Un rendez-vous avec soi-même
C'est dans une semaine.
C'est dans une ville où l'on arrivera après quatre longues heures de voiture. Peut-être que l'on écoutera les Nouveaux chemins de la connaissance, consacrés cette semaine, comme un encouragement malicieux, au bonheur.
C'est dans une ville qui bien que de taille respectable, ne compte pas de restaurant Fooding (même si là n'est pas le propos de ces jours décisifs).
Presque toutes les nuits, depuis quelques semaines, je fais ce même cauchemar où je cherche désespérément ma chambre dans un pensionnat (un internat?) labyrinthique qui tombe en ruines.
Je ne me suis jamais sentie aussi proche de Paul Dédalus (pas le nouveau du Conte de Noël qui m'a terriblement déçue un mercredi soir, le vieux, celui qui met dix ans à écrire sa thèse et fait des malaises en faisant du footing entre des arbres immémoriaux). Mettre tant de temps à finir ses études de médecine frôle le pathologique.
"Un brillant avenir" m'avait-on prédit. Mais c'était sans compter mes failles, mes hésitations, ma velléité et, tout simplement, mon insuffisance.
Lors d'un mariage dans les montagnes (après un interminable trajet dans une petite voiture inconnue sur des routes à la fois ascendantes et sinueuses qui m'avait refilé une profonde nausée que le champagne âcre et le guacamole bon marché n'ont guère arrangée), je me suis retrouvée à dîner face à un jeune homme au regard triste qui l'avait passé à deux reprises, sans succès. Contemplant avec perplexité le morceau luisant de cochon de lait rôti qui refroidissait dans son assiette, il me dit, avec une amertume abyssale: "Il est difficile, d'accepter que l'on ne fait qu'échouer". Dans mon gosier, une raviole pourtant mollasse, s'est étranglée.
"On n'est pas que ce que l'on fait" m'avait écrit un garçon qui étudiait les mathématiques. Alors peut-être que l'on est ce que l'on sait faire et je m'effraie à penser que je ne suis pour l'instant pas grand chose.
Quelques autres phrases bien senties, quoique dénuées de mauvais sentiment, proférées par un garçon qui fume des cigarettes mentholées ne cessent de me hanter. Quelque chose comme "Pendant que tu passes tes journées entières à réviser pour un concours que j'ai eu avec facilité, moi j'absorbe tout ce que je peux de cinéma, de littérature et de psychanalyse." Je suis mortellement jalouse.
G. dit "Tu te fais des idées"
Oui, des idées toutes sombres, pleines de rancoeur, de doute, d'angoisse aussi gluante que ma médiocrité. Parce que c'est dans une semaine et que je suis morte de peur.
C'est dans une ville où l'on arrivera après quatre longues heures de voiture. Peut-être que l'on écoutera les Nouveaux chemins de la connaissance, consacrés cette semaine, comme un encouragement malicieux, au bonheur.
C'est dans une ville qui bien que de taille respectable, ne compte pas de restaurant Fooding (même si là n'est pas le propos de ces jours décisifs).
Presque toutes les nuits, depuis quelques semaines, je fais ce même cauchemar où je cherche désespérément ma chambre dans un pensionnat (un internat?) labyrinthique qui tombe en ruines.
Je ne me suis jamais sentie aussi proche de Paul Dédalus (pas le nouveau du Conte de Noël qui m'a terriblement déçue un mercredi soir, le vieux, celui qui met dix ans à écrire sa thèse et fait des malaises en faisant du footing entre des arbres immémoriaux). Mettre tant de temps à finir ses études de médecine frôle le pathologique.
"Un brillant avenir" m'avait-on prédit. Mais c'était sans compter mes failles, mes hésitations, ma velléité et, tout simplement, mon insuffisance.
Lors d'un mariage dans les montagnes (après un interminable trajet dans une petite voiture inconnue sur des routes à la fois ascendantes et sinueuses qui m'avait refilé une profonde nausée que le champagne âcre et le guacamole bon marché n'ont guère arrangée), je me suis retrouvée à dîner face à un jeune homme au regard triste qui l'avait passé à deux reprises, sans succès. Contemplant avec perplexité le morceau luisant de cochon de lait rôti qui refroidissait dans son assiette, il me dit, avec une amertume abyssale: "Il est difficile, d'accepter que l'on ne fait qu'échouer". Dans mon gosier, une raviole pourtant mollasse, s'est étranglée.
"On n'est pas que ce que l'on fait" m'avait écrit un garçon qui étudiait les mathématiques. Alors peut-être que l'on est ce que l'on sait faire et je m'effraie à penser que je ne suis pour l'instant pas grand chose.
Quelques autres phrases bien senties, quoique dénuées de mauvais sentiment, proférées par un garçon qui fume des cigarettes mentholées ne cessent de me hanter. Quelque chose comme "Pendant que tu passes tes journées entières à réviser pour un concours que j'ai eu avec facilité, moi j'absorbe tout ce que je peux de cinéma, de littérature et de psychanalyse." Je suis mortellement jalouse.
G. dit "Tu te fais des idées"
Oui, des idées toutes sombres, pleines de rancoeur, de doute, d'angoisse aussi gluante que ma médiocrité. Parce que c'est dans une semaine et que je suis morte de peur.