Tu m'as dit bien sûr que si -minestrone-
Sur le chemin du retour nous n'étions pas d'accord. Les feuilles jaunies viraient au marron sur le bords des trottoirs, le parapluie devenu inutile n'était plus qu'encombrant, j'aurais préféré ne pas avoir oublié mon écharpe mais il a glissé ma main dans la poche de son manteau.
Les scènes tournées dans l'HP lui ont déplu, l'histoire l'a angoissé, il a préféré la brune (normal!) parce qu'il trouvait que la blonde avait le regard dur. Nous avons dépassé l'immeuble décoré de mosaïques. J'ai aimé la défense de Kleist, le mutisme et l'absence résignée de Priss, le personnage de la professeur de flûte, les réparties de Noémie. Pour vous faire une idée, allez voir Des filles en noir de Jean-Paul Civeyrac, qui ne peut pas laisser indifférent.
Irez-vous, comme nous, goûter les crêpes au chocolat de la petite crêperie en face de la grande librairie après la séance?
Irez-vous, également, plonger vos mains gelées dans les bacs un peu sales d'une brocante de vinyls à la recherche d'une pochette de Leonard Cohen?
Serez-vous inhibés par ladite crêpe au chocolat pour vous refuser plus tard une tartine au beurre salé avec un peu de miel crémeux? (nous, non)
****
La veille, à côté d'un couple qui n'avait rien à se dire et qui écrasait mollement des filets de maquereau sur leur tartine mal beurrée, nous avons demandé un deuxième moelleux au chocolat et un autre verre de crémant d'Alsace aux alentours de 23 heures au Nabuchodonosor.
Il fut question de collants (prune, vert sapin, bleu électrique), de Bob Dylan (souvenir imprérissable de I want you qui s'échappait d'un café viennois enfumé), d'un homme qui avait entendu J'étouffais de travers quand j'avais éclaté en sanglots au téléphone en articulant laborieusement J'ai tout fait de travers, du sens dans lequel nous ferons, un jour, un road trip à travers les Etats-Unis (l'occasion pour chacun de défendre sa côte préférée. A cause de mes lectures adolescentes et de Woody Allen, j'ai un faible pour l'est), de la nécessité de tirer son épingle du jeu.
Mais je ne suis pas bien sûre d'y arriver. J'ai l'impression malgré les milliards de pages noircies depuis que je sais écrire que je ne ferai rien de mieux que ces histoires pourraves dont l'encre pâlit depuis toutes ces années. Pire encore, je ne fais rien pour me sauver de cette médiocrité, je n'ai aucune discipline, je ne m'attelle pas à la tâche, je ne trouve que des prétextes (oui mais là j'ai déjà la thèse à écrire ou ça n'intéresse personne à part deux-trois filles qui aiment les capes). J'ai longtemps pensé que je n'étais pas faite pour écrire, mais plutôt pour lire les autres, lire Poppies in october de Sylvia Plath, et en avoir des frissons plein la peau.
Je ne sais pas comment faire, je me sens empêtrée. J'aimerais bien faire de l'effet, comme quand j'entends juste Vincent Delerm faire la-la-la-la dans Voici la ville, ou Eric Rohmer quand il filme le dernier plan de Conte d'été. Par exemple. Il y en a tant d'autres.
Que puis-je écrire aussi quand je lis chez Gwendoline Ma vie argentique? Ou le récit d'un week end champêtre par Cléo? Sans parler des billets de Miss Popote...
G. écoute tout cela en silence en se balançant à peine sur le rocking chair blanc qu'il m'avait offert, et je le sens triste de ma propre détresse. Je lis dans son regard qui tremble un peu quelque chose qui me rappelle ce que disait Léonard de Vinci à l'un de ses élèves qui se lamentait de n'avoir aucun talent Dessine Antonio, dessine, et ne perds pas ton temps.
(je vais donc essayer de faire autre chose que d'écrire sur le blog)
(peut-être que ça ne donnera rien du tout)
(mais j'ai envie d'essayer)
Une dernière recette, pour laquelle j'ai aimé éplucher puis détailler en minuscules dés tout un tas de légumes choisis avec soin chez Annie Bertin, la star du marché, en écoutant à la radio quelqu'un qui parlait de Rimbaud.
Minestrone hérétique (mais garanti sans tofu)
Pour une grande casserole
-4 carottes
-1 poireau
-1 tranche de kabocha
-4 pommes de terre à chair ferme
-1 poignée d'épinards ciselés
-4 petites tomates (les dernières!)
-2 oignons
-2 gousses d'ail
-3 tranches épaisses de pancetta
-des petites pâtes courtes
-environ 1,5L de bouillon de volaille
-une croûte de parmesan
-du pesto (maison ou trié sur le volet)
Eplucher tout ce qui le nécessite et tout couper en petits dés.
Laisser fondre dans une bonne huile d'olive les oignons, l'ail, la pancetta, les carottes et le poireau. Quand ils commencent à être bien compotés, ajouter les tomates, la croûte de parmesan puis le bouillon. Laisser cuire une demi-heure sur feu doux. L'occasion d'éteindre la radio et de choisir un disque. Vieilles chansons de Gainsbourg ou de Françoise Hardy feront l'affaire.
Ajouter le kabocha et laisser cuire un peu avant d'ajouter les pommes de terre.
Trois quarts d'heure plus tard, c'est au tour des pâtes puis de la poignée d'épinards, juste avant de servir, juste le temps qu'ils fondent.
Dans le bol, verser la soupe, puis un tourbillon de pesto détendu à l'huile d'olive.
Ne vous brûlez pas.
Les scènes tournées dans l'HP lui ont déplu, l'histoire l'a angoissé, il a préféré la brune (normal!) parce qu'il trouvait que la blonde avait le regard dur. Nous avons dépassé l'immeuble décoré de mosaïques. J'ai aimé la défense de Kleist, le mutisme et l'absence résignée de Priss, le personnage de la professeur de flûte, les réparties de Noémie. Pour vous faire une idée, allez voir Des filles en noir de Jean-Paul Civeyrac, qui ne peut pas laisser indifférent.
Irez-vous, comme nous, goûter les crêpes au chocolat de la petite crêperie en face de la grande librairie après la séance?
Irez-vous, également, plonger vos mains gelées dans les bacs un peu sales d'une brocante de vinyls à la recherche d'une pochette de Leonard Cohen?
Serez-vous inhibés par ladite crêpe au chocolat pour vous refuser plus tard une tartine au beurre salé avec un peu de miel crémeux? (nous, non)
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La veille, à côté d'un couple qui n'avait rien à se dire et qui écrasait mollement des filets de maquereau sur leur tartine mal beurrée, nous avons demandé un deuxième moelleux au chocolat et un autre verre de crémant d'Alsace aux alentours de 23 heures au Nabuchodonosor.
Il fut question de collants (prune, vert sapin, bleu électrique), de Bob Dylan (souvenir imprérissable de I want you qui s'échappait d'un café viennois enfumé), d'un homme qui avait entendu J'étouffais de travers quand j'avais éclaté en sanglots au téléphone en articulant laborieusement J'ai tout fait de travers, du sens dans lequel nous ferons, un jour, un road trip à travers les Etats-Unis (l'occasion pour chacun de défendre sa côte préférée. A cause de mes lectures adolescentes et de Woody Allen, j'ai un faible pour l'est), de la nécessité de tirer son épingle du jeu.
Mais je ne suis pas bien sûre d'y arriver. J'ai l'impression malgré les milliards de pages noircies depuis que je sais écrire que je ne ferai rien de mieux que ces histoires pourraves dont l'encre pâlit depuis toutes ces années. Pire encore, je ne fais rien pour me sauver de cette médiocrité, je n'ai aucune discipline, je ne m'attelle pas à la tâche, je ne trouve que des prétextes (oui mais là j'ai déjà la thèse à écrire ou ça n'intéresse personne à part deux-trois filles qui aiment les capes). J'ai longtemps pensé que je n'étais pas faite pour écrire, mais plutôt pour lire les autres, lire Poppies in october de Sylvia Plath, et en avoir des frissons plein la peau.
Je ne sais pas comment faire, je me sens empêtrée. J'aimerais bien faire de l'effet, comme quand j'entends juste Vincent Delerm faire la-la-la-la dans Voici la ville, ou Eric Rohmer quand il filme le dernier plan de Conte d'été. Par exemple. Il y en a tant d'autres.
Que puis-je écrire aussi quand je lis chez Gwendoline Ma vie argentique? Ou le récit d'un week end champêtre par Cléo? Sans parler des billets de Miss Popote...
G. écoute tout cela en silence en se balançant à peine sur le rocking chair blanc qu'il m'avait offert, et je le sens triste de ma propre détresse. Je lis dans son regard qui tremble un peu quelque chose qui me rappelle ce que disait Léonard de Vinci à l'un de ses élèves qui se lamentait de n'avoir aucun talent Dessine Antonio, dessine, et ne perds pas ton temps.
(je vais donc essayer de faire autre chose que d'écrire sur le blog)
(peut-être que ça ne donnera rien du tout)
(mais j'ai envie d'essayer)
Une dernière recette, pour laquelle j'ai aimé éplucher puis détailler en minuscules dés tout un tas de légumes choisis avec soin chez Annie Bertin, la star du marché, en écoutant à la radio quelqu'un qui parlait de Rimbaud.
Minestrone hérétique (mais garanti sans tofu)
Pour une grande casserole
-4 carottes
-1 poireau
-1 tranche de kabocha
-4 pommes de terre à chair ferme
-1 poignée d'épinards ciselés
-4 petites tomates (les dernières!)
-2 oignons
-2 gousses d'ail
-3 tranches épaisses de pancetta
-des petites pâtes courtes
-environ 1,5L de bouillon de volaille
-une croûte de parmesan
-du pesto (maison ou trié sur le volet)
Eplucher tout ce qui le nécessite et tout couper en petits dés.
Laisser fondre dans une bonne huile d'olive les oignons, l'ail, la pancetta, les carottes et le poireau. Quand ils commencent à être bien compotés, ajouter les tomates, la croûte de parmesan puis le bouillon. Laisser cuire une demi-heure sur feu doux. L'occasion d'éteindre la radio et de choisir un disque. Vieilles chansons de Gainsbourg ou de Françoise Hardy feront l'affaire.
Ajouter le kabocha et laisser cuire un peu avant d'ajouter les pommes de terre.
Trois quarts d'heure plus tard, c'est au tour des pâtes puis de la poignée d'épinards, juste avant de servir, juste le temps qu'ils fondent.
Dans le bol, verser la soupe, puis un tourbillon de pesto détendu à l'huile d'olive.
Ne vous brûlez pas.