Osso buco in bianco, gremolata, il est fini le temps des raviolis
Il fut un temps, qui me semble désormais fort lointain, où G. et moi n'habitions pas ensemble. Mon appartement se résumait alors à une seule pièce, certes très jolie avec ses poutres, son parquet et sa cheminée, certes très bien placée puisqu'en bas de la Place des Lices, mais quand même très exiguë et froide l'hiver. G., quant à lui, habitait au douzième étage un appartement bien plus grand et dont j'aimais beaucoup la vue du balcon, surtout le soir, avec toutes les lumières de la ville qui tremblotent doucement.
Souvent, pour nous retrouver en fin de journée, nous nous donnions rendez-vous dans une librairie; comme cela, si l'un avait du retard, l'autre avait de quoi s'occuper. Parfois aussi, je prenais le bus et traversais toute la ville pour le retrouver chez lui.
A cette époque, et bien que la cuisine m'interessât déjà beaucoup (quand j'étais petite, j'adorais jouer à la dînette et à la marchande. L'un de mes scénarii favoris était alors d'imaginer que je recevais le Président de la République à dîner et que je devais donc préparer le repas en conséquence, l'une de mes entrées fétiches étant alors "Le pâté de lapin au cerfeuil". Ne me demandez pas d'où je sors ça, il aurait alors été plus logique pour moi de mettre au menu des rouleaux de printemps mais bon), je n'osais pas trop mettre cela en avant, euh, j'en avais un peu honte parce qu'en ces temps reculés, je croyais que la cuisine était une discipline futile (j'ai bien revu mon jugement depuis...) et qu'il valait mieux maîtriser Gilles Deleuze que Pierre Hermé, du moins en société.
Ainsi, quand nous n'allions pas manger dehors, nous nous contentions de dîners quelque peu épurés: des salades (parfois même industrielles), des kebabs, des tartines, des raviolis chinois (à l'époque j'adorais ça les Dim Sum, nous les achetions congelés par paquets gigantesques et je les faisais consciencieusement cuire dans le petit panier vapeur en bambou. Malheureusement, comme il arrive souvent avec ce dont on abuse, ils ont fini par me dégoûter et rien que d'y penser... berk) et parfois, les dimanches soirs, divers currys et satays improvisés avec le contenu du placard puisque bien sûr, faire les courses, ce n'était pas vraiment dans nos habitudes.
J'aurais pu trouver inadmissible de faire passer les plaisirs oraux ainsi au second plan mais je n'étais pas assez sûre de mes capacités culinaires pour les mettre en avant et le peu de temps que nous passions à table (qui d'ailleurs n'existait pas) permettait une nette compensation scopique: je n'ai jamais vu autant de films qu'à cette époque. Barry Lindon, Le miroir, La honte, La forteresse cachée, c'était si beau que j'en oubliais le menu.
Quand nous avons déménagé, je me suis tout de suite sentie très bien dans le nouvel appartement. La cuisine est jolie et fonctionnelle, et peu à peu, j'ai osé mettre mes fantasmes culinaires à exécution. Pour mon plus grand soulagement, G. n'a pas du tout trouvé cela futile, bien au contraire, il a largement contribué à alimenter la bibliothèque en livres de cuisine, les placards en ustensiles et il passe souvent derrière les fourneaux, pour mon plus grand plaisir.
Jamais à l'époque des raviolis je n'aurais pensé faire un jour de l'osso buco, je croyais qu'il n'y avait que les mamans qui sachent bien faire cela, mais au vu du résultat, délicieux, je pense que j'en referai!
Je me suis largement inspirée de la recette de Laura Zavan; son livre Ma little Italy fait partie de mes préférés: il est joli, il y a des anecdotes et des informations très précises sur les produits, c'est très agréable à lire, on a l'impression d'être en vacances en Italie!
Pour deux personnes
2 tranches de jarret de veau
2 carottes
2 oignons rouges
3 champignons de Paris
12,5 cL de vin blanc sec d'Alsace
25 cL de bouillon de poule
5 anchois à l'huile coupés en petits morceaux
un peu de farine
un peu de beurre
un peu d'huile d'olive
Fariner la viande.
Faire chauffer le beurre et l'huile d'olive dans une grande poêle et y faire revenir les tranches de jarret.
Quand elles sont dorées, les sortir, les réserver au chaud et jeter le gras de la poêle.
Y verser un filet d'huile d'olive et faire revenir les légumes coupés en minuscules dés.
Au bout de quelques minutes ajouter les anchois et les faire fondre.
Verser le vin et gratter la poêle pour bien décoller les sucs.
Laisser bouillir quelques instants puis déposer la viande et verser le bouillon.
Couvrir et laisser sur minuscule feu pendant deux heures.
Je l'ai préparé à midi et je l'ai remis sur le feu pendant une demie heure avant de dîner, le temps de préparer les papardelles qui ont accompagné le plat et la gremolata qui a délicieusement parfumé l'osso buco.
La gremolata
une demie botte de persil
6 gousses d'ail
le zeste d'un demi citron
un peu de jus de citron
Hacher le tout très finement et servir à part.