samedi 16 mai 2009

Racines

L’adresse et le numéro de téléphone avaient été rapidement griffonés au début de l’année dans mon agenda entre une recette de pasteis denata et l’horaire des séances de Frozen river. On est allé voir Frozen river (très bien), j’ai fait des pasteis de nata (à améliorer mais peut-être que mon nouveau livre de cuisine lisboète offert par G. va m’éclairer) mais plutôt que d’aller à Racines, nous nous étions aventurés jusqu’au fin fond du quatorzième et nous avions passé un délicieux moment à la Régalade, qu’on ne présente plus mais dont on ne peut que vanter la gentillesse du service, le rondeur charnue des Saint-Jacques et le fondant de la poitrine de cochon qu’Estérelle nous avait par ailleurs appris à faire. Un autre soir, Racines avait encore été évincé par Itinéraires, caché dans une petite rue calme où se succèdent des maisons aux balcons fleuris. Les tables voisines étaient un peu trop à droite mais j’ai bien aimé les rillettes de sardines avec le sorbet de cornichon et le carpaccio de champignons aux palourdes et au cédrat. Le baba au rhum était quant à lui irréprochable.
C’est en feuilletant mon agenda pour trouver une recette de cookies que Racines s’est rappelé à moi et j’ai téléphoné le soir même pour réserver. Le garçon au bout du fil avait de la répartie et a promis de garder une table.
Il faisait doux quand nous avons arpenté les trottoirs fréquentés qui menaient jusqu’aux grands boulevards. Racines se cache presque dans le Passage des Panoramas et brouille les pistes tout en annonçant la couleur en arborant l’enseigne d’un marchand de vins. La salle est toute petite ; bois, ardoise, petits carreaux et jolies bouteilles un peu partout. Au fond de la pièce, la cuisine est ouverte. Le patron affiche avec classe queue de cheval et tatouages, le chef a le sourire timide, le sommelier, peut-être plus jeune que moi, est Brestois et porte des lunettes de premier de la classe. Il s’avérera qu’il fait rudement bien son travail et sait parler des vins comme certaines parlent de littérature : avec érudition, malice et gourmandise (à lire absolument, la relation que Julie entretient avec les pommes et les livres).
Assis en terrase, en goûtant un vin blanc qui a su garder son identité dans sa catégorie, j’ai observé les gens avec qui nous allions partager le repas. A la table d’à côté, une famille fête un anniversaire. L’aînée des filles porte une robe en satin noir et des escarpins à talon, sa sœur a un peu froid dans sa robe sans manche au tissu fleuri. Les parents ont l’air content, ils essaient de manger proprement du homard grillé. Dans la salle, des couples d’amoureux, un groupe d’amis qui partagent du lard de colonnata, trois Japonais qui ont tous choisi de manger la même chose.
Sur l’ardoise qu’on nous apporte, l’équation est simple. Trois entrées, quatre plats, un fromage, deux desserts. Tout fait envie et la brièveté de la carte me ravit en ce qu’elle suggère de fraîcheur et d’attention accordée aux plats.
Tout était élégant sans sophistication ostentatoire, tout était extrêment frais, parfaitement cuit et assaisonné. En entrée il y avait une salade de jeunes pousses et de fins légumes dont chaque bouchée était différente, parfois piquante, parfois douce, avec toujours le goût d’un très bon parmesan, pourtant presque invisible . Tous ces légumes venaient de chez Alain Passard et Annie Bertin qui tient son stand tout les samedis au marché des Lices, pas très loin de l’Hôtel des ventes et sans jamais afficher sa notoriété. C’est une petite dame aux joues creuses, aux cheveux gris et bouclés, qui propose des salades ultra fraîches, des herbes pleines de goût, en saison des asperges vertes fines et souples, des betteraves bicolores et du cerfeuil tubéreux.
Il y avait aussi pour commencer le repas, ces mêmes asperges qui accompagnaient un fois gras poêlé parfait. J’ai bien aimé les petites fleurs qui parsemaient l’ensemble.


Ce soir-là, j’ai goûté pour la première fois des ris d’agneau, croustillants au-dehors et moelleux au-dedans, servis avec des couteaux et des oignons nouveaux. Un mélange étonnant et une photo aux couleurs un peu rétro.


Il était impossible de ne pas goûter les deux desserts : une tarte au citron (meringue très légère au miel, presque mousseuse, crème au citron juste acide, pâte à tarte très fine parfumée aux grains de sésame) et une tarte au chocolat et au caroube intense, frôlant l’amertume sans jamais agresser le palais.


Le choix du vin est laissé à l’appréciation du garçon aux lunettes, en qui l’on peut définitivement faire confiance.
Je ne sais pas si c'est parce qu'il s'est installé à la place d'une imprimerie mais Racines est comme un lieu où l'on a l'impression de se redécouvrir et qui donne aussi l'envie de revenir, avec son amoureux ou de vieux amis qui auraient connaissance de certains de nos mystères.

Racines
8, passage des Panoramas
75002 Paris 01 40 13 06 41

La Régalade
49, avenue Jean Moulin
75014 Paris 01 45 45 68 58

Itinéraires
5, rue Pontoise
75005 Paris 01 46 33 60 11

24 Comments:

Blogger the_young_dude said...

Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

17 mai, 2009 00:24  
Blogger the_young_dude said...

j'ai habité à Paris un petit moment maintenant, mais je suis une handicapée du carnet d'adresses, alors ce post me réjouit. Surtout que mon appart est dans le 14e.
et puis.. certaines sont flattées, ont les joues qui rougissent, tout ça, tout ça.. merci.

17 mai, 2009 00:25  
Blogger julie said...

Ouh, ça fait tout chaud au coeur... merci...
Mais malheureusement, moi, je ne vais pas pouvoir tester cette jolie adresse avant longtemps!

17 mai, 2009 03:24  
Blogger Marion said...

Je sors mon carnet pour noter ces délicieuses adresses, ça sera un vrai délice un jour de panne d'idée de resto j'en suis sure! Merci :)

17 mai, 2009 11:14  
Anonymous rose said...

Ce sont des fleurs de ciboulette qui parsèment ton assiette ? c'est très joli, ces couleurs. J'ai découvert la caroube en Espagne et son association avec le chocolat pour le renforcer m'intrigue beaucoup. Et tes recettes notées sur agenda me font sourire : ainsi le Portugal, les rivières gelées américaines et les restaurants parisiens peuvent se rencontrer.

17 mai, 2009 11:17  
Blogger Emily said...

Tes jolis récits des endroits où tu vas me font toujours rêver. J'y vois tout. Malheureusement, mon agenda à moi est tellement mal organisé qu'il serait impossible de trouver quoi que ce soit.

17 mai, 2009 14:03  
Blogger betterave.urbaine said...

waouh le foie gras poêlé, ses petites asperges, ses fleurettes poétiques. c'était bien joué de s'égarer les premières fois pour découvrir ce lieu au moment du printemps...

17 mai, 2009 22:15  
Blogger Julie said...

Oh ça donne faim tout ça!! Lors d'une prochaine escapade à Paris peut être...

17 mai, 2009 22:44  
Anonymous Lisanka said...

et bien, je vois que l'on ne se refuse rien! tu as bien raison. j'aime bcp le regard que tu portes sur les gens. Je viens te lire souvent même si je me fais discrète!

Bisous

Lisanka

17 mai, 2009 23:10  
Blogger patoumi said...

Pia: oh, un appart dans le 14e... Un petit rêve...
Julie: j'ai adoré ce billet, et le coup des Quatre filles du Dr March, que j'avais effectivement adoré (la bal, la robe de Meg, le manuscrit de Joe, Beth malade...)Yum: ce sont d'excellentes adresses. C'est Racines que je préfère, mais c'est un peu cher, j'ai donc beaucoup d'affection pour La Régalade.
Rose:j'avais adoré Frozen river, tu l'as vu? Je crois que les fleurs de ciboulette ressemblent à des petits ponpoms violets, non?
Vanessa: mon agenda est très en désordre et c'est ça que j'aime!Betterave: ce foie gras était d'anthologie!
Ulije: et il y a encore tant d'autres adresses à découvrir!
Lisanka: j'ai pas fait les trois lors du même séjour! Ce sont vraiment de chouettes endroits.

18 mai, 2009 18:58  
Anonymous Disserando said...

Patoumi, suite à de nombreuses allées et venues dans la blogosphère culinaire je peux définitivement poser mes valises chez vous et me dire "Enfin, voilà, j'ai trouvé ce qui me sied".
Vous m'êtes chère et êtes peut-être le seul blog (avec celui de lookoum) que je suis assiduement, celui dont j'attend les articles avec grande passion.

Un billet plutôt fièvreux qui ne s'explique peut-être que par un mal de tête mineur, un manque de bouffe à touiller et une impatience à être vivace (vivement le dernier examen de journalisme!)

Merci,
F.

19 mai, 2009 00:00  
Blogger patoumi said...

F.: un petit mot comme celui-là me donne envie d'écrire un nouveau billet illico!

19 mai, 2009 00:24  
Blogger Easy kitchen said...

de bons restos. je connais la régalade et Itinéraires dont je suis une fan et je n'ai pas encore testé Racines mais tu en parles si bien qu'il va être difficile d'y résister

19 mai, 2009 06:29  
Anonymous Léa said...

Merci pour tous tes conseils et avis qui me sont toujours très précieux... grâce à toi, j'ai passé de très bons moments dans quelques lieux habités et charmants... vraiment merci beaucoup, j'ai évité quelques adresses sans âmes et découvert des lieux magiques... chouette !

19 mai, 2009 07:46  
Anonymous Clelia said...

Bonjour Patoumi !
Cette fois-ci je suis sûre que c'est vous et G. qui étiez devant moi, samedi, au marché des Lices, dans la queue devant le stand d'Annie. Avec vos asperges à la main, vous hésitiez à en prendre quelques unes supplémentaires...
Comment les avez vous trouvées ? Les miennes étaient délicieuses, toute la famille s'est régalée.
Au plaisir de vous recroiser par hasard un samedi place des Lices...

19 mai, 2009 09:33  
Blogger patoumi said...

Easy Kitchen: je suis sûre que ça te plaira!
Léa: merci!
Clelia: ça alors, je n'en reviens pas! Comment avez-vous préparé les asperges? Elles étaient effectivement délicieuses et feront l'objet de mon prochain billet. La prochaine fois si l'on se croise, vous me faites signes?

19 mai, 2009 23:38  
Anonymous Camille said...

Nous devions être à Paris presque en même temps, alors.
Quelle chance d'avoir retrouvé ces adresses au bon moment! Je perds toujours celles qu'on m'indique, au point de ne jamais aller au bon endroit (le hasard des pas est parfois malheureux). L'agenda semble une bonne solution.

20 mai, 2009 18:38  
Blogger (les chéchés) said...

(je suis ravie...)
ce restaurant se glisse dans mon agenda, entre souvenirs et projets. paris le 20 juin, on ira peut être s'assoir sur cette terrasse, goûter la tarte au citron -ou chocolat si tout cela s'y trouve encore...
merci!

21 mai, 2009 00:37  
Blogger patoumi said...

Camille: un jour il faudrait qu'on soit à Paris en même temps, ensemble!
Les chéchés: happys Paris le 20 juin prochain!

21 mai, 2009 23:02  
Anonymous Clelia said...

Les asperges, je les prépare le plus simplement possible, surtout celles de chez Annie qui sont particulièrement délicieuses. Cette fois ci je les avais préparées pour accompagner juste une omelette.
Peut être se croisera-t-on demain aux Lices si vous passés par là...

22 mai, 2009 13:29  
Blogger patoumi said...

Clelia, demain je suis de garde alors pas de marché :-( mais je vais emmener de la compote de rhubarbe à la vanille pour égayer les repas!

22 mai, 2009 23:32  
Blogger Mingoumango (La Mangue) said...

Je suis triste de ne plus être (presque) voisine de la Régalade, c'était chouette de rentrer à pied après un dîner toujours copieux et exquis... (je n'ai jamais été déçue)

J'ai adoré Frozen River aussi :-)

24 mai, 2009 12:07  
Blogger patoumi said...

Mingou, ce dîner à la Régalade est mémorable. Peut-être irons-nous ensemble un jour?

05 juin, 2009 09:23  
Anonymous I. said...

Je retombe sur ce post au hasard de mes pérégrinations sur internet, et du coup je repense à mes propres essais de pasteis de nata. Personnellement, c'est la recette de Cléa que je préfère: http://www.cleacuisine.fr/autres-desserts/pasteis-de-nata/.
A bientôt.

11 août, 2009 15:36  

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