Les parties remises et le gratin de pommes aux amaretti de sa nonna
C'est vrai, j'avoue:
-un soir où G. était de garde, je me suis lancée dans la confection d'une brioche selon les règles de l'art, j'ai pétri la pâte jusqu'à la crampe, j'ai laissé lever tranquillement près du radiateur de mon bureau (que j'avais allumé exprès au minimum pour l'occasion) sous mon torchon préféré. Pour m'encourager, je m'étais préparée des spaghetti carbonara aux knackis (ouh la honte!) dans une assiette à fleurs mais je suis rassurée, il existe une autre fan de cela (et même que G. a appelé au moment où j'aspirais ma première bouchée et je me souviens de mon "Ichi cha va et toi?") et je voulais qu'il trouve en rentrant une délicieuse brioche dorée et rebondie. Bon, j'écourte le suspense, ce fut un immense fiasco, il règnait une atroce odeur de levain dans l'appartement, j'ai tout jeté à la poubelle. Heureusement, G. avait acheté des croissants.
Et je n'ai jamais osé refaire de brioche.
-j'ai passé le permis deux fois sans succès et je n'ai jamais repris de cours de conduite.
-j'ai arrêté la guitare avant même de savoir en jouer.
-j'ai arrêté le violoncelle parce que je ne voulais pas me donner la peine de bien en jouer.
-j'ai arrêté la danse classique parce que je n'en pouvais plus de mon reflet au milieu de toutes les petites filles occidentales sur les miroirs immenses qui tapissaient la salle de danse.
-j'ai jeté un énorme tiramisu à la crème de marrons à la poubelle parce que j'avais été tellement contente de manipuler une poche à douille que j'en ai oublié que la crème de marrons, c'est sucré. Très sucré. Trop sucré.
-je suis partie d'hypokhâgne parce que j'avais peur de constater que je n'étais pas si brillante qu'on me l'avait prédit.
-je n'ai jamais fini le canevas à mes initiales que m'avait acheté ma maman.
-je ne sais plus parler le cambodgien et je n'arrive pas à m'y remettre. Je le comprends parfaitement mais les mots mettent un temps fou sur ma langue avant de former une phrase.
-je n'ose pas demander à la grande fille pâle aux yeux bleus qui vend des pizzas ce qu'est devenue A. A. était une brune longiligne qui portait été comme hiver une longue redingote noire, elle fumait des Gauloise, elle faisait du théâtre dans mon lycée et avait une belle voix grave de tragédienne. J'étais très impressionnée. Je lui avais écrit une lettre après l'avoir vue dans une pièce de Koltès et nous nous retrouvions de temps en temps autour d'un café. Et puis A. est partie faire des études à Paris. La dernière fois que je l'ai eue au téléphone, c'était au travers du plastique froid du combiné de l'internat d'hypokhâgne, je lui disais que je ne pouvais pas rester là, que finalement j'allais faire médecine. Elle était au lycée Molière et s'est mise à pleurer en disant qu'elle ne tiendrait pas, je me souviens de son "J'ai mal partout". Il se trouve que la fille aux yeux bleus des pizzas était la meileure amie de A. mais je n'ose rien et quand je demande "Une grande Etna s'il vous plaît", je détourne systématiquement le regard.
Pour mes vingt ans ma maman m'a offert Apprendre à finir.
Alors c'est vrai, je baisse souvent les bras, je lâche le volant, je suis d'une vélléité inégalable, mais cette fois-ci je ne me résigne pas. Je repasse l'internat pour être ce que j'ai très tôt voulu être quand j'ai commencé médecine (psychiatre); tant pis, il faut à nouveau réviser et apprendre par coeur un tas de choses pas toujours très interessantes, il faut accepter de prendre un poste dans un labo tout pourri pendant au moins six mois, il faut ravaler son orgueil, affronter les regard méprisants, survivre aux gardes des urgences, ne pas pleurer en cachette, on tient sa ligne, on reste droite (en étant une fille de gauche).
Fragile mais déterminée comme une statue de Giacometti.
Et l'on peut sècher une séance de pitanalyse pour aller au cinéma voir Deux vies plus une, un film où Emmanuelle Devos, brillante, console de grands chagrin en allant discuter avec le fantôme de son père au cimetière (et puis elle fait des gâteaux au chocolat en forme de coeur pendant que Gérard Darmon tartine des Krisprolls de rillettes).
En regardant la nuit tomber toujours plus tôt, on peut réviser dans la cuisine en surveillant la cuisson d'un castellana, le gratin de pommes aux amaretti qu'aimait préparer la grand-mère ligure de Larissa Bertonasco, l'auteur d'un un joli livre de recettes et d'histoires acheté chez un bouquiniste pour le prix de trois pains au chocolat.
Le gratin de pommes aux amaretti de sa nonna (recette légèrement modifiée)
Pour un moule carré de quinze cm de côté
-500g de pommes (ici des reines des reinettes) pelées et coupées en tranches épaisses
-3 cuillères à soupe de rapadura
-un demi verre de jus d'orange
-25cL de lait
-20g de beurre salé
-1 cuillère à soupe de farine
-un demi oeuf
-80g d'amaretti (j'ai trouvé ceux de la marque Sapori recommandés par la nonna!)
Mettre les pommes tranchées dans le plat à gratin, saupoudrer d'une cuillère à soupe de rapadura et du jus d'orange et enfourner environ 40 minutes dans un four préchauffé à 160°.
Pendant de temps, porter le lait additionné du reste de sucre à ébullition.
Dans une petite casserole, faire fondre le beurre dans la farine à feu doux puis ajouter le lait sucré bouillant. Mélanger jusqu'à ce que le mélange épaississe.
Retirer alors la casserole du feu et laisser un peu refroidir avant d'incorporer le demi oeuf.
Verser cette crème sur les pommes cuites puis répartir les amaretti écrasés sur toute la surface.
Faire cuire environ une demie heure à 150°.
C'est délicieux tiède mais aussi très bon froid, le lendemain.
-un soir où G. était de garde, je me suis lancée dans la confection d'une brioche selon les règles de l'art, j'ai pétri la pâte jusqu'à la crampe, j'ai laissé lever tranquillement près du radiateur de mon bureau (que j'avais allumé exprès au minimum pour l'occasion) sous mon torchon préféré. Pour m'encourager, je m'étais préparée des spaghetti carbonara aux knackis (ouh la honte!) dans une assiette à fleurs mais je suis rassurée, il existe une autre fan de cela (et même que G. a appelé au moment où j'aspirais ma première bouchée et je me souviens de mon "Ichi cha va et toi?") et je voulais qu'il trouve en rentrant une délicieuse brioche dorée et rebondie. Bon, j'écourte le suspense, ce fut un immense fiasco, il règnait une atroce odeur de levain dans l'appartement, j'ai tout jeté à la poubelle. Heureusement, G. avait acheté des croissants.
Et je n'ai jamais osé refaire de brioche.
-j'ai passé le permis deux fois sans succès et je n'ai jamais repris de cours de conduite.
-j'ai arrêté la guitare avant même de savoir en jouer.
-j'ai arrêté le violoncelle parce que je ne voulais pas me donner la peine de bien en jouer.
-j'ai arrêté la danse classique parce que je n'en pouvais plus de mon reflet au milieu de toutes les petites filles occidentales sur les miroirs immenses qui tapissaient la salle de danse.
-j'ai jeté un énorme tiramisu à la crème de marrons à la poubelle parce que j'avais été tellement contente de manipuler une poche à douille que j'en ai oublié que la crème de marrons, c'est sucré. Très sucré. Trop sucré.
-je suis partie d'hypokhâgne parce que j'avais peur de constater que je n'étais pas si brillante qu'on me l'avait prédit.
-je n'ai jamais fini le canevas à mes initiales que m'avait acheté ma maman.
-je ne sais plus parler le cambodgien et je n'arrive pas à m'y remettre. Je le comprends parfaitement mais les mots mettent un temps fou sur ma langue avant de former une phrase.
-je n'ose pas demander à la grande fille pâle aux yeux bleus qui vend des pizzas ce qu'est devenue A. A. était une brune longiligne qui portait été comme hiver une longue redingote noire, elle fumait des Gauloise, elle faisait du théâtre dans mon lycée et avait une belle voix grave de tragédienne. J'étais très impressionnée. Je lui avais écrit une lettre après l'avoir vue dans une pièce de Koltès et nous nous retrouvions de temps en temps autour d'un café. Et puis A. est partie faire des études à Paris. La dernière fois que je l'ai eue au téléphone, c'était au travers du plastique froid du combiné de l'internat d'hypokhâgne, je lui disais que je ne pouvais pas rester là, que finalement j'allais faire médecine. Elle était au lycée Molière et s'est mise à pleurer en disant qu'elle ne tiendrait pas, je me souviens de son "J'ai mal partout". Il se trouve que la fille aux yeux bleus des pizzas était la meileure amie de A. mais je n'ose rien et quand je demande "Une grande Etna s'il vous plaît", je détourne systématiquement le regard.
Pour mes vingt ans ma maman m'a offert Apprendre à finir.
Alors c'est vrai, je baisse souvent les bras, je lâche le volant, je suis d'une vélléité inégalable, mais cette fois-ci je ne me résigne pas. Je repasse l'internat pour être ce que j'ai très tôt voulu être quand j'ai commencé médecine (psychiatre); tant pis, il faut à nouveau réviser et apprendre par coeur un tas de choses pas toujours très interessantes, il faut accepter de prendre un poste dans un labo tout pourri pendant au moins six mois, il faut ravaler son orgueil, affronter les regard méprisants, survivre aux gardes des urgences, ne pas pleurer en cachette, on tient sa ligne, on reste droite (en étant une fille de gauche).
Fragile mais déterminée comme une statue de Giacometti.
Et l'on peut sècher une séance de pitanalyse pour aller au cinéma voir Deux vies plus une, un film où Emmanuelle Devos, brillante, console de grands chagrin en allant discuter avec le fantôme de son père au cimetière (et puis elle fait des gâteaux au chocolat en forme de coeur pendant que Gérard Darmon tartine des Krisprolls de rillettes).
En regardant la nuit tomber toujours plus tôt, on peut réviser dans la cuisine en surveillant la cuisson d'un castellana, le gratin de pommes aux amaretti qu'aimait préparer la grand-mère ligure de Larissa Bertonasco, l'auteur d'un un joli livre de recettes et d'histoires acheté chez un bouquiniste pour le prix de trois pains au chocolat.
Le gratin de pommes aux amaretti de sa nonna (recette légèrement modifiée)
Pour un moule carré de quinze cm de côté
-500g de pommes (ici des reines des reinettes) pelées et coupées en tranches épaisses
-3 cuillères à soupe de rapadura
-un demi verre de jus d'orange
-25cL de lait
-20g de beurre salé
-1 cuillère à soupe de farine
-un demi oeuf
-80g d'amaretti (j'ai trouvé ceux de la marque Sapori recommandés par la nonna!)
Mettre les pommes tranchées dans le plat à gratin, saupoudrer d'une cuillère à soupe de rapadura et du jus d'orange et enfourner environ 40 minutes dans un four préchauffé à 160°.
Pendant de temps, porter le lait additionné du reste de sucre à ébullition.
Dans une petite casserole, faire fondre le beurre dans la farine à feu doux puis ajouter le lait sucré bouillant. Mélanger jusqu'à ce que le mélange épaississe.
Retirer alors la casserole du feu et laisser un peu refroidir avant d'incorporer le demi oeuf.
Verser cette crème sur les pommes cuites puis répartir les amaretti écrasés sur toute la surface.
Faire cuire environ une demie heure à 150°.
C'est délicieux tiède mais aussi très bon froid, le lendemain.