Le secret d'un curry réussi, upside-down cake aux figues et interrogation sur le voisinage
J'ai très tôt participé à la préparation du curry avec ma maman. J'ai toujours eu la même tâche précise, un peu comme un rituel. Quand j'en avais encore besoin, elle installait un petit escabeau devant la gazinière et mon rôle consistait à ne jamais arrêter de remuer avec une grande cuillère en bois le riz mis à griller à sec à feu doux dans une large poêle à hauts bords. Comme ce riz avait préalablement été lavé, il formait à la phase initiale de petits tas qui finissaient par se rompre au fur et à mesure que les grains brunissaient. Il ne fallait jamais cesser de remuer, sous peine de voir les grains brûler. Une fois qu'ils étaient tous uniformément bronzés, ma maman les réduisait en poudre dans un petit moulin à café electrique.
Alors que j'étais absorbée par ma tâche (oui, je me sentais investie d'une grande responsabilité), ma maman préparait le reste des épices qui composaient son curry: de la citronnelle, du curcuma, du galanga, de l'échalote, de l'ail, de l'écorce de cumbava... Elle les écrasait dans un mortier avec ma poudre de riz grillé. J'aimais beaucoup cette atmosphère parfumée, ces instants passés ensemble. Ma maman chantait ou me racontait des histoires, c'était très agréable.
Le curry en lui-même cuisait longtemps, il fallait du lait de coco bien sûr, et puis des patates douces, des oignons, des haricots verts, de l'aubergine, et une viande, selon l'envie, coupée en gros cubes, et qui serait infiniment fondante. C'est un plat terriblement réconfortant, onctueux, rassurant.
Lorsqu'avec G. nous décidons de faire un curry (et j'apprécie particulièrement cette décision le dimanche soir quand nous rentrons d'une longue ballade) je ne mets pas de riz à griller, nous utilisons des pâtes ou des poudres de curry déjà prêtes. C'est peut-être idiot puisqu'il y a la recette de ma maman, mais d'une manière générale, je suis toujours angoissée à l'idée de reproduire ses plats à elle; j'ai peur de la déception. Cependant, nos curry sont également délicieux et réconfortants (sauf lorsque je mets trop de pâte comme la dernière fois, et que celle-ci est composée pour moitié de piment rouge: nos palais n'avaient alors rien à envier au Vésuve en éruption) et celui que G. a préparé il y a quelques temps concurrençait très sérieusement ceux de ma maman. G. a obtenu ce résultat en utilisant l'ingrédient de la photo (n'est-ce pas qu'on dirait un petit pot de cosmétique?), le kapik. C'est une pâte de crevettes salées, séchées et fermentées, qui dégage une terrible odeur de pourriture rivalisant avec le durian, mais qui utilisée avec parcimonie donne un délicieux goût au curry. Je l'appelle avec affection "la pâte de crevettes pourrie qui pue", ma maman l'utilise aussi dans des sautés et elle leur confère réellement un petit goût très agréable.
Le soir où G. a inauguré notre petit pot de kapik, j'ai constaté avec horreur que notre réserve de riz était vide (enfin, il en restait pour un tiers de personne). Comme il est évidemment inconcevable de déguster un curry avec un autre accompagnement (mmm, c'est si bon le riz imprégné de sauce à la noix de coco épicée...), j'ai immédiatement chaussé mes tennis et je suis allée en chercher chez "la sorcière". Bien entendu, ce n'est pas une sorcière, c'est juste une épicière en bas de chez nous, dont le magasin reste un peu ouvert après la fermeture du Monop, qui se targue de vendre des produits de qualité (oserais-je dire "de luxe"?) et de haute valeur gustative mais qui, lorsqu'on lui demande si elle a du mascarpone, répond hébétée: "C'est quoi le mascarpone? Une sorte de fromage blanc?". Bref. En plus de tous ses défauts, elle n'avait plus de riz ce soir-là. J'étais désespérée, je ne voyais plus qu'une solution: les voisins.
J'avais déjà sollicité leur générosité un après-midi où il me manquait un oeuf pour la réalisation du crousti-passion de Mercotte. Ce jour-là, je n'avais pas du tout le temps de sortir, la livraison des courses ne devait avoir lieu que six heures plus tard, le crousti-passion devait impérativement être prêt pour le soir, il me fallait cet oeuf de toute urgence. Un des voisins (ce sont deux garçons en collocation, ils ont l'air très gentils, parfois il règne sur le palier de délicieuses odeurs de cuisine asiatique -l'un d'eux l'est- dont celle des nems!), mais nos timidités respectives font que nous n'en savons guère davantage sur eux. Je n'avais pas pu leur apporter du crousti-passion pour les remercier, c'était trop bon et il n'y en avait plus, alors cette fois-ci, pour le riz, j'ai voulu leur apporter un gâteau. J'ai décidé de faire un upside down cake aux figues inspirée de la recette d'Esterelle, j'avais déjà fait sa version aux abricots et c'était absolument délicieux (la petite croûte de caramel... miam!).
Celui aux figues était parfaitement réussi, avec une belle couronne dorée et caramélisée, je leur en ai découpé une jolie part et ils avaient l'air ravis. Le problème: cet épisode s'est passé il y a déjà un mois, ils ne nous ont pas rendu l'assiette et quand nous les croisons, ils ne font aucune allusion au gâteau. Que s'est-il passé?
-l'upside down est tombé sur le carrelage douteux de la cuisine et a fini à la poubelle
-ils l'ont trouvé infâme et me détestent
-ils l'ont trouvé divin, ne savent pas comment me remercier et attendent Noël pour m'offir mon poids en pâtisseries Sadaharu Aoki.
Je pourrais simplement leur poser la question (ne serait-ce que pour l'assiette), mais la timidité, que voulez-vous...
Alors que j'étais absorbée par ma tâche (oui, je me sentais investie d'une grande responsabilité), ma maman préparait le reste des épices qui composaient son curry: de la citronnelle, du curcuma, du galanga, de l'échalote, de l'ail, de l'écorce de cumbava... Elle les écrasait dans un mortier avec ma poudre de riz grillé. J'aimais beaucoup cette atmosphère parfumée, ces instants passés ensemble. Ma maman chantait ou me racontait des histoires, c'était très agréable.
Le curry en lui-même cuisait longtemps, il fallait du lait de coco bien sûr, et puis des patates douces, des oignons, des haricots verts, de l'aubergine, et une viande, selon l'envie, coupée en gros cubes, et qui serait infiniment fondante. C'est un plat terriblement réconfortant, onctueux, rassurant.
Lorsqu'avec G. nous décidons de faire un curry (et j'apprécie particulièrement cette décision le dimanche soir quand nous rentrons d'une longue ballade) je ne mets pas de riz à griller, nous utilisons des pâtes ou des poudres de curry déjà prêtes. C'est peut-être idiot puisqu'il y a la recette de ma maman, mais d'une manière générale, je suis toujours angoissée à l'idée de reproduire ses plats à elle; j'ai peur de la déception. Cependant, nos curry sont également délicieux et réconfortants (sauf lorsque je mets trop de pâte comme la dernière fois, et que celle-ci est composée pour moitié de piment rouge: nos palais n'avaient alors rien à envier au Vésuve en éruption) et celui que G. a préparé il y a quelques temps concurrençait très sérieusement ceux de ma maman. G. a obtenu ce résultat en utilisant l'ingrédient de la photo (n'est-ce pas qu'on dirait un petit pot de cosmétique?), le kapik. C'est une pâte de crevettes salées, séchées et fermentées, qui dégage une terrible odeur de pourriture rivalisant avec le durian, mais qui utilisée avec parcimonie donne un délicieux goût au curry. Je l'appelle avec affection "la pâte de crevettes pourrie qui pue", ma maman l'utilise aussi dans des sautés et elle leur confère réellement un petit goût très agréable.
Le soir où G. a inauguré notre petit pot de kapik, j'ai constaté avec horreur que notre réserve de riz était vide (enfin, il en restait pour un tiers de personne). Comme il est évidemment inconcevable de déguster un curry avec un autre accompagnement (mmm, c'est si bon le riz imprégné de sauce à la noix de coco épicée...), j'ai immédiatement chaussé mes tennis et je suis allée en chercher chez "la sorcière". Bien entendu, ce n'est pas une sorcière, c'est juste une épicière en bas de chez nous, dont le magasin reste un peu ouvert après la fermeture du Monop, qui se targue de vendre des produits de qualité (oserais-je dire "de luxe"?) et de haute valeur gustative mais qui, lorsqu'on lui demande si elle a du mascarpone, répond hébétée: "C'est quoi le mascarpone? Une sorte de fromage blanc?". Bref. En plus de tous ses défauts, elle n'avait plus de riz ce soir-là. J'étais désespérée, je ne voyais plus qu'une solution: les voisins.
J'avais déjà sollicité leur générosité un après-midi où il me manquait un oeuf pour la réalisation du crousti-passion de Mercotte. Ce jour-là, je n'avais pas du tout le temps de sortir, la livraison des courses ne devait avoir lieu que six heures plus tard, le crousti-passion devait impérativement être prêt pour le soir, il me fallait cet oeuf de toute urgence. Un des voisins (ce sont deux garçons en collocation, ils ont l'air très gentils, parfois il règne sur le palier de délicieuses odeurs de cuisine asiatique -l'un d'eux l'est- dont celle des nems!), mais nos timidités respectives font que nous n'en savons guère davantage sur eux. Je n'avais pas pu leur apporter du crousti-passion pour les remercier, c'était trop bon et il n'y en avait plus, alors cette fois-ci, pour le riz, j'ai voulu leur apporter un gâteau. J'ai décidé de faire un upside down cake aux figues inspirée de la recette d'Esterelle, j'avais déjà fait sa version aux abricots et c'était absolument délicieux (la petite croûte de caramel... miam!).
Celui aux figues était parfaitement réussi, avec une belle couronne dorée et caramélisée, je leur en ai découpé une jolie part et ils avaient l'air ravis. Le problème: cet épisode s'est passé il y a déjà un mois, ils ne nous ont pas rendu l'assiette et quand nous les croisons, ils ne font aucune allusion au gâteau. Que s'est-il passé?
-l'upside down est tombé sur le carrelage douteux de la cuisine et a fini à la poubelle
-ils l'ont trouvé infâme et me détestent
-ils l'ont trouvé divin, ne savent pas comment me remercier et attendent Noël pour m'offir mon poids en pâtisseries Sadaharu Aoki.
Je pourrais simplement leur poser la question (ne serait-ce que pour l'assiette), mais la timidité, que voulez-vous...
L'upside down cake aux figues
Pour un moule de 24 cm de diamètre
10 à 12 figues coupées en deux ou en quatre
Pour le caramel:
120g de beurre demi-sel
150g de cassonade
Pour le gâteau:
120g de beurre demi-sel bien mou
168g de sucre
1 cuillère à café de vanille liquide ou une gousse de vanille fendue et grattée
2 gros oeufs de poules qui sont libres de leurs mouvements
137g de farine
27g de poudre d'amandes
1 sachet de levure chimique
186g de lait ribot
Mettre les ingrédients du caramel dans le moule et laisser cuire à feu très doux sans y toucher, jusu'à obtenir un sable blond doré.
Répartir les figues coupées sur cet appétissant sirop.
Mélanger le beurre et le sucre puis ajouter la vanille sous la forme disponible.
Ajouter les oeufs un à un, en mélangeant bien entre chaque.
Dans un bol, mélanger la farine, la poudre d'amandes et la levure.
Ajouter ce mélange à la pâte en alternance avec le lait ribot.
La pâte est belle et lisse.
Verser la sur les figues et hop! au four préchauffé à 180° pendant 45 minutes (surveiller: c'est prêt quand c'est doré et qu'un cure-dents en ressort propre.)
Dessin extrait de Une cuisine grande comme un jardin
de Alain SERRES et Martin JARRIE
6 Comments:
Les Africains utilisent aussi cette pâte de crevettes dans leurs sauces, et pour préparer un piment d'une façon très longue et particulière (résultat: délicieux!)
Menus Propos: (je suis flattée que tu me lises, j'aimes beaucoup ton blog et ta cuisine!), il faut selon leur taille, 10 à 12 figues fraîches coupées en deux ou en quatre, le but étant de couvrir tout le fond du moule.
Voici mon conseil, afin de profiter au mieux du cadeau de tes voisin (Aoki) : prendre une bonne dizaine de kg d'ici Noël !
oh celui-là, il me tape dans l'oeil!!! je note illico!
Je ne veux savoir qu'une chose... pour le moment... comment t'arracher ces recettes de curry avec lesquels tu m'as fait rêver durant tout ton article ! Comment !!! sinon... même si je doute que nous soyons vraiment voisin... je viens d'acheter 20kg de riz et tu es la bienvenue en cas de manque... je viens de goûter un curry patates... et c'est bon ! ah je crains de devenir accro à ton blog... désolé !
Cathy (de la marmite - elle est noble) m'a dit: va voir ce blog, il est bien, il te plaira. Et je sois dire que je ne suis pas decue, ni du ton, ni des recettes. De la pate de crevettes, j'ai la meme boite a la maison, je trouve que ca rajoute vraiment un plus dans les curry. Dara, des Blogtests (elle aussi elle doit etre noble) l'utilise aussi dans sa cuisine, elle a quelques recettes sympa a proposer.
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