samedi 24 janvier 2009

Rayer mon nom de toutes les listes et m'effacer du paysage -la blanquette de veau à la vanille de Kéda-

A mesure que le temps passe... vous connaissez la suite.
On a beau aimer les gens, leurs histoires, leurs secrets, leur goût pour une grand-mère qui portait un chapeau vert, une tante qui faisait un gâteau de riz sans concurrence ou leur récit de vacances ennuyeuses comme un cours d'allemand tenu par une prof qui postillonne, parfois, je meurs d'envie de faire l'école buissonnière.
Il y a ainsi des jours où, plutôt que de prendre le bus au milieu d'adolescents survoltés sans égards pour mes pieds (toujours pas de choses vernies pour celles qui s'inquièteraient), je crois que j'aimerais mieux rester petit-déjeuner au lit avec un chocolat chaud, une tartine beurre salé-confiture de mûres et quelques magazines pas trop compliqués. Quand je consentirais à la verticalité, après une toilette en bonne et dûe forme, c'est les cheveux attachés que j'enfilerais un jean mou et mon nouveau pull rayé avec une poche qui rappelle un coeur (ça a l'air cucul dit comme ça mais en fait non). Je me préparerais un thé (un matcha yuzu grâce à une lectrice terriblement attentionnée ou un sakura impérial au parfum de bonbon mais au goût de fleur ou juste un thé très simple à la vanille) et j'irais lire des histoires de petits garçons qui ont peur des chevaux ou de jeunes hommes qui voient leur prétendante avec des crottes à la place des yeux. Ce serait tellement intrigant toutes ces choses que l'esprit construit malgré lui que je ne verrais pas l'heure du déjeuner passer.


Comme je n'aurais nulle envie de préparer quoi que ce soit, j'enfilerais rapidement des tennis pour aller chercher quelques sushis dans une échoppe dont I., forte de son expérience tokyoïte, m'avait dit beaucoup de bien. Je crois que je trouverais ça très bon et plutôt joli mais je serais un peu gênée par le fait que les gens qui y travaillent ne soient pas japonais et que le thé proposé soit d'une marque russe; même si je suis presque certaine que j'y reviendrais (c'est un endroit rigolo), je préfère décidément les dames du Fuji, leur accent et leurs petites attentions.
Je suppose que je passerais l'après-midi à lire allongée sur le lit , et une petite sieste serait sans conséquences. Je m'autoriserais un goûter, même si ce n'est pas raisonnable, et je jetterais mon dévolu sur les pains au chocolat encore tièdes de la boulangerie d'en bas (dont les viennoiseries sont d'une qualité très fluctuante, c'est assez étrange. Elles peuvent être délicatement fondantes et feuilletées tout comme sèches et insipides). Je le dégusterais en écoutant Raphaël Enthoven et en me félicitant d'avoir choisi de faire l'école buissonière.
Mais bien sûr, je n'oserai jamais.
Hum.


Mais si cela se présentait je crois que je choisirais de préparer pour le dîner une blanquette de veau à la vanille, l'esprit occupé par la blanquette d'une maman (la mienne ne faisait jamais ce genre de choses. Elle s'est essayée à la paëlla, au poulet basquaise, à la sauce bolognaise ou au pot au feu mais elle fait un blocage sur le fait de cuisiner avec de la crème). Quand j'étais (beaucoup) plus jeune, je me disais que c'était typiquement français (un peu comme le fait de manger un morceau de camembert sur son assiette retournée).
C'est Kéda B. qui m'a soufflé l'idée de la vanille et j'ai bien aimé la vision des petits grains sombres dans la sauce onctueuse ainsi que le subtil parfum qui se dégageait des assiettes (bien chaudes).


Une blanquette de veau à la vanille à la KB
Pour trois personnes

-600g de bon veau choisi chez votre boucher, coupé en morceaux (le veau)
-5 carottes
-2 beaux poireaux
-6 petits oignons
-1 gousse d'ail
-1 gousse de vanille
-30g de beurre
-1 cuillère à soupe de farine
-75g de crème fraîche
-1 cuillère à soupe de jus de citron
-sel

Dans une cocotte, rassembler les morceaux de viande, une carotte en tronçons, un demi poireau en tronçons, les oignons et la gousse d'ail.
Recouvrir d'eau froide et porter à ébullition. Quand elle est atteinte, baisser le feu et laisser cuire à petits bouillons pendant trente minutes. Penser à écumer.
Au bout de ce temps, rajouter le reste de carottes en rondelles et les poireaux en rondelles épaisses aussi. Laisser cuire 15 minutes.
Au bout de ce temps, verser le contenu de la cocotte à travers une passoire. Récupérer le bouillon dans une petite casserole à maintenir au chaud. Réserver la viande et les légumes.
Dans la cocotte désormais vide, faire fondre le beurre puis ajouter la farine. Laisser cuire un peu avant d'ajouter une louche de bouillon. Fouetter énergiquement. Rajouter trois bonnes louches de bouillon en fouettant bien entre chaque. Verser alors la crème fraîche.
Quand la sauce a la consistance désirée, ajouter les grains de vanille récupérés dans la gousse fendue en deux puis le jus de citron.
Sur un feu très doux, ajouter la viande ainsi que les oignons et les rondelles de carotte et de poireau. Saler, si vous voulez.
A servir avec du riz que vous aurez cuit avec le bouillon.

Une absence consentie lors d'une journée sans conséquence

lundi 12 janvier 2009

Indice de structure -le cake à la marmelade d'orange de Nigel-

Même si je vais voir madame C. deux fois par semaine, j'ai en ce moment quelques obsessions qui sont: des collants à côtes, les haïkus de Simone (et notamment celui sur la quiche), le flan pâtissier, une reprise de Joe Dassin, un film au titre mystérieux, un mini mémoire que je dois rendre pourtant sans urgence, une robe avec un noeud devant, des mitaines, le sandwich au cochon laqué de ma maman (il n'y a qu'elle pour le faire comme ça: d'abord elle fait cuire pendant des heures un beau morceau d'échine qui aura mariné dans un mélange dont elle a le secret. La cuisson lente et douce confère à la chair un moelleux délicieux protégé par une surface croustillante. Sa seule évocation m'émeut. Elle y découpe des tranches un peu épaisses qu'elle redécoupe en lanières. Elle prend de la très bonne baguette fraîche, sans fioriture (je veux dire, pas un truc "à l'ancienne", une vraie baguette à la mie blanche, comme quand on était petit et qu'on n'avait pas le choix), elle l'ouvre en deux, elle tartine avec modération de la sauce hoi sin et elle étale aussi un peu de sriracha. Après, elle intercale dans un joyeux désordre les lanières de cochon, des carottes râpées marinées -c'est sucré et acidulé à la fois. C'est surtout très frais et croquant-, des fins tronçons de concombre et, si elle en a sous la main, quelques brins de ciboulette. C'est, je crois, mon sandwich préféré. La dernière fois que j'en ai croqué un, c'était il y a un mois environ, avant un concert dans une ville minuscule à côté de celle de mes parents. Ils nous avaient préparé un pique-nique, avec les fameux sandwiches, des madeleines au caramel au beurre salé -qui semblent être la nouvelle obsession de ma maman. Je crois qu'elle trouve ça terriblement exotique-, et des clémentines -avec des feuilles-)).
Je pense beaucoup aussi aux bols Margrethe, à du thé vert au yuzu, à un coussin avec une poule dessus (rien ne va plus), à une fille qui portait un pull noir avec une broche pompon, à une phrase de La Princesse de Clèves, à un supplément de magazine un peu chic pour lequel j'ai fait en vain le tour des marchands de journaux de Rennes (sauf celui de la rue Vasselot parce qu'un jour ils nous ont mis dehors sous prétexte qu'on portait un sweat à capuche -c'était un dimanche matin-)
Je pense beaucoup moins à la pâtisserie qu'à une lointaine époque où je m'endormais sur des images de mini cheesecakes faisant la ronde, mais j'aime bien feuilleter au lit le journal de Nigel et, un soir très froid, j'ai jeté mon dévolu sur un cake à la marmelade d'orange qui s'est révélé délicieux avec du yaourt à la vanille maison (j'aime beaucoup ma petite yaourtière vintage que G. a su choisir avec goût).

Le cake à la marmelade d'orange de Nigel Slater
Pour un moule à cake standard

-170g de beurre salé bien mou
-3 oeufs légèrement battus
-140g de sucre roux
-une orange non traitée
-190g de farine
-un sachet de levure
-2,5 cuillères à soupe bombées de marmelade d'orange

Fouetter ensemble le beurre et le sucre.
Ajouter progressivement les oeufs en mélangeant bien puis la marmelade et les zestes de l'orange.
Verser la farine puis la levure et bien homogénéiser la pâte avant de verser la moitié du jus que vous aurez obtenu en pressant l'orange.
Bien mélanger avant de verser dans le moule à cake beurré et enfourner une trentaine de minutes dans un four préchauffé à 180° (vérifier la cuisson avec un cure-dent).

dimanche 4 janvier 2009

Il y aura des ombres au mur, le soir en décembre -mais nous sommes désormais en janvier-

Imprévus, trahisons, retournements de situation, on se serait presque crus dans l'univers impitoyable d'une mauvaise série des années 80. Mais dans l'hiver qui commençait et malgré les aubes obscures, quelques moments tendres firent oublier que le bonheur n'est pas toujours gai.
J'ai connu il y a longtemps déjà une jeune fille aux cheveux courts qui habitait rue Saint Melaine un minuscule appartement qu'elle partageait avec une étudiante des Beaux-Arts. Nous avons partagé dans leur cuisine exigüe des pizzas sans intérêt, des pâtes croulant sous le fromage fondu, des croûtes à thé parfumées et plusieurs atermoiements existentiels en rapport avec le profond ennui que nous inspiraient les études de médecine. Suite à un malheureux malentendu directement généré par cette mauvaise habitude que nous avions chacune d'exiger des amitiés exclusives, je ne suis plus retournée dans cet appartement mais à chaque fois que je passe dans cette rue où vient d'ouvrir un charmant restaurant tibétain, je ne peux m'empêcher de penser aux cheveux courts de N.
Il se trouve que ce restaurant a été plusieurs soirs notre refuge après des journées éprouvantes qui vous mettent la tête et le coeur en bouillie. G. a un faible pour les lumières tamisées, les couleurs douces et chatoyantes à la fois, la musique enveloppante, la serveuse en costume traditionnel confondante de gentillesse, le thé au lait et aux épices, les beignets de crevette servis avec de la sauce au tamarin, les ravioli aux épinards et au fromage, le dhal parfumé et les curries au caractère bien trempé. Pour ma part, j'aime bien les soupes de nouilles dépouillées et pourtant réconfortantes et puis aussi le riz sauté aux légumes servi en portion gargantuesque mais on aurait presque envie de le finir tant il est bon. Il est probable que ma vieille amie aux cheveux courts, avides de terres lointaines et de langues étrangères, aurait aimé.
Un autre soir de décembre, j'ai croisé la silhouette fatiguée de Patrice Chéreau juste avant la projection de Gabrielle dont l'action immobile ne traduisait pas moins la violence des amours cruelles. Patrice Chéreau, dans son grand manteau, m'a paru infiniment sympathique par son goût du détail lorsqu'il a raconté le contexte dans lequel il avait tourné le film. Après la séance, nous avons goûté un cannelé de chez Cozic, parce qu'un peu plus tôt dans l'après-midi, on m'avait offert dans le service des cannelés maison que j'avais trouvé délicieux (c'était la première fois que j'en mangeais) et j'avais envie de retrouver cette tendre élasticité vanillée.
Au cinéma, il y eut aussi le soir où, après des croque-monsieur (que j'ai tendance à associer, comme un réflexe pavlovien primaire, aux séances de 20h30. Cela marche aussi avec les hamburgers maison qui précèdent la section clinique du vendredi soir), j'ai pleuré à retardement sous un parapluie violet à cause de l'histoire de Two lovers. En réalité, pendant la projection, j'ai surtout pensé à la maîtrise de James Gray, son talent à filmer aussi bien un repas en famille lourdingue qu'une scène de boîte de nuit survoltée, la rigueur ascétique du scénario, le pas et la voix de Joaquin Phoenix. Et puis, sur le chemin du retour, j'ai été envahie d'une tristesse sans nom à cause de la cruauté du retournement de situation. J'ai adoré ce film dont les images m'ont poursuivie longtemps encore tout comme le visage de Marielle Hemingway quand elle se fait larguer dans Manhattan, que nous avons revu avec un plaisir infini et j'ai fantasmé pendant plusieurs jours le fait de manger au lit de la nourriture chinoise dans des boîtes en carton en regardant un vieux bon film avec son amoureux (mais il se trouve que je trouverais très compliqué de manger et de regarder un film en même temps, j'aurais l'impression que l'un des deux plaisirs devrait s'effacer en faveur de l'autre et je ne veux pas avoir à renoncer à quelque chose que j'aime autant).


Début décembre, j'ai passé une soirée à lire frénétiquement Frankie Addams, un livre que j'ai trouvé horriblement triste tant il décrit parfaitement l'ennui et le désespoir de l'adolescence quand on est seul dans une ville que l'on déteste et qu'à la question "Si tu étais quelqu'un d'autre, qui choisirais-tu?", la réponse qui jaillit spontanément reste "N'importe qui sauf moi". Cela m'a rappelé des heures noires où, affublée d'un appareil dentaire et d'un carré moche, lestée de quelques kilos disgracieux, je restais allongée sur mon couvre lit fleuri à me demander comment je pouvais changer de vie et partir loin, avec quelques livres et des biscuits dans un sac en tissu.
Heureusement, la vie réelle sait aussi être pleine de bonnes surprises. J'ai beaucoup aimé la petite série des objets qui habitaient le bureau de Freud au Musée Rodin et, lors de ces courtes journées parisiennes, j'ai bien aimé aussi la soirée passée avec une jeune fille très douce qui m'aurait presque convaincue de mettre enfin les chaussures vernies que je n'ai pas envie de porter plutôt que mes vieilles Clarks au lacet cassé. Nous avons passé avec elle un délicieux moment. Et puis j'ai aussi dégusté un très bon rich english cake au glaçage parfait au Thé au fourneau avec une demoiselle qui venait de s'acheter un très beau manteau. Tout cela me rappelle que, maintenant que je n'ai plus l'impression de vivre dans une série américaine des années 80, j'ai envie de rattraper le temps perdu, notamment avec un loukoum et une choucroute qui se reconnaîtront.
Je ne sais pas ce que vous avez fait mercredi dernier. Ici, nous avons d'abord bu un verre de vin blanc avec I. et son ami, en grignotant des petits feuilletés à la tomate et en regardant les lumières trembler place de l'Opéra. I. était en vacances et partageait son temps entre la lecture de la série des Millenium et le visionnage de films de Bergman. Et puis nous sommes rentrés à la maison, il y avait des mini pizzas de notre traiteur italien préféré, j'avais fait des canneloni ravissants et délicieux et en dessert, nous avions juste envie de la régression de la glace à la vanille alanguie sous le chocolat fondu et la chantilly. C'était chouette.
J'espère qu'en 2009, j'écrirai plus souvent, je me remettrai à cuisiner et puis je vous souhaite de divines surprises et de gracieux moments à profusion!