(Un garçon qui mange une glace en regardant les autres sur la plage, le même qui explique qu'il n'aime pas les groupes, un garçon qui met une pincée de thé dans une vieille théière, une fille à vélo dans Clermont-Ferrand sous la neige, la même des années plus tard, sandales à la main en remontant de la mer, des pulls rayés, des jupes en jean, des vestes en velours, des espadrilles, des mensonges, des illusions, des espoirs, des conversations brillantes autour de tables en bois sous des lampes en opaline, parfois des intrigues politiques, d'autres fois des amours antiques. Ce soir je regarde autrement la photo prise en 1983 et posée sur mon bureau depuis si longtemps d'Eric Rohmer sautant à la corde. Sale journée.)
(Propos futiles après cette annonce sortie de la radio)
Je ne sais pas si c'est à cause des nouvelles parures myosotis de la chambre de garde mais dans le chaos de mon réveil hier matin, je croyais que j'étais à l'hôtel.
La veille, tout d'un coup plus de travail à peu près à vingt-deux heures, je compose un numéro parisien. Le premier essai s'interrompt rapidement suite à un violent coup de pied évidemment involontaire dans le fil du téléphone, provoquant son débranchement immédiat. A Paris, elle refait le numéro de l'hôpital. Pas mal de demi-heures plus tard, j'ai raccroché en pensant à des chips onion and cream, des tartines de fromage frais aux herbes, un manteau noir avec des points beiges tu vois de quoi je veux parler, une cour quartier latin avec des psychanalystes au bout, les techniques empiriques de composition de plateau-repas le midi à la cantine. Après j'ai enfilé mes chaussons (oui, maintenant que j'ai fait plusieurs douzaines de gardes, j'emporte pas mal de choses avec moi pour avoir une impression de confort. J'entasse donc dans un sac violet plein de tee-shirts mous (au cas où je me tâcherais, qu'il ferait froid, on ne sait,
tout arrive -comme le nom d'une émission de France Culture que j'adorais il y a plusieurs années mais dont l'actuel présentateur m'insupporte. Ah et puis j'ai oublié de vous raconter la fois où j'ai vu Raphaël Enthoven pour de vrai. Pas terrible en fait), des livres dont forcément un de cuisine pour oublier tout ce que j'ai pu entendre de pas vraiment marrant dans la journée avant d'éteindre la lumière, parfois un dvd d'un concert de VD, pas mal de sachets de thé, du Poulain orange au cas où, cette fois-ci de la confiture de myrtilles parce que je n'avais pas eu le temps de petit-déjeuner à la maison (et j'ai mangé un nombre impressionnant de tartines dans la journée), et tout un tas de crèmes (au riz (!)pour la visage, au karité pour les mains, norvégien pour les lèvres, à la carotte (!) pour le reste du corps) parce que j'ai toujours cette crainte de me fossiliser. J'espère qu'il n'y a pas trop de gens qui rigolent à l'évocation de tout cet attirail.
Après des oeufs brouillés, deux tartines beurrées et confiturées à la myrtille, une compote de pommes et un verre de lait, toujours pas de travail alors j'ai appelé G. et au cours d'une conversation animée, j'ai évoqué l'existence d'un restaurant à Saint-Malo découvert en feuilletant le guide du Fooding, un endroit qui porte un nom ravissant et référencé, un endroit où il paraît que le midi on peut déjeuner d'un bento à se damner. Il a tout de suite dit
"Et pourquoi est-ce qu'on n'y va pas demain?"
Peut-être ai-je bien dormi grâce à cette question-promesse (mais peut-être que la reprise d'une chanson de Trenet par Vincent Delerm n'y ait pas non plus pour rien
Il y avait des arbres, des coteaux, des châteaux...)
Le lendemain, retour à la maison, sac abandonné dans l'entrée, étreinte joyeuse, petit-déjeuner fameux, choix de vêtements chauds et départ pour Saint-Malo.
Sur la route, sans cesse, de la neige partout, un soleil blanc, l'impression d'être en Russie à cause des petites maisons, le souvenir des films de Tarkovski. J'ai relu une carte laissée dans mon Moleskine encore trop neuf, une jolie carte envoyée dans une enveloppe rose par quelqu'un que je n'ai pas vu depuis longtemps.
Et puis assez vite finalement sont apparues les pierres grises de Saint-Malo, le port, le carroussel. Sur les pavés mouillés, nous avons demandé notre chemin à un marchand de crêpes.
La façade était vraiment jolie et le grand monsieur qui nous a accueilli avait une voix plutôt douce. De la cuisine une Japonaise, un petit foulard noué sur la tête, m'a fait un immense sourire, plein de gentillesse. A l'étage, couleurs poudrées, jolis dessins encadrés (notamment une paire de socques), tables basses, fauteuils accueillants, musique feutrée. Un couple quitte une table près d'une fenêtre, une famille s'extasie sur le repas, on nous apporte bientôt un Genmaïcha (vous savez ce thé vert avec du riz grillé) et puis un saké étonnant, très mousseux.
Il y a un certain ravissement lorsqu'on soulève le beau couvercle laqué du bento et qu'on découvre un
inarizushi carotte-champignon, une tombée d'épinards à la crème de sésame, une omelette japonaise, une étonnante gelée croquante, une crevette pochée, du sashimi de saumon au yuzu avec des graines germées, des quenelles aux saveurs de crabe et de saint-jacques dans un bouillon parfumé où se pâment des légumes fondants et croquants, enfin des beignets de poulet aux légumes, légers et goûteux. C'était d'une délicatesse inouïe. Tout était absolument délicieux. Je crois que j'aime vraiment l'alternance bouchée de poisson cru/gorgée de thé bien chaud. Après, pour achever de me convaincre, il y avait un petit bol de udon surmonté de miettes de tourteau et de kombu râpé qui a immédiatement évoqué à G. une journée passée à la mer il y longtemps, dans des paysages où était venu tourner Eric Rohmer, autrefois. En dessert, une glace maison au
kinako, qui rappelle un peu la noisette grillée, surmontée d'un macaron au thé matcha. Ce repas était comme un ravissant voyage. Le couple qui y travaille est confondant d'attention et de gentillesse. Je suis sûre que ça
vous plairait! (Revenez vite!)
Tanpopo 5 place de la poissonnerie à Saint Malo 02 99 87 40 83, bento les vendredi, samedi et dimanche midis, promenade japonaise à travers sept plats les autres soirs sauf le lundi.
Le petit dessin du début illustrait
un bel article de France culture sur cet endroit charmant.
Lors de la ballade qui suivit, il fut question de sac en cuir (mais en fait non), de polo, de cape, du dernier numéro des
Cahiers du cinéma, de kouig-amann et puis, je ne sais plus comment c'est arrivé dans la conversation, il a reparlé des petites tartes marron-choco préparées quatre jours plus tôt.
Les tartelettes à la crème de marron et au chocolat
(c'est une recette de Rose Bakery, nous les avions goûtées un dimanche rue des Martyrs -je n'aime pas trop le RB du 3ème- après un hamburger accompagné de chili jam et de légumes rôtis)
Pour 8 tartelettes
La pâte sucrée (très facile, très pratique)
-250g de farine
-60g de sucre
-160g de beurre (ici demi-sel)
-1/2 oeuf + un jaune
-1 cuillère à café d'extrait de vanille
Mélanger du bout des doigts la farine, le sucre et le beurre pour former un genre de chapelure.
Faire une fontaine, y verser les oeufs et la vanille.
Commencer à amalgamer à la fourchette puid finir à la main jusqu'à obtenir une boule souple et lisse.
L'étaler sur un plan de travail fariné (ou entre deux feuilles de papier sulfurisé) et découper des ronds de pâte afin de foncer vos moules.
Piquer à la fourchette, étaler un peu de blanc d'oeuf pour imperméabiliser et réfrigérer une vingtaine de minutes avant de faire cuire à blanc pendant cinq minutes dans un four à 180°. Réserver.
La crème aux marrons
-500g de purée de marrons sucrée
-150g de cream cheese
-2 oeufs
-1 cuillère à soupe de whisky
Tout mélanger dans cet ordre.
La ganache au chocolat (là j'ai un peu changé les choses, normalement il y a un oeuf dedans)
-180g de chocolat concassé
-185mL de crème fraîche
Chauffer la crème, la verser sur le chocolat, remuer délicatement.
Le montage de tout ça: verser la crème aux marrons sur les fonds de pâtes, faire cuire une vingtaine de minutes (bords juste dorés). Laisser refroidir puis verser la ganache (il faut en mettre moins que sur la photo), servir tout de suite ou après un passage au réfrigérateur.