Au coin du monde
Le pari était de taille au vu des antécédents. Frousse folle quand il s'agissait de monter à la corde, bleus aux genoux quand approchait le 110 mètres haies, souffle court dans les virages et jambes molles sur la poutre, mon corps désarticulé et hypotonique n'a jamais aimé le sport. Sauf au coin du monde.
Les bras souffraient un peu pourtant, le vent était contraire. Il fallait descendre une rivière, puis traverser un lac pour arriver sur une île où se cachait un petit château (non, pas celui où le Roi emmenait ses maîtresses en douce, un autre).
Il m'a prêté une veste un peu étroite pour lui et il a souvent répété Tu peux arrêter si tu veux, et juste regarder. Juste regarder les nénuphars et les libellules, les oies sauvages qui prennent leur envol, les cygnes solitaires, les rides de l'eau, le ciel qui s'embrase. Mais il m'a trouvée têtue, parce que je reprenais vite la pagaie, pour l'aider.
Dans l'unique pièce du château, il y avait des bougies, des allumettes et un joli jeu de cartes mais nous n'y avons pas joué. Il ne fallait pas traîner, Wilma et Johan allaient nous attendre pour le dîner.
Depuis trois ans déjà, ils avaient quitté la Hollande et le rythme effréné auquel ils menaient leur vie pour s'installer dans la maison qu'occupait autrefois le sergent du village, en lisière de forêt, à Salbohed, une ville avec un supermarché minuscule, à une heure de route de Stockholm. Un point à peine visible sur la carte.
Ils ont repeint la maison toute noire d'un joli rouge, ils ont refait toutes les pièces, posé des belles tapisseries, choisi du mobilier chaleureux et des couvertures douces et colorées pour l'hiver, quand il fait nuit dès trois heures de l'après-midi et qu'on a de la neige jusqu'à la taille. La maison du sergent est devenue un très beau Bed and Breakfast où l'on se sent vraiment comme à la maison.
Chaque soir, Wilma propose de préparer le dîner et Johan fait le service, cérémonie joyeuse et un peu timide. Les plats sont simples et délicieux, un gratin de poisson, du saumon grillé, des spaghetti aux herbes et du poisson à la sauce tomate. De la salade et du bon pain. Un gâteau aux myrtilles, avec celles du jardin. Le matin, il y a des fruits dans un cageot, des poires juteuses et parfumées par exemple, ou des pommes minuscules.
Nous sommes restés trois jours là-bas; j'adorais nos soirées, quand après le dessert, ils venaient s'asseoir près de nous, et comme il était agréable de raconter sa vie à des gens que nous ne reverrions jamais et comme j'aimais aussi les écouter parler des hivers suédois, des gens croisés et des élans qu'ils retrouvaient parfois à leur porte.
Le matin de notre départ, ils nous ont embrassé avec la promesse d'une carte postale, quand je passerai ma thèse, l'année prochaine.
Je ne pensais pas que nous reviendrions à Salbohed mais à la fin du voyage, après mille péripéties, quand G. m'a demandé ce que j'aimerais faire avant de rentrer à Stockholm, j'ai dit Faire du canoë et dormir chez Johan et Wilma.
L'accueil fut formidable et elle avait prévu des fruits secs et des fruits séchés pour l'expédition en canoë. J'aimais croquer dans un morceau de noix de coco puis grapiller quelques cranberries. Ce soir-là, nous avons dîné ensemble, et nous avons discuté si longtemps que certaines bougies furent entièrement consummées.
Le lendemain, avant de partir, G. est allé chercher son polaroïd (retrouvé dans une malle chez sa maman) et a photographié le jeu d'échecs et les deux chaises de l'entrée. Nous avons promis de revenir en hiver, un jour, pour faire des raquettes puis rentrer boire un glogg en grignotant des pepparkakor.
Si comme nous vous décidez un jour de parcourir la Suède en voiture (couleur vert pomme), quelques adresses réjouissantes quand on est épuisé par une balade de six heures à travers les bois, quand on est excité par la beauté d'un lieu, quand il faut attendre une heure avant la prochaine visite guidée (obligatoire! Aussi scandaleux que les audioguides dans les musées) d'un château de conte de fée ou juste pour échanger sur des sujets de haute importance (faut-il vraiment retourner à cet antiquaire près du parc pour chercher le vase turquoise?) .
-sur la place principale de Sala, on ne s'y attend pas du tout, mais il y a un salon de thé rose, gris et blanc, le Rombo Gaarden avec un comptoir qui déborde de kanelbullar, de morotskaka, de roulés au chocolat fourrés à la banane et de biscuits à la lavande ou à l'orange. J'en garde le souvenir d'une serveuse charmante, avec une petite tête à la Audrey Hepburn, toute contente de nous dire que la glace à la vanille est maison et qui vient s'assurer que les tartines choisies, au saumon par exemple, sont bien à notre goût.
Je l'ai vue, dans l'entrebaîllement de la porte de la cuisine s'appliquer à faire pour nous une belle boule de glace à la vanille et j'ai été touchée par sa concentration. Tout était très bon, très frais. Et nous n'avons pas été déçu par le kanelbullar dégusté plus tard. C'est un chouette endroit pour vaquer, feuilleter des magazines, faire des dessins et discuter. Et c'est aussi une boutique!
-à Sigtuna, au bout de la rue de l'office du tourisme, vous ne manquerez pas de vous arrêter à RC Chocolat
Il y avait une fille très blonde dont j'ai envié un instant la robe à pois mais mon attention fut rapidement détournée par un chocolat chaud et un petit sandwich trop bon (j'aime bien le salé avec le chocolat, par exemple un oeuf à la coque avec des mouillettes au jambon accompagné de gorgées de mon Poulain orange quotidien me ravissent).
La kardemmumabullar avait une mie bien humide comme j'aime (un jour je vous raconterai comment grâce à Super Loukoum°°°, j'ai vaincu la pâte à brioche) .
-à Uppsala, la ville où Bergman a passé ses vacances d'enfance, là où repose Emanuel Swedenborg, il y a aussi le Eko Cafeet, un café tenu par un étudiant en médecine polonais qui a décidé de faire une pause dans ses études (on a un peu discuté avec lui), son frère et un copain qui se débrouille plutôt bien en cuisine si l'on en croit les boulettes dégustées ce midi-là avec des pommes de terre tandoori et une sauce au yaourt et aux herbes.
L'ambiance est extrêmement décontractée, la clientèle mêle garçons seuls à grandes lunettes en goguette et mamies venues siroter un grand bol de soupe à la tomate avec du bon pain.
De retour à Stockholm, il y a trois endroits où vraiment, on soupire de plaisir:
-Lao Wai, un restaurant chinois végétarien incroyable, qui invite à visiter ses cuisines. J'ai juste jeté un coup d'oeil timide mais j'ai adoré le spectacle des woks bouillants et des mains rapides qui émincent la ciboule. Le mapo doufu (l'un de mes plats chinois préférés! Un jour aussi je vous parlerai de celui que je fais, selon une recette de Mingou) est absolument dément. Et en dessert, la glace au pandan que nous nous apprêtions à dévorer faisait briller d'envie les yeux de la serveuse, à juste titre.
-sur la route du parc Carl Milles, il faut s'arrêter à Gateau pour prendre des biscuits au chocolat, une part d'apple pie, un muffin à la carotte et une petite brioche. TOUT est bon!
-sur les conseils de Julia, lors d'une journée au Djurgaarden, nous n'avons pas manqué d'aller déjeuner au Rosendals Trädgaard. C'est là que j'ai mangé le meilleur morotskaka! Moelleux, pas trop épicé, pas trop sucré, avec un glaçage crémeux et citronné comme il faut.
S'il n'y avait pas eu une si longue file d'attente, j'en aurais repris une deuxième part!
(Et je serais bien restée plus longtemps en vacances)
Salbohed Garden Bed and Breakfast Kopparbergsvagen 40 à Salbohed
Rombo Garden Stora Torget 8 à Sala
RC Chocolat Stora Gatan 49 à Sigtuna
Eko Cafeet Drottninggatan 5 à Uppsala
Lao Waï Luntmakargatan 74 à Stockholm
Gateau Herserudsvägen 1 à Lidingö et d'autres adresses sur le site
Rosendals Trädgaard Rosendalsterrassen 12 à Stockholm
Les bras souffraient un peu pourtant, le vent était contraire. Il fallait descendre une rivière, puis traverser un lac pour arriver sur une île où se cachait un petit château (non, pas celui où le Roi emmenait ses maîtresses en douce, un autre).
Il m'a prêté une veste un peu étroite pour lui et il a souvent répété Tu peux arrêter si tu veux, et juste regarder. Juste regarder les nénuphars et les libellules, les oies sauvages qui prennent leur envol, les cygnes solitaires, les rides de l'eau, le ciel qui s'embrase. Mais il m'a trouvée têtue, parce que je reprenais vite la pagaie, pour l'aider.
Dans l'unique pièce du château, il y avait des bougies, des allumettes et un joli jeu de cartes mais nous n'y avons pas joué. Il ne fallait pas traîner, Wilma et Johan allaient nous attendre pour le dîner.
Depuis trois ans déjà, ils avaient quitté la Hollande et le rythme effréné auquel ils menaient leur vie pour s'installer dans la maison qu'occupait autrefois le sergent du village, en lisière de forêt, à Salbohed, une ville avec un supermarché minuscule, à une heure de route de Stockholm. Un point à peine visible sur la carte.
Ils ont repeint la maison toute noire d'un joli rouge, ils ont refait toutes les pièces, posé des belles tapisseries, choisi du mobilier chaleureux et des couvertures douces et colorées pour l'hiver, quand il fait nuit dès trois heures de l'après-midi et qu'on a de la neige jusqu'à la taille. La maison du sergent est devenue un très beau Bed and Breakfast où l'on se sent vraiment comme à la maison.
Chaque soir, Wilma propose de préparer le dîner et Johan fait le service, cérémonie joyeuse et un peu timide. Les plats sont simples et délicieux, un gratin de poisson, du saumon grillé, des spaghetti aux herbes et du poisson à la sauce tomate. De la salade et du bon pain. Un gâteau aux myrtilles, avec celles du jardin. Le matin, il y a des fruits dans un cageot, des poires juteuses et parfumées par exemple, ou des pommes minuscules.
Nous sommes restés trois jours là-bas; j'adorais nos soirées, quand après le dessert, ils venaient s'asseoir près de nous, et comme il était agréable de raconter sa vie à des gens que nous ne reverrions jamais et comme j'aimais aussi les écouter parler des hivers suédois, des gens croisés et des élans qu'ils retrouvaient parfois à leur porte.
Le matin de notre départ, ils nous ont embrassé avec la promesse d'une carte postale, quand je passerai ma thèse, l'année prochaine.
Je ne pensais pas que nous reviendrions à Salbohed mais à la fin du voyage, après mille péripéties, quand G. m'a demandé ce que j'aimerais faire avant de rentrer à Stockholm, j'ai dit Faire du canoë et dormir chez Johan et Wilma.
L'accueil fut formidable et elle avait prévu des fruits secs et des fruits séchés pour l'expédition en canoë. J'aimais croquer dans un morceau de noix de coco puis grapiller quelques cranberries. Ce soir-là, nous avons dîné ensemble, et nous avons discuté si longtemps que certaines bougies furent entièrement consummées.
Le lendemain, avant de partir, G. est allé chercher son polaroïd (retrouvé dans une malle chez sa maman) et a photographié le jeu d'échecs et les deux chaises de l'entrée. Nous avons promis de revenir en hiver, un jour, pour faire des raquettes puis rentrer boire un glogg en grignotant des pepparkakor.
Si comme nous vous décidez un jour de parcourir la Suède en voiture (couleur vert pomme), quelques adresses réjouissantes quand on est épuisé par une balade de six heures à travers les bois, quand on est excité par la beauté d'un lieu, quand il faut attendre une heure avant la prochaine visite guidée (obligatoire! Aussi scandaleux que les audioguides dans les musées) d'un château de conte de fée ou juste pour échanger sur des sujets de haute importance (faut-il vraiment retourner à cet antiquaire près du parc pour chercher le vase turquoise?) .
-sur la place principale de Sala, on ne s'y attend pas du tout, mais il y a un salon de thé rose, gris et blanc, le Rombo Gaarden avec un comptoir qui déborde de kanelbullar, de morotskaka, de roulés au chocolat fourrés à la banane et de biscuits à la lavande ou à l'orange. J'en garde le souvenir d'une serveuse charmante, avec une petite tête à la Audrey Hepburn, toute contente de nous dire que la glace à la vanille est maison et qui vient s'assurer que les tartines choisies, au saumon par exemple, sont bien à notre goût.
Je l'ai vue, dans l'entrebaîllement de la porte de la cuisine s'appliquer à faire pour nous une belle boule de glace à la vanille et j'ai été touchée par sa concentration. Tout était très bon, très frais. Et nous n'avons pas été déçu par le kanelbullar dégusté plus tard. C'est un chouette endroit pour vaquer, feuilleter des magazines, faire des dessins et discuter. Et c'est aussi une boutique!
-à Sigtuna, au bout de la rue de l'office du tourisme, vous ne manquerez pas de vous arrêter à RC Chocolat
Il y avait une fille très blonde dont j'ai envié un instant la robe à pois mais mon attention fut rapidement détournée par un chocolat chaud et un petit sandwich trop bon (j'aime bien le salé avec le chocolat, par exemple un oeuf à la coque avec des mouillettes au jambon accompagné de gorgées de mon Poulain orange quotidien me ravissent).
La kardemmumabullar avait une mie bien humide comme j'aime (un jour je vous raconterai comment grâce à Super Loukoum°°°, j'ai vaincu la pâte à brioche) .
-à Uppsala, la ville où Bergman a passé ses vacances d'enfance, là où repose Emanuel Swedenborg, il y a aussi le Eko Cafeet, un café tenu par un étudiant en médecine polonais qui a décidé de faire une pause dans ses études (on a un peu discuté avec lui), son frère et un copain qui se débrouille plutôt bien en cuisine si l'on en croit les boulettes dégustées ce midi-là avec des pommes de terre tandoori et une sauce au yaourt et aux herbes.
L'ambiance est extrêmement décontractée, la clientèle mêle garçons seuls à grandes lunettes en goguette et mamies venues siroter un grand bol de soupe à la tomate avec du bon pain.
De retour à Stockholm, il y a trois endroits où vraiment, on soupire de plaisir:
-Lao Wai, un restaurant chinois végétarien incroyable, qui invite à visiter ses cuisines. J'ai juste jeté un coup d'oeil timide mais j'ai adoré le spectacle des woks bouillants et des mains rapides qui émincent la ciboule. Le mapo doufu (l'un de mes plats chinois préférés! Un jour aussi je vous parlerai de celui que je fais, selon une recette de Mingou) est absolument dément. Et en dessert, la glace au pandan que nous nous apprêtions à dévorer faisait briller d'envie les yeux de la serveuse, à juste titre.
-sur la route du parc Carl Milles, il faut s'arrêter à Gateau pour prendre des biscuits au chocolat, une part d'apple pie, un muffin à la carotte et une petite brioche. TOUT est bon!
-sur les conseils de Julia, lors d'une journée au Djurgaarden, nous n'avons pas manqué d'aller déjeuner au Rosendals Trädgaard. C'est là que j'ai mangé le meilleur morotskaka! Moelleux, pas trop épicé, pas trop sucré, avec un glaçage crémeux et citronné comme il faut.
S'il n'y avait pas eu une si longue file d'attente, j'en aurais repris une deuxième part!
(Et je serais bien restée plus longtemps en vacances)
Salbohed Garden Bed and Breakfast Kopparbergsvagen 40 à Salbohed
Rombo Garden Stora Torget 8 à Sala
RC Chocolat Stora Gatan 49 à Sigtuna
Eko Cafeet Drottninggatan 5 à Uppsala
Lao Waï Luntmakargatan 74 à Stockholm
Gateau Herserudsvägen 1 à Lidingö et d'autres adresses sur le site
Rosendals Trädgaard Rosendalsterrassen 12 à Stockholm