Partir en voyage et apprendre à faire un lit (à Vienne)
Ma voisine côté hublot avait une frange blonde, une robe bleue qui brillait beaucoup et un petit perfecto en cuir vieilli.
L’hôtesse vêtue de rouge nous a servi une barquette de raviolis avec une sauce aux champignons et pour le dessert une crème chocolat et café dans une petite boîte triangulaire.
La fenêtre de la chambre d’hôtel donnait sur une cour où règnait un marronnier centenaire majestueux qui déployait des branches tentaculaires. J’ai bien aimé l’édredon blanc et très épais.
J’ai bien aimé aussi les maisons d’Egon Schiele, ses arbres tristes et crépusculaires,
j’ai bien aimé les spaghettis au pesto d’ail des ours et aux écrevisses servis chez Wrenkh (bien que la sauce à l’orange et au chili qui recouvrait le tout ne se soit absolument pas révélée indispensable),
j’ai bien aimé le canapé en cuir sur lequel j’ai fait la sieste chez Phil en écoutant des chansons acidulées (il y avait aussi un abat-jour très joli, un service à thé vintage, les livres de Miranda July et Marjane Satrapi en allemand),
je suis restée très longtemps devant un tableau de Jérôme Bosch, et dans la même salle, j’ai trouvé très belle la Lucrèce de Cranach,
j’ai bien aimé déguster d’étonnantes petites tartines chez Trzesniewski au milieu de vieilles dames toutes adeptes l’air de rien des toasts de pain noir au hareng et aux oignons doux avec un grand verre de bière. J’ai trouvé cela délicieux et émouvant, G. quant à lui a choisi un jus couleur myrtille et il paraît que Kafka adorait ça,
j’ai bien aimé la tarte aux pommes acidulée, fondante, craquante, achetée presque à la sauvette chez Suppito, un endroit tenu par une artiste bretonne et un docteur viennois où l’on peut venir chercher des soupes originales, saines et colorées vendues dans un joli conditionnement (et je suppose que l’on peut aussi feuilleter les nombreux livres de cuisine alignés sur les étagères en bois clair),
j’ai bien aimé la terrasse du café Sperl, le pianiste du café Central, le goulash épicé et le jus d’orange frais servis avec une gentillesse remarquable au café Diglas, l’ombre de Thomas Bernhard sur les banquettes en velours du café Braunerhof, mais le café que j’ai préféré, celui où j’ai demandé à passer la dernière soirée, c’est le Kleines café avec son monsieur mystérieux dînant seul en terrasse avec le regard triste et inspiré, un groupe d’amis qui partageait des tartines, une fille à lunettes qui avait l’air sympa, des garçons qui voyageaient avec le guide Phaidon, une autre fille qui faisait découvrir la ville à ses parents et puis pour favoriser l’addiction un chocolat chaud parfait et du pain croustillant et moelleux qui allait très bien avec du fromage, du jambon ou du saucisson,
j’ai bien aimé le brownie à Kantine,
j’ai bien aimé les chaises colorées à Milo,
j’ai bien aimé l’installation sonore de Nam June Paik, son piano bariolé, la passoire suspendue,
j’ai bien aimé les sashimis du restaurant japonais de la place Albertina mais j’ai préféré le dîner chez EN, leur vaisselle délicate, les gyozas bien grillés et goûteux, le goût de la glace aux haricots rouges (une grande première pour moi !),
j’ai bien aimé la maison de Freud mais j’ai hâte de retourner à Londres voir son divan,
j’ai bien aimé le tour de grande roue un peu désuète au Prater,
mais ce que j’ai préféré par-dessus tout, ce fut la surprise de voir pour la première fois La maman et la putain à la cinémathèque locale au milieu d’une faune hétéroclite réunissant universitaires barbus et garçons branchés chevelus. Ce fut un moment indescriptible, la sensation d’assister à quelque chose d’exceptionnel bien qu’il soit ancien. Après le film, dans la nuit bien avancée, nous sommes allés goûter la buchteln tiède du café Hawelka, franchement délicieuse malgré le serveur exécrable. G. a dit : « Je ne pensais pas que ce serait aussi bien ».
L’hôtesse vêtue de rouge nous a servi une barquette de raviolis avec une sauce aux champignons et pour le dessert une crème chocolat et café dans une petite boîte triangulaire.
La fenêtre de la chambre d’hôtel donnait sur une cour où règnait un marronnier centenaire majestueux qui déployait des branches tentaculaires. J’ai bien aimé l’édredon blanc et très épais.
J’ai bien aimé aussi les maisons d’Egon Schiele, ses arbres tristes et crépusculaires,
j’ai bien aimé les spaghettis au pesto d’ail des ours et aux écrevisses servis chez Wrenkh (bien que la sauce à l’orange et au chili qui recouvrait le tout ne se soit absolument pas révélée indispensable),
j’ai bien aimé le canapé en cuir sur lequel j’ai fait la sieste chez Phil en écoutant des chansons acidulées (il y avait aussi un abat-jour très joli, un service à thé vintage, les livres de Miranda July et Marjane Satrapi en allemand),
je suis restée très longtemps devant un tableau de Jérôme Bosch, et dans la même salle, j’ai trouvé très belle la Lucrèce de Cranach,
j’ai bien aimé déguster d’étonnantes petites tartines chez Trzesniewski au milieu de vieilles dames toutes adeptes l’air de rien des toasts de pain noir au hareng et aux oignons doux avec un grand verre de bière. J’ai trouvé cela délicieux et émouvant, G. quant à lui a choisi un jus couleur myrtille et il paraît que Kafka adorait ça,
j’ai bien aimé la tarte aux pommes acidulée, fondante, craquante, achetée presque à la sauvette chez Suppito, un endroit tenu par une artiste bretonne et un docteur viennois où l’on peut venir chercher des soupes originales, saines et colorées vendues dans un joli conditionnement (et je suppose que l’on peut aussi feuilleter les nombreux livres de cuisine alignés sur les étagères en bois clair),
j’ai bien aimé la terrasse du café Sperl, le pianiste du café Central, le goulash épicé et le jus d’orange frais servis avec une gentillesse remarquable au café Diglas, l’ombre de Thomas Bernhard sur les banquettes en velours du café Braunerhof, mais le café que j’ai préféré, celui où j’ai demandé à passer la dernière soirée, c’est le Kleines café avec son monsieur mystérieux dînant seul en terrasse avec le regard triste et inspiré, un groupe d’amis qui partageait des tartines, une fille à lunettes qui avait l’air sympa, des garçons qui voyageaient avec le guide Phaidon, une autre fille qui faisait découvrir la ville à ses parents et puis pour favoriser l’addiction un chocolat chaud parfait et du pain croustillant et moelleux qui allait très bien avec du fromage, du jambon ou du saucisson,
j’ai bien aimé le brownie à Kantine,
j’ai bien aimé les chaises colorées à Milo,
j’ai bien aimé l’installation sonore de Nam June Paik, son piano bariolé, la passoire suspendue,
j’ai bien aimé les sashimis du restaurant japonais de la place Albertina mais j’ai préféré le dîner chez EN, leur vaisselle délicate, les gyozas bien grillés et goûteux, le goût de la glace aux haricots rouges (une grande première pour moi !),
j’ai bien aimé la maison de Freud mais j’ai hâte de retourner à Londres voir son divan,
j’ai bien aimé le tour de grande roue un peu désuète au Prater,
mais ce que j’ai préféré par-dessus tout, ce fut la surprise de voir pour la première fois La maman et la putain à la cinémathèque locale au milieu d’une faune hétéroclite réunissant universitaires barbus et garçons branchés chevelus. Ce fut un moment indescriptible, la sensation d’assister à quelque chose d’exceptionnel bien qu’il soit ancien. Après le film, dans la nuit bien avancée, nous sommes allés goûter la buchteln tiède du café Hawelka, franchement délicieuse malgré le serveur exécrable. G. a dit : « Je ne pensais pas que ce serait aussi bien ».
15 Comments:
j'ai aimé tes mots et les chaises de couleur, la tarte aux pommes, les souvenirs. j'ai aimé les voyages à travers ton regard, et les mille délicatesses que tu vois...
bises
cheveux et barbes, telle est l'équation de l'art et de l'essai. Quel post, qui donne envie de voyager.
Il est grand temps que je retourne à Vienne pour actualiser mes connaissances...
ça donne envie d'aller à vienne...
Que des jolis souvenirs... ça donne envie d'embarquer tout de suite pour Vienne :)
Décidement il faut vraiment que j'aille là-bas...
Je prends toujours autant de plaisir à te lire et goûte chacun de tes mots comme des mets délicats savoureux et rares qui me rendent à chaque fois triste d'être déjà arrivée à la fin de ton post... en tout cas magnifique ballade à Vienne
je suis contente que tu aies aimé Vienne, c'est une ville que je connais bien, j'y suis allée trois fois :-)
Superbe billet!
heureuse de te relire,
Bisous
Lisanka
Que ce soit à Rennes ou à Vienne, vos billets plein de salons de thé désuets, de restaurants confidentiels, de plats alléchants, et de films de cinémathèque, sont toujours aussi poétiques. Avez-vous lu les polars viennois de Frank Tallis, où un disciple de Freud aide un policier à résoudre des affaires criminelles?
Bises.
Les chéchés: la tarte aux pommes était extra, la pâte était très goûteuse et les pommes recouvertes d'une très fine couche de confiture d'abricot...
Pia: hmmm, je crois qu'en matière de voyage tu aurais beaucoup à m'apprendre!
Mingou: je crois qu'on s'y amuserait beaucoup si l'on y allait ensemble
Bergeou, Yum, Maya: c'est une très jolie ville, qui n'est pas si "carte postale" comme plusieurs ont pu me le dire si l'on prend la peine d'explorer des endroits discrets et si l'on mesure toute la perspective historique que revêt la ville!
Véro: merci!
Lisanka: alors tu dois avoir de bonnes adresses à partager? Dis-nous! (pour la prochaine fois)
Florence: on m'a déjà parlé de ce livre je crois. Vous avez aimé? J'espère qu'on se verra avant l'été quand même!
Ca donne envie de partir! Et de manger du brownie et du goulash!
Merci pour ce voyage...
Très joli récit de voyage. Ton regard et les mots pour le dire sont charmants.
Ulije: c'était mon premier goulash! Je m'empresse de lire ton blog!
Dada: merci!
Les petites phrases de G, elles me font penser aux titres des photos de Stéphane Barbery, le mari de Muriel Barbery.
Hé Grégoire, j'attends d'autres nouvelles!
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