve que 3-4cm c'est bien).
Sur la moitié d'entre eux, déposer une grosse cuillère à café de pâte à tartiner puis refermer avec l'autre moitié des cercles. Bien souder les bords.
Dorer avec le mélange jaune d'oeuf-deux CS de lait.
Faire cuire une dizaine de minutes dans un four préchauffé à 180° (ça va assez vite).
Le Tire-Bouchon (un endroit où vous avez toutes les chances de me croiser le vendredi soir!)
2 rue du Chapitre à Rennes
02 99 79 43 43